Décembre 2007 - n°127
L’ANRS annonce l’inauguration d’une nouvelle plate-forme de génotypage à haut débit, à Paris, sur le site de la Pitié-Salpétrière
L’Agence Nationale de Recherches sur le Sida et les hépatites
virales (ANRS), l’Inserm et les Universités Paris VI et XI, viennent
d’inaugurer une plate-forme de génotypage à haut débit.
Installée au sein de la faculté de médecine Paris
VI sur le campus de la Pitié-Salpétrière, cette plate-forme
vise à identifier des corrélations entre gènes et évolution
de diverses pathologies : infections par le VIH et le VHC, pathologies
cardiovasculaires, musculaires et neurologiques.
Avec ce nouvel outil technologique, la France se dote d’un atout de
taille pour s’imposer à la pointe d’un vaste et nouveau
champ de recherche prometteur.
De l’intérêt du génotypage
à haut débit…
Jusqu’à présent, la recherche en génétique
consistait essentiellement à cibler un « gène candidat »
et à tenter de déterminer son influence vis-à-vis d’une
pathologie. Grâce à l’utilisation des technologies de génotypage
à haut débit, il sera possible de « screener »
l’ensemble du génome chez un groupe de personnes et non de se
limiter à un seul gène.
Plusieurs applications fort intéressantes en découlent :
déceler la responsabilité d’un gène dans le cas
d’affections familiales, ou encore, étudier les corrélations
pouvant exister entre un profil génétique (génotype)
et les caractéristiques d’évolution d’une maladie
(phénotype).
Pour l’infection par le VIH, par exemple, la stratégie du « gène
candidat » a montré l’implication du gène codant
pour l’un des co-récepteurs du virus, le CCR-5, sur l’évolution
de l’infection ; les personnes qui présentent une mutation
particulière de ce gène ont généralement une évolution
plus lente de la maladie. Des corrélations entre l’évolution
de l’infection et d’autres gènes candidats (HLA, cytokines
notamment) ont parallèlement été établies.
A terme, cette plate-forme permettra donc de déterminer, sur une large
échelle, si l’évolution d’une maladie est associée
à des caractéristiques génétiques particulières
et si la réponse aux traitements est influencée par des facteurs
génétiques spécifiques. De telles recherches sont susceptibles
d’ouvrir de nouvelles hypothèses physiopathologiques, mais aussi
des pistes thérapeutiques.
Une nouvelle plate-forme génomique, fruit
de collaborations multidisciplinaires
Etant donné tout l’intérêt de cette nouvelle technologie,
un consortium a été constitué par l’ANRS, dès
l’année dernière, afin de développer un projet
de plate-forme génomique. Une collaboration a ainsi été
engagée entre plusieurs spécialistes aux compétences
complémentaires :
des généticiens entraînés à la caractérisation
du génome et capables de mettre en place cette technologie d’étude
par puces à ADN ;
des épidémiologistes à même de définir des
phénotypes, d’analyser et d’interpréter les relations
génotype/phénotype observées ;
des biostatisticiens en mesure de réaliser traitements et analyses
statistiques de l’importante masse de données générées.
Il y a quelques semaines, dans le cadre d’un co-financement ANRS / INSERM
/ Université Paris VI / Paris XI, la plate-forme génomique,
équipée d’un appareil de génotypage à haut
débit, a été officiellement inaugurée.
Deux sites hospitalo-universitaires et trois
équipes
Intégré au sein de Faculté de Médecine Paris VI
sur le campus de l’hôpital Pitié-Salpétrière,
la plate-forme associe deux sites hospitalo-universitaires parisiens et trois
groupes de recherche :
=> l’équipe d’immuno-génétique dirigée
par Ioannis THEODOROU au sein de l’Unité Inserm 543 « Immunologie
cellulaire et tissulaire » et de l’IFR 113 ;
=> l’équipe d’épidémiologistes dirigée
par Laurence MEYER au sein de l’Unité Inserm 822 et de l’IFR
69 (CHU de Bicêtre, Université Parix XI) ; et,
=> l’équipe de biostatistiques de la génomique dirigée
par Philippe BROET au sein de l’IFR 69.
« Cette plate-forme va permettre aux équipes françaises
d’être dans une position de leader au plan européen sur
les recherches génomiques, tout en étant compétitives
par rapport aux équipes nord-américaines qui se sont lancées
dans cette approche », explique le Pr Patrice DEBRE (Hôpital
de la Pitié-Salpétrière, Paris), l’un des initiateurs
du projet.
Précisons que l’ANRS a constitué depuis plus de vingt
ans de nombreuses cohortes de patients ; une source d’information
particulièrement riche, bénéficiant de données
cliniques parfaitement annotées et d’échantillons biologiques
conservés. Dans le domaine du VIH, il sera par exemple possible de
comparer sur le plan génétique les patients présentant
une évolution rapide de la maladie à ceux chez lesquels l’infection
évolue lentement.
Le soutien de l’Inserm, de l’Université Paris VI et l’intégration
de ce nouvel outil au sein de la plate-forme P3S de la Pitié-Salpétrière
permettront également d’offrir cette technologie à des
équipes travaillant sur d’autres pathologies, en particulier
dans le domaine cardiovasculaire, musculaire et des neurosciences.
Un investissement financier important
Cette nouvelle plate-forme de génotypage à haut débit
a nécessité un fort investissement de la part des partenaires
associés, qui ont pris en charge, tant les coûts financiers d’installation
(ANRS : 520 000 € ; Inserm : 150 000 € + un coût
de maintenance évalué à 65 000 €/an ; Université
Paris VI : 25 000 €), que les postes d’ingénieurs et
chercheurs nécessaires à l’exploitation des données.
A ces chiffres s’ajoute le coût de la recherche elle-même,
particulièrement important. Dans le domaine du VIH, il est estimé
à 900 000 euros pour l’ANRS la première année.
« Les études que nous allons pouvoir réaliser
sont d’un intérêt potentiellement majeur »,
explique le Pr Patrice DEBRE. « D’une part, elles
devraient nous permettre d’identifier, donc de dépister, les
populations les plus à risque d’évoluer rapidement vers
des complications dans les infections par le VIH et le VHC, ainsi que d’identifier
des facteurs de prédiction ou de pronostic pour des affections cardio-vasculaires,
musculaires ou neurologiques. D’autre part, à un niveau individuel,
elles permettront certainement, même si c’est dans un avenir un
peu plus lointain, de guider les stratégies thérapeutiques ».
Les premiers travaux sont réalisés par les équipes des
Universités Paris VI, Parix XI et de l’Inserm. A terme, la plate-forme
sera ouverte à d’autres équipes, nationales ou européennes,
sur appel d’offres.