Juin 2004 - n°89
Le programme interdisciplinaire ROBEA : la robotique est sur tous les fronts !
Aujourd’hui, des robots explorent Mars et les fonds marins,
aident les chirurgiens à effectuer des opérations, assistent
les scientifiques pour manipuler le “ nanomonde”, permettent aux
handicapés de mieux s’adapter au quotidien… La robotique
est sur tous les fronts et à la une de l’actualité. Dans
ce contexte, le département STIC fait le point sur l’état
des recherches en robotique en France, notamment au travers le programme ROBEA,
programme interdisciplinaire du CNRS.
Département STIC et programme ROBEA…
Depuis plusieurs années, le domaine de la robotique constitue l’un
des axes de recherche prioritaires du CNRS. Le dernier grand programme national
en robotique, ARA (Automatique et Robotique Avancée), s’était
déroulé avec succès de 1980 à 1985.
La création du département STIC (Sciences et Technologies de
l’Information et de la Communication), en 2000, a été
l’occasion pour le CNRS de relancer l’effort de recherche dans
ce domaine. Il lance en avril 2001 le programme interdisciplinaire ROBEA (ROBotique
et Entités Artificielles) qui doit se poursuivre jusqu’en 2006.
Concrètement, une dizaine de projets regroupant plusieurs laboratoires
sont financés chaque année à hauteur de 100 000 euros
en moyenne, pour une durée de 2 à 3 ans. 32 projets sont en
cours. Sélectionnés sur appelà propositions, ils impliquent
au total une cinquantaine de laboratoires (CNRS, mais aussi Universités,
INRIA, INSERM, CEA, ONERA, CEMAGREF…) et la mobilisation au minimum
de 100 à 150 hommes chaque année. Plusieurs font intervenir
des partenairesétrangers (Allemagne, GB, Espagne, Etats- Unis) et quelques
équipes de R&D industriels.
Une dimension interdisciplinaire pour des investissements
qui portent leurs fruits
Les problèmes de recherche étudiés dans le cadre du programme
ROBEA sont multiples et portent en particulier sur l’étude des
fonctions sensori-motrices et cognitives d’une machine autonome et ses
interactions avec l’homme. Ces recherches regroupent des domaines d’applications
très divers : aide à la chirurgie, aide à la marche pour
les handicapés, manipulation mécanique de haute précision,
exploration de l’environnement, sécurisation de la conduite…
Sans parler des loisirs, avec la perspective de robots guides et de compagnie
!
Il est évident que de tels projets font appel à des champs d’expertise
extrêmement variés, et c’est l’un des grands atouts
du CNRS que de mettre à profit, à travers le programme ROBEA,
les forces vives de la robotique française.
Les investissements passés portent d’ores et déjà
leurs fruits, notamment dans le secteur de la robotique sous-marine, développé
par le Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique
de Montpellier (LIRMM), dans lequel la France est leader mondial.
Par sa dimension interdisciplinaire impliquant les sciences cognitives, les
sciences humaines, les sciences de la vie et les sciences de l’information,
et par la richesse et la dynamique des collaborations inter-organismes (Inria,
CEA, ONERA, Inserm…), le programme ROBEA devrait consolider la position
de la robotique française parmi les leaders européens dans ce
domaine. En synergie avec cet effort national de soutien du CNRS, des programmes
internationaux se mettent en place, comme l’appel “ Beyond Robotics
” du 6ème Programme Cadre de Recherche et Développement
(PCRD) au niveau européen, et la création en décembre
2003 du laboratoire franco-japonais Joint robotics laboratory (JRL), dédié
à l’étude des humanoïdes...
Quelques exemples de projets parmi les 32 du
programme ROBEA
Depuis sa création en avril 2001, le programme ROBEA finance une dizaine
de projets par an. Résumons à titre d’exemples les objectifs
de trois d’entre eux, plus spécialement centrés sur le
monde scientifique et médical :
Psikharpax : vers la synthèse d’un
rat artificiel
Le projet Psikharpax a été lancé par le Laboratoire LIP
6 – CNRS, basé à Paris. Il a pour but de concevoir un
robot implémentant les structures nerveuses et les mécanismes
adaptatifs connus pour être impliqués dans la navigation et la
sélection de l’action chez le rat réel.
En cours de développement, ce rat artificiel a pour vocation de contribuer
à l’avancement des sciences cognitives et de l’intelligence
artificielle. Doté de senseurs externes visuels, auditifs, tactiles)
et internes (odométrie, système vestibulaire, niveau d’énergie)
similaires à ceux du rat, il sera également équipé
de nombreux moteurs (mouvement des yeux, posture ou déplacement) ainsi
que de programmes informatiques inspirés des circuits nerveux des rongeurs
pour assurer les fonctions essentielles de navigation et de sélection
d’actions motivées.
