Décembre 2007 - n°127
Inauguration du laboratoire « Structure et Activité des Biomolécules Normales et Pathologiques » au Genopole (Evry)
En septembre dernier, Mme Valérie PECRESSE, Ministre de l’enseignement
supérieur et de la recherche, a inauguré deux nouveaux laboratoires
au Genopole (Evry). Nous vous avons déjà présenté
l’un d’eux – l’Institut des cellules souches pour
le traitement et l’étude des maladies monogéniques (I-Stem)
– ; et, c’est maintenant au second que nous consacrons ce reportage
: le laboratoire « Structure et Activité des Biomolécules
Normales et Pathologiques », Unité de recherche mixte INSERM
/ Université d'Evry et dirigé par M. Patrick CURMI.
De la cellule à la molécule, une démarche intégrée
Tubuline, microtubules, centriole… : ces éléments forment
une partie du squelette de la cellule appelé réseau de microtubules
et sont au cœur des travaux menés par le laboratoire « Structure
et Activité des Biomolécules Normales et Pathologiques »
(SABNP).
Nous savons que les anomalies de ce squelette sont impliquées dans
des affections invalidantes telles que le cancer, certaines maladies neurologiques
génétiques ou acquises, et dans des maladies du développement.
Le laboratoire « Structure et Activité des Biomolécules
Normales et Pathologiques » s’est donc fixé pour principal
objectif de comprendre la structure des molécules formant ce squelette
de microtubules et d’étudier leur fonctionnement.
Les travaux de l’Unité vont de l’analyse cellulaire et
biochimique des macromolécules, à l’étude de leur
structure tridimensionnelle en solution. Dans le prolongement de ces recherches,
le laboratoire met également à profit ces informations structurales
pour proposer de nouveaux candidats médicaments à haute activité
et haute spécificité, capables d’agir avec un minimum
d’effets indésirables.
Précisons que le Laboratoire SABNP, dirigé par Patrick CURMI,
médecin, directeur de recherche INSERM, est issu d’une ATIGe
(Action Thématique Incitative de Genopole), dont l’objectif est
d’attirer sur le site évryen de futurs leaders souhaitant développer
leur propre activité et bénéficier de l’environnement
biotechnologique de Genopole. Officiellement inauguré en tant qu’unité
mixte Inserm / Université Evry Val d’Essonne U 829, le Laboratoire
s’impose au premier rang européen pour ses recherches sur le
cytosquelette microtubulaire. Il bénéficie du soutien de Genopole,
et reçoit également des financements de l’ARC, de l’AFM,
de l’ANRS, de l’INCa (Institut National du Cancer) et de la Commission
Européenne.
Comprendre la structure des biomolécules pour développer les
traitements de demain
Quatre équipes composent aujourd’hui le laboratoire « Structure
et Activité des Biomolécules Normales et Pathologiques »
pour développer trois grands pôles de recherche :
1/ Dynamique de la tubuline et du centriole
La tubuline est le constituant élémentaire des microtubules,
qui forment une partie du squelette cellulaire. Des recherches ont démontré
qu’une altération mineure de l’organisation de ces microtubules
s’accompagne d’effets importants au niveau des cellules et de
l’organisme. Cibler la tubuline, le centriole (centre organisateur des
microtubules) ou les microtubules eux-mêmes par de nouveaux composés,
pourrait donc être utile pour lutter d’une part contre le cancer,
mais aussi contre des pathologies neurologiques impliquant le réseau
des microtubules (maladie d’Alzheimer, paraplégie spastique,
schizophrénie…) et certaines affections du développement
(dyskinésies, syndrome de Meckel, de Bardet Biedl, de Kartagener…).
Les travaux du Laboratoire visent ainsi à compléter la connaissance
de la structure atomique et le mécanisme d’action précis
des protéines régulant l’assemblage et la dynamique des
microtubules et du centriole. Ils font appel à plusieurs moyens d’investigation
:
- l’étude de la structure atomique moléculaire en solution
par spectrométrie RMN et la modélisation des informations structurales
acquises ;
- l’imagerie moléculaire par microscopie de force atomique et
microscopie électronique ;
- les investigations fonctionnelles biochimiques et la culture cellulaire.
Pour mener à bien ses recherches sur les centrioles, le Laboratoire
utilise par ailleurs un système biologique associant un organisme modèle
unicellulaire cilié - la Paramécie - et des approches originales
d’analyse fonctionnelle par ARN interférence…
2/ Imagerie moléculaire, modélisation et drug design
Pour mieux connaître la structure nanométrique et atomique
des biomolécules, le laboratoire dispose d’équipements
de Microscopie de force atomique (AFM) et d’une station RMN dotée
d’un spectromètre RMN 600 MHz et d’une cryosonde, d’un
spectrofluorimètre et de moyens de calcul pour la modélisation
et la dynamique moléculaire.
Ces données sont par ailleurs valorisées avec pour objectif
de créer « à la carte » des composés thérapeutiques
spécifiques des protéines étudiées ; les recherches
sont menées dans le cadre d’un partenariat avec la société
BioQuanta et le service de Biochimie de l’hôpital Lariboisière
(AP-HP), qui ont su développer des méthodes originales pour
concevoir des molécules et prédire in silico leurs comportements
dans le milieu biologique avec une précision inégalée.
Ces méthodes prennent en compte un large panel d’informations
partant de la description élémentaire du mouvement des atomes,
jusqu’aux interactions biologiques avec les molécules du vivant.
Les travaux réalisés en laboratoire ouvrent ainsi la voie à
la fabrication raisonnée de médicaments à haute activité
et haute sélectivité. Parallèlement, les propositions
de BioQuanta générées in silico sont évaluées
par des tests biologiques au laboratoire.
A noter en outre la collaboration tripartite qui unit BioQuanta, l’unité
829 et l’I-Stem, et dont l’objectif final vise à mettre
au point, puis à améliorer des traitements efficaces pour les
affections héréditaires monogéniques…
3/ Nanobiotechnologie
En parallèle de travaux fondamentaux, le laboratoire SABNP
étudie la possibilité de transporter des molécules d’intérêt
thérapeutique et de suivre leur cheminement dans la cellule. Dans ce
cadre, Patrick CURMI coordonne un projet de recherche européen - «
Nano4Drugs » - dont l’objectif est d’utiliser des nanoparticules
de diamants comme vecteur des protéines thérapeutiques jusqu’au
cœur des cellules.
L’objectif des études en cours est de réduire la taille
des nanoparticules de diamant pour atteindre un diamètre inférieur
à 40 nm, et adapter leurs propriétés de surface afin
de pouvoir greffer des biomolécules d’intérêt thérapeutique
et les transporter dans les cellules malades.
Nano4Drugs est un réseau européen créé avec l’aide
d’Inserm-Transfert en 2006 ; il réunit huit laboratoires académiques
et deux entreprises rassemblant chimistes, bio-informaticiens, biologistes
cellulaires, biochimistes… Les premiers résultats montrent que
les nanoparticules de diamant présentent une très bonne tolérance
cellulaire, et que leur irradiation électronique induit une fluorescence
stable permettant le suivi des molécules dans la cellule…
Solenne DENIS