Mars 2005 - n°97
Portrait : le Professeur Patrice COURVALIN, lauréat du Prix 2004 de la Recherche AGF
Lauréat 2004 du Prix de Recherche AGF, Patrice COURVALIN est
récompensé pour ses recherches sur la résistance des
bactéries pathogènes pour l’Homme aux antibiotiques. Professeur
à l'Institut Pasteur où il dirige l'Unité des Agents
Antibactériens, M. COURVALIN est également responsable du Centre
National de Référence de la Résistance aux Antibiotiques.
A 60 ans, il compte déjà plus de 30 années de recherche
et s’impose comme l’expert mondial des résistances aux
antibiotiques…
Un Homme de Pasteur, au cursus international
“ Patrice COURVALIN est assurément un Homme de Pasteur ”,
déclare M. Gilles JOHANET, Directeur des Activités Santé
du Groupe AGF. M. COURVALIN a effectivement acquis l'ensemble de sa formation
spécialiséeà l'Institut Pasteur, depuis le stade d'interne
en médecine en 1969, jusqu'à sa nomination comme Professeur
en 1991… ce qui ne l’a pas empêché d’effectuer
plusieurs séjours prolongés dans différents laboratoires
américains et d’être actuellement Visiting Professor à
l'Université de San Diego.
«La carrière de Patrice COURVALIN, depuis son entrée
à Pasteur, pourrait être présentée selon quatre
qualificatifs ”, ajoute Gilles JOHANET. “ Il est, en
effet, avant tout :
- un initiateur, car il a su allier très tôt la biologie et la
médecine et en particulier, dès 1970, la biologie moléculaire
à la bactériologie médicale.
- un saisisseur de hasards : M. COURVALIN est un esprit curieux qui a rapproché
deséléments, a priori indépendants les uns des autres.
Ainsi, dès 1972, son laboratoire a débuté une longue
série de travaux sur les entérocoques et la mise en évidence
de plasmides leur conférant une résistance multiple aux antibiotiques.
L’ensemble du savoir-faire et des connaissances développés
alors, lui ont été d’une grande aide quand 20 ans plus
tard, en 1995, M. COURVALIN et son équipe ont travaillé à
la construction d’un vecteur bactérien permettant le transfert
direct d’ADN de bactéries à des cellules de mammifères.
- un preneur de risques, car étudier les bactéries pathogènes
pour l’Homme peut s’avérer très dangereux..
Une tâche austère, mais pas ingrate – souligne M.
JOHANET - puisque Patrice COURVALIN a été distingué
à de nombreuses reprises par la communauté scientifique mondiale…
- un Homme couvert d’honneurs : le Pr COURVALIN a en effet été
récompensé par plusieurs distinctions et prix, nationaux comme
internationaux. Il y a 30 ans, déjà, ilétait lauréat
de la Faculté de Médecine de Paris. En 1994, il reçoit
son premier Prixétranger - le Prix Louis Garrod de la British Society
for Antimicrobial Chemotherapy -… jusqu’à sa dernière
distinction précédant celle décernée par la Fondation
AGF : le Prix Thomson – ISI “ French Microbiologist Citation Laureate
”, en 2004. “ Un Prix attribué sur des critères
de bibliographie pondérée par nom d’auteurs ”, précise
M.JOHANET. “ Ce qui montre que le Laboratoire de M.COURVALIN est le
plus cité au monde dans sa spécialité… ”.
L’Unité des Agents Antibactériens,
U2A
Entré en 1970 au sein de l’Institut Pasteur, en tant que responsable
du Laboratoire Clinique d’Antibiothérapie (Unité de Bactériologie
Médicale, Département Bactériologie et Mycologie), M.
Patrice COURVALIN se voit confier la direction du Laboratoire de Biochimie
en 1977. En 1982, il est nommé Adjoint au chef du Département
de Bactériologie et Mycologie, puis prend la tête de l'Unité
des Agents Antibactériens (U2A) en 1983.
L’U2A étudie les mécanismes de résistanceémergents
ainsi que l’évolution et la dissémination de la résistance
des bactéries aux antibiotiques. Une recherche fondamentaleétroitement
liée aux problèmes cliniques et thérapeutiques actuels
!
Dès 1970, M. COURVALIN s’est imposé parmi les premiers
à appliquer les techniques de biologie moléculaire au domaine
de la bactériologie médicale. C'est ainsi qu'avec ses collaborateurs,
il a pu mettre en évidence et décrire de nombreux mécanismes
de résistance des agents bactériens importants en santé
publique, puis élucider leur support génétique. Grâce
à cette approche multidisciplinaire, les résultats de l'étude
menée sur la sensibilité in vitro des bactéries aux antibiotiques
ont pu être analysés et interprétés selon de nouveaux
concepts, ceci en vue d'une thérapeutique plus adaptée.
