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Zoom sur une mission BSF menée entre 2022 et 2024 au Cameroun

BSF (Biologie Sans Frontières), association loi 1901 reconnue d’utilité publique, œuvre à l’international, et notamment en Afrique, pour apporter son expertise dans le domaine de la Biologie Médicale. Sa mission est « de développer pour ne plus assister » ! BSF reçoit de nombreuses demandes d’aide chaque année et en nette croissante après la période Covid, preuve de son expertise et de son expérience. Depuis sa création en 1992 par des internes lyonnais, BSF a fêté ses 30 ans et a effectué plus de 350 interventions dans 37 pays. Cette mission se décline en trois axes principaux : le transfert de compétences, la transmission d’expérience et le don de matériel de laboratoire.

Bâtiment du laboratoire de Santé-Publique- Microbiologie- Hopital de Bangwa - Cameroun
Bâtiment du laboratoire de Santé-Publique- Microbiologie- Hopital de Bangwa - Cameroun
copyright Biologie Sans Frontières
 

Estelle de La Gazette du Laboratoire Afrique a rencontré pour vous Elisabeth ROTH JARROUX, biologiste au centre hospitalier de la Dracénie à Draguignan, et Bernadette JACQUET, biologiste retraitée & bénévole active de l’antenne lyonnaise de BSF, pour vous présenter leur mission camerounaise.

Estelle : « Bonjour, pouvez-vous vous présenter rapidement ? »

Bernadette et Elisabeth avec les 2 majors : Loic et Ange
Bernadette et Elisabeth avec les 2 majors : Loic et Ange
copyright Biologie Sans Frontières

Bernadette JACQUET : « Aujourd’hui, je suis retraitée et bénévole active pour BSF. Je suis une biologiste plutôt polyvalente grâce à mon expérience professionnelle via des hôpitaux et la direction d’un laboratoire d’analyses médicales privé. J’ai adhéré à BSF en 2015 et ma première mission date de 2016 au Cameroun, puis au Bénin, etc. J’ai eu l’occasion en mai 2021 de réaliser une visite de pré audit pour nos 2 missions au Cameroun de Mars 2022 et Mars 2024. Pour BSF, c’est une mission professionnelle par le transfert des compétences et de nos expériences, mais c’est aussi pour moi une belle aventure humaine où l’on partage la culture, le savoir-être et le savoir-vivre des personnes que l’on rencontre sur place – on en revient également grandi ! »

Elisabeth ROTH JARROUX : « Je suis biologiste au centre hospitalier de la Dracénie à Draguignan. J’ai réalisé des missions humanitaires dès 1992 au Mali, puis j’ai rejoint BSF pour contribuer au rayonnement de l’excellence en biologie médicale. Avec BSF, nous accompagnons des équipes sur le terrain lors de nos missions et nous tissons des liens pour des collaborations futures. C’est toujours avec plaisir que nous échangeons après nos missions avec les personnes rencontrées – des échanges facilités aujourd’hui par les outils numériques.»

Estelle : « Expliquez-nous comment vos interventions sont préparées. »

Elisabeth ROTH JARROUX : « Tout d’abord, les interventions sont validées par le conseil d’administration de BSF, qui est composé d’experts de la biologie médicale– 19 biologistes, enseignants et techniciens. Pour nos missions au Cameroun au laboratoire de l’Hôpital de Bangwa, Bernadette JACQUET a réalisé une première visite en mai 2021, puis 2 personnes de BSF, Odette TERRY, biologiste et Chantal RICH, technicienne, ont réalisé un audit préparatoire en novembre 2021 pour répertorier les besoins du laboratoire et préparer ce que BSF pouvait apporter.  L’état des lieux est réalisé tant au niveau du matériel existant qu’au niveau du personnel et des compétences. Après analyse de cet audit, BSF a décidé de mandater une équipe pour une mission. »

Salle de biochimie
Salle de biochimie
copyright Biologie Sans Frontières

Estelle : « Quels étaient vos objectifs sur cette mission ? »

Bernadette JACQUET : « Notre objectif principal était de sensibiliser le personnel technique à la démarche qualité et à la mise en place de contrôles de qualité en biochimie et hémostase et particulièrement en microbiologie. En parallèle, nous avons travaillé à renforcer le poste de bactériologie (cultures, identification et antibiogramme), à consolider les techniques habituelles (en hématologie, en biochimie, etc) en accompagnant notamment les techniciens à l’utilisation des nouveaux automates ou encore à mettre en place des contrôles de qualité pour fiabiliser les résultats. »