Sans intervention humaine, Psikharpax pourra ainsi “ survivre ”
dans un environnement a priori inconnu, car il aura appris notamment à
le cartographier et à associer à tout moment ses propres expériences
à des lieux, des objets ou des congénères.
* DEMAR : DEambulation et Mouvement ARtificiel
Conduit par un laboratoire du LIRMM, sous tutelle mixte du CNRS et de l’université
de Montpellier, le projet DEMAR vise à contrôler, par la stimulation
électrique, les mouvements des membres inférieurs humains paralysés.
Ce type de projet implique des recherches dans des domaines divers comme les
stimulateurs implantés, les capteurs, la biomécanique, le contrôle
en boucle fermée des muscles sous stimulation électrique, l’analyse
de mouvement…
* Maam : projet atome robotique
Le projet Maam a pour objectif de définir, spécifier, concevoir
et réaliser un ensemble d’atomes robotiques capables de s’assembler
en une molécule qui pourra, par reconfigurations successives, réaliser
une tâche donnée. Un atome sera dans ce cas une structure mécanique
à six pattes, chacune d’elles pouvant se solidariser deux à
deux avec d’autres atomes. Les six pattes sont réparties autour
d’un noyau sphérique suivant les trois directions de l’espace.
Les motivations d’un tel projet ?
- la rapidité de déploiement d’une solution robotique
pour une tâche nouvelle,
- la réduction des coûts par économie de temps, la facilité
de maintenance et la réutilisation envisageable des composants,
- la simplicité dans l’interaction avec le système,
- la facilité dans la conception de nouveaux atomes compatibles…
Le projet Maam est conduit à Vannes, dans le cadre du laboratoire Valoria
de l’université de Bretagne Sud.
Zoom sur les projets de télé-micro/
nanomanipulation
Les recherches menées dans plusieurs laboratoires du département
STIC du CNRS visent à la réalisation et à la validation
expérimentale des technologies nouvelles pour la manipulation à
distance d’objets de dimensions sub-millimétriques, de l’ordre
du microet du nanomètre. Les applications sont diverses.
“ En biologie, ces techniques de micromanipulation peuvent permettre
de caractériser le comportement de macromolécules individuelles
(molécule d’ADN, par exemple), de groupes de molécules
ou du cytosquelette des cellules vivantes ”, nous explique M. Philippe
Bidaud, Directeur du LRP. “ En physique des matériaux, la
micromanipulation appliquée à l’étude des structures
en nanotubes de carbone permet d’envisager la construction, à
l’échelle nanométrique, de matériaux extrêmement
résistants…. ”
Le Laboratoire de Robotique de Paris (LRP, CNRS/Université Paris 6)
travaille plus particulièrement à la conception de systèmes
et de techniques de télé-micro/nanomanipulation à très
haute sensibilité.
Objectifs de ces projets ? “ Ressentir ” des interactions de très
faible amplitude, à l’échelle du micro-Newton, et “
assister ” les manipulations d’éléments à
l’échelle microscopique, en considérant notamment les
applications dans le domaine des sciences de la vie (analyse bio-mécanique
de cellules et membranes, synthèse de protéines…).
D’intéressants développements ont déjà été
réalisés, mais de nombreux problèmes restent posés.
M. BIDAUD évoque à ce titre plus spécifiquement :
- la modélisation et l’identification des phénomènes
micro-physicochimiques,
- la conception de systèmes de micromanipulation et de micropréhension
intelligents permettant de maîtriser avec une grande finesse les interactions
avec les objets manipulés,
- le couplage de ces systèmes avec des interfaces de réalité
virtuelle pour appréhender le changement d’échelle macro/micro
et rendre ainsi accessible la perception du micromondeà la main et
aux yeux de l’Homme,
- la commande des systèmes pour l’assistance aux “ gestes
” de micro-manipulation en utilisant des capteurs de force et de vision
à très haute résolution…
“ Demain, la manipulation du “ nanomonde ” permettra
d’élaborer des nanopuces, des nanorobots, et des nanomachines
intégrant nanomoteurs et nanosenseurs, qui imiteront des structures
biologiques existantes et seront capables d’effectuer un travail de
détection ou de transport moléculaire ”, ajoute Ph.
BIDAUD.
Exceptionnels de par leur richesse et leur créativité, tous
les projets ROBEA se poursuivront ces prochaines années dans le cadre
du Réseau Thématique Pluridisciplinaire 17.
Le RTP 17, en collaboration avec le RTP 49 (“ Véhicules et infrastructures
intelligentes ”), lance un appel à propositions “ Plate-formes
”.
Son but est de définir une première liste de plate-formes d’ambition
nationale, à la disposition de toute la communauté…
SD