Autre développement généré par ces travaux : la
mise au point d'outils moléculaires de diagnostic plus performants
pour la détection et la surveillance de la dissémination des
gènes de résistance…
Il y a dix ans, par ailleurs, le Pr COURVALIN a obtenu avec son équipe
le transfert direct d’ADN de bactéries à des cellules
de mammifères grâce à la construction d’un vecteur
bactérien intracellulaire dérivé de Escherichia coli.
Ce vecteur qui permet un transfert efficace de gènes d’intérêt
à un large éventail de cellules est très utilisé
pour la transfection in vitro des cellules de mammifères.
Son utilisation potentielle en thérapie génique et pour la stimulation
de l’immunité mucosale sont en cours d’étude…
Le Centre National de Référence
des Antibiotiques, CRAB
En parallèle de son parcours de chercheur et chef de l’Unité
des Agents Bactériens, M. COURVALIN s'est beaucoup investi dans l'animation
du Centre National de Référence des Antibiotiques (CRAB). Après
avoir été nommé co-directeur du CRAB en 1977, il en prend
la direction en 1983.
Dans le cadre des missions générales des Centres Nationaux de
Références, celles plus spécifiques du CRAB sont les
suivantes :
- le maintien d’une collection de souches bactériennes de référence,
représentatives des mécanismes de résistance connus.
Cette collection de bactéries de référence est utilisée
pour l’étude des gènes de résistance et permet
la préparation de sondes spécifiques des mécanismes de
résistance ou de groupes d’incompatibilité plasmidique…
- l’évaluation de l’activité des antibiotiques nouveaux,
in vitro et in vivo en modèle animal. Notez que ces études n’ont
de valeur que si elles sont effectuées avec des souches représentatives
de la population bactérienne pathogène pour l’Homme et
des souches de génotypes définis. Ces travaux sont réalisésà
la demande de sociétés pharmaceutiques, le plus souvent dans
le but de constituer un dossier de demande d’autorisation de mise sur
le marché (AMM)…
- l’évaluation et l’amélioration des techniques
d’antibiogramme
M. COURVALIN a ainsi contribué à l'élaboration d'un ouvrage
sur la lecture interprétative de l'antibiogramme. Une méthode
désormais utilisée par les laboratoires du monde entier !
- la mise au point de nouvelles techniques moléculaires de référence
pour la détection des mécanismes de résistance ;
- l’étude des mécanismes de résistance bactérienne
aux antibiotiques : étude du support génétique, des mécanismes
biochimiques, de l’expression hétérospécifique,
de l’évolution et de la dissémination de cette résistance.
Les activités d’expertises du CRAB
reposent sur une triple compétence :
- une compétence bactériologique, sur la base de souchiers évolutifs
comprenant des bactéries à Gram-positif et à Gram-négatif,
ainsi que des plasmides et des transposons.
- une compétence chimique, car le CRAB possède une antibiothèque
incluant un grand nombre de molécules, autres que celles commercialisées
ou en cours de développement. Cette antibiothèque permet, d’une
part, l’individualisation de caractères de résistance
nouveaux et, d’autre part, desétudes comparatives de molécules
nouvelles, notamment dans les familles à croissance rapide (quinolones).
- une compétence technique en microbiologie et en biochimie :
=> détermination de l’activité in vitro des antibiotiques
isolés ou associés en bactériostase et en bactéricidie
;
=> dosage, détermination du profil de substrat, du point isoélectrique
et de la masse moléculaire des protéines (béta-lactamases
et enzymes modificatrices des aminosides) ; et pour ce qui concerne les acides
nucléiques : clonage in vitro, hybridation à l’aide de
sondes ou d’oligonucléotides disponibles, réaction de
polymérase en chaîne etélectrophorèse en champ
pulsé, détermination de séquence…
Le Centre National de Référence des Antibiotiques applique à
la santé publique les résultats des recherches menées
dans l’U2A, notamment dans les domaines de l’identification de
souches résistantes ou de mécanismes de résistance aux
antibiotiques. Ses objectifs actuels visent ainsi la détection et la
compréhension des mécanismes de résistance, l’évaluation
des conséquences de la résistance pour une antibiothérapie
plus adaptée, la contribution à la surveillance (nationale et
internationale) de la résistance et l’alerte aux autorités
de santé en cas d’émergence de nouvelle résistance…
Notez que M. COURVALIN et son équipe continuent de jouer un rôle
important dans la formation de bactériologistes médicaux français
et étrangers de haut niveau. Ce qui fait de l’Unité des
Agents Bactériens et du Centre National de Référence
des Antibiotiques une véritable “pépinière des
CHU” !
SD