Avril 2006 - n°109
Portrait du Docteur Marcel MECHALI, directeur de l’Institut de Génétique Humaine/CNRS, lauréat du Prix de Recherche 2005 de la Fondation AGF – Institut de France
Le 18 janvier dernier, la Fondation AGF– Institut de
France a fêté son 21ème Prix de Recherche et distingué,
à cette occasion, le Docteur Marcel MECHALI, lauréat du Prix
2005. Au travers de ce prix, c’est toute l’équipe de recherche
du Dr MECHALI et l’ensemble de ses travaux sur la réplication
de l’ADN qui se voient récompensés. La dynamique du génome
lors de la division cellulaire s’impose au coeur des investigations
du Laboratoire, avec en ligne de mire une question fondamentale : comment
la fécondation d’un oeuf aboutit-elleà un embryon, puis
à un organe ?
Ses recherches ouvrent de nouvelles voies dans l’analyse du cancer et
du développement embryonnaire, et fournissent de nouvelles stratégies
dans les transferts nucléaires et l’obtention de cellules souches…
Un laboratoire à l’origine de découvertes
essentielles sur la réplication de l’ADN
M. Marcel MECHALI est Docteur ès Sciences, Directeur de Recherches
CNRS, et Directeur de l’Institut de Génétique Humaine
du CNRS, à Montpellier. Son équipe, fondée en 1981, est
aujourd’hui composée de 9 chercheurs et 3 techniciens ; une équipe
dont chacun des membres présent ou passé a activement participé
aux découvertes fondamentales réalisées par le Laboratoire
sur la réplication de l’ADN.
=> Du chromosome au développement
des cellules différenciées
Les travaux du Dr MECHALI, basés sur l’étude de
la grenouille Xenopus Laevis en tant que modèle de fécondation
et de développement de l’oeuf, ont contribué à
une meilleure compréhension de la formation embryonnaire et de son
évolution. Ils ont ainsi permis l’émergence de nouveaux
concepts, en proposant comment, selon les tissus ou organes, des organisations
différentes des chromosomes lors de leur duplication les adaptent au
développement de l’embryon.
« En se divisant, l’ADN est capable de ponctuer différemment
son « texte » et, donc, de générer des lectures
différentes selon les organes ou tissus en formation »,
nous explique Marcel MECHALI. « Ces ponctuations du génome
correspondent concrètement aux points de démarrage des bulles
de réplication de l’ADN ; 50 000 sites de ce type sont dénombrés
chez l’Homme, mais seule une trentaine est aujourd’hui caractérisée...
»
Ajoutons que cette capacité de différenciation de l’ADN,
en constant équilibre avec celle de prolifération, est caractéristique
du développement des organismes multicellulaires, contrairement aux
bactéries dont la croissance ne repose que sur la prolifération.
Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives d’investigation
sur les dérèglements de la division cellulaire aboutissant au
cancer. Dans le cas de telles pathologies, la question se pose en effet de
savoir si les ponctuations du génome sont ou non modifiées.
« Une rupture de l’équilibre prolifération / différenciation
cellulaire pourrait être une cause de survenue des cancers. Ce concept
n’est pas nouveau, mais ce que les découvertes du laboratoire
suggèrent, c’est que une désorganisation des origines
de réplication puisse mener au cancer.», soutient M. MECHALI.
=> Des chromosomes de cellules adultes reprogrammés
pour le développement embryonnaire
Des travaux récents de l’équipe du Dr MECHALI,
expliquent des expériences réalisés en 1962 par John
Gurdon (Angleterre), et illustrent également comment la division de
l’ADN peut reprogrammer les chromosomes et les adapter au développement
embryonnaire. Ainsi, John Gurdon avait montré que un noyau de cellule
intestinale de grenouille Xénope, injecté dans un œuf vidé
de son programme génétique, peut donner vie à un tétard
! « Le« texte » d’origine de l’ADN n’est
donc pas perdu au fur et à mesure du développement. Le clonage
est possible, et allait être confirmé chez de nombreux animaux,
mais avec une innefficacité 1 à 3 % qui restait peu comprise…
», commente Marcel MECHALI.