Elisabeth ROTH JARROUX : « Pour compléter, il est important de savoir que nous adaptons notre mission à l’établissement pour donner suite aux audits réalisés. L’hôpital de Bangwa a été construit en 1928 et compte environ 150 lits. La population est de 30 000 habitants pour Bangwa, et est portée à 40 000 avec les villages du bassin. L’hôpital pratique de la médecine générale, de la petite chirurgie, la maternité, de la pédiatrie et de l’urologie. En complément, il accueille ponctuellement des spécialités de cardiologie, d’ophtalmologie, de neurologie, etc. Des services de radiologie, d’échographie, d’endoscopie et un laboratoire d’analyses médicales sont aussi présents. Le laboratoire regroupe une équipe de 9 techniciens, dont 2 ingénieurs des travaux en analyses médicales. Pour cette mission, nous avons apporté des équipements, des contrôles de qualité en biochimie et en hémostase, des souches ATCC pour la partie microbiologie. Pour le laboratoire de microbiologie, tous les milieux sont réalisés sur place et les identifications se font à l’aide de tubes Kligler, de milieux citrate de Simmons et de milieux Mannitol-mobilité et d’esculine. Les souches ATCC apportées sont les souches de Klebsiella pneumoniae, Enterococcus faecalis, Escherichia coli et Staphylococcus aureus. L’objectif est d’en passer 2 tous les 15 jours et de consigner les résultats sur un cahier, de tracer à l’aide de ses initiales la personne qui a réalisé ce contrôle et de noter, en cas de non-conformité, la conduite à tenir.
Les principaux prélèvements sont des examens cytobactériologiques des urines, des coprocultures ou encore des prélèvements vaginaux, mais le laboratoire reçoit également des prélèvements de liquide cérébrospinal, des liquides de ponction et des spermocultures.
Nous avons réalisé une formation pour la coloration de Gram, les examens cytobactériologiques des urines, les prélèvements vaginaux etc. Nous avons également sensibilisé l’équipe du laboratoire au tri des déchets : coupants, produits souillés ou ordures ménagères. »

Techniciens au complet avec Elisabeth et Bernadette le dernier jour
Techniciens au complet avec Elisabeth et Bernadette le dernier jour
copyright Biologie Sans Frontières

Estelle : « Comment les 2 missions se sont-elles organisées ? quel a été le suivi entre les 2 ? »

Bernadette JACQUET : « Après notre mission de Mars 2022, nous avons rédigé un rapport complet avec des axes d’amélioration sur la partie pré analytique, comme la confidentialité, le changement du fauteuil de prélèvement, sur l’utilisation des contrôles de qualité, l’amélioration de l’hygiène, etc.
Pour la partie microbiologie, nous avions mis l’accent sur la surveillance de la température de l’étuve, l’utilisation de l’autoclave du bloc opératoire pour stériliser les milieux, opération réalisée jusque-là via l’utilisation d’une cocotte-minute. Nous avons également suggéré l’investissement dans un microscope.
La direction s’est fortement engagée dans cette mission avec des équipes sur place motivées et impliquées !
Nous constatons également une évolution des pratiques et notamment la première intention d’un prélèvement au laboratoire avant la mise en place d’un traitement antibiotique ! Des actions qui contribuent à lutter contre l’antibiorésistance notamment. »

Elisabeth ROTH JARROUX : « Entre Mars 2022 et Mars 2024, nous avons déjà constaté l’arrivée d’un médecin urologue, qui a pris en charge la direction de l’Hôpital depuis août 2022, ainsi que l’arrivée d’un gynécologue et d’un traumatologue. La majorité des personnes rencontrées en 2022 était encore en poste en mars 2024. Sur notre deuxième mission, nous avons échangé avec ces 3 nouveaux médecins pour comprendre leurs besoins et définir ce que l’on pouvait apporter.
En termes de bilan, j’ai été agréablement surprise de constater que pour la partie microbiologie, le cahier de contrôle de qualité des souches ATCC était tenu avec régularité. En 2 ans, nous avons pu constater une évolution positive sur les isolements, les antibiogrammes, le tri des déchets, désormais bien suivi, le changement du fauteuil de prélèvement, la mise en place d’une mallette de prélèvement pour les services, etc.
Nous avons également apporté un microscope et un ordinateur portable lors de notre seconde mission.
En 2024, nous avons constaté le développement de nouvelles activités, comme la biologie moléculaire pour les charges virales VIH adulte et enfant, la recherche de Bacille de Koch dans les expectorations, l’utilisation du laboratoire comme banque de sang etc.
Le laboratoire a aussi été équipé d’un nouveau spectrophotomètre, une réponse à l’une de nos demandes exprimées en 2022. Nous avons également pu refaire de la formation en cytologie, en biosécurité, etc.. »

Ange : technicien en microbiologie
Ange : technicien en microbiologie
copyright Biologie Sans Frontières

Estelle : « Quelle est la suite pour cette collaboration ? »

Bernadette JACQUET et Elisabeth ROTH JARROUX : « Nous venons de rendre notre rapport de mission de Mars 2024. C’est le conseil d’administration de BSF qui va décider des suites éventuelles à ces missions. Nous avons établi des recommandations pratico-pratiques, en mettant notamment l’accent sur le besoin de formation continue du personnel.
Allier travail et immersion en local grâce à l’implication des personnes rencontrées, nous permet de tisser des liens privilégiés et nous sommes ravies de rester en contact régulièrement pour prendre des nouvelles et être à l’écoute des questions ou besoins professionnels ! »

Les interventions de BSF permettent de mettre en place des outils adaptés à chaque situation, pour optimiser la pérennité des démarches et l’autonomie des acteurs locaux, dans l’objectif de pratiquer une biologie médicale de qualité dans des structures de santé de zones défavorisées. La biologie n’est pas une option ! Le partage d’expertise et l’amélioration des pratiques permettent in fine de lutter partout plus efficacement contre les maladies endémiques et épidémiques, transmissibles ou non transmissibles.

Pour en savoir plus : https://biologiesansfrontieres.org/

E.BOUILLARD
©La Gazette du LABORATOIRE AFRIQUE

 

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