Le laboratoire a fourni une explication à ce phénomène
en démontrant que le texte ADN d’une cellule adulte devait être
déprogrammé et qu’une nouvelle ponctuation du texte pour
sa réplication devait être établie pour l’adapter
au développement d’un embryon.
Ces observations suggèrent de nouvelles stratégies pour pratiquer
les transferts de noyaux dans l’œuf, le clonage animal et l’obtention
de cellules souches à partir d’embryons. Son approche est basée
sur la reprogrammation de l’organisation des chromosomes pour la réplication
par un conditionnement dans des conditions permettant cette « re-ponctuation
» de l’ADN…
=> Des protéines donnant à
l’ADN le permis de dupliquer
Les travaux effectués par le Dr Marcel MECHALI et son équipe,
de 1984 à 1991, ont par ailleurs permis de révéler que
plusieurs protéines oncogènes étaient en faitégalement
présentes dans la cellule normale, et intervenaient dans le développement
embryonnaire, lors de la division de l’œuf après fécondation.
« On sait aujourd’hui que ce sont des mutations ou des niveaux
d’expression anormaux qui rendent ces protéines actives dans
le développement de cancer », précise M. MECHALI.
Dans le même champ de recherche, plus récemment, le Laboratoire
a largement contribué à la découverte de nouveaux facteurs
de réplication et à la caractérisation de leur rôle.
Trois gènes-clés, en particulier, ont été mis
en évidence : MCM8 et MCM9, deux protéines permettant l’ouverture
de la double hélice d’ADN et l’avancée de la fourche
de réplication, ainsi que CDT1, facteur d’initiation de réplication
chez les eucaryotes, donnant à l’ADN le « permis »
d’engager sa division.
Le laboratoire a été le premier à identifier MCM4 comme
un facteur cellulaire du« licensing », une étape de la
réplication qui est potentiellement altérée dans les
cancers. Ces facteurs sont actuellement en cours d’évaluation
comme outil-diagnostic ou cible thérapeutique d’agents anticancéreux…
Aujourd’hui financée en grande partie par des programmes européens
et internationaux, le soutien d’associations et les financements ministériels,
l’Unité du Dr MECHALI poursuit également plusieurs partenariats
industriels, dont un initié il y a quelques mois avec le Groupe FABRE
dans le domaine des applications cliniques.
Plusieurs brevets fondés sur les découvertes du Laboratoire
ont par ailleurs été déposés par le CNRS ces dernières
années : l’un concerne la reprogrammation du génome dans
le clonage animal, et deux autres, très récents, portent sur
les gènes CDT1 et MCM8 pour un certain nombre d’applications
potentielles dans le diagnostic et le ciblage thérapeutique. Le Laboratoire
reste ainsi ouvert à de nouvelles collaborations. N’hésitez
pas à contacter M. MECHALI pour en savoir plus…
A propos de la Fondation AGF-Institut de France…
Rappelons que la Fondation AGF-Institut de France, créée en
1983 sous l’égide de l’Institut de France, a pour vocation
d’encourager la recherche fondamentale en France. Le Prix de Recherche
récompense chaque année, depuis plus de 20 ans, le responsable
d’uneéquipe médicale ou biomédicale dont l’œuvre
scientifique peut conduire à des applications cliniques, préventives
ou curatives.
Les candidatures sont examinées par une commission scientifique composée
de personnalités (cliniciens et chercheurs) représentatives
de la communauté médicale et biomédicale. L’Académie
des Sciences assure la dernière étape de la sélection.
Le Prix est remis par le Chancelier de l’Institut et par le Président
d’AGF. Doté d’une enveloppe de 75 000 euros, il compte
parmi les prix les plus importants décernés par une fondation
sous l’égide de l’Institut de France...
SD