NEWSLETTER AFRIQUE     LABORATOIRECOM    

Cinq chercheuses exceptionnelles récompensées par le Prix international 2024 L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science

Le 28 mai dernier, au siège de l’UNESCO à Paris, l’UNESCO et la Fondation L’Oréal ont récompensé les cinq lauréates 2024 du Prix international L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science, pour leurs travaux pionniers en sciences de la vie et de l’environnement.

A l’honneur tout particulièrement cette année : la contribution majeure de ces chercheuses d’exception face aux défis de santé publique, qu’il s’agisse du cancer, de maladies infectieuses telles que le paludisme et la poliomyélite ou de maladies chroniques comme l’obésité, le diabète ou l’épilepsie.

Parmi les cinq scientifiques distinguées - une pour chacune des cinq régions : Europe, Afrique et Etats arabes, Amérique du Nord, Amérique latine et Caraïbes, Asie et Pacifique -, la Pr Rose LEKE, paludologue camerounaise et professeure émérite d'immunologie et de parasitologie à l'Université de Yaoundé I est mondialement reconnue, notamment pour ses travaux visant à éradiquer la poliomyélite et améliorer la prise en charge du paludisme en Afrique. Portraits…

La Professeure Rose LEKE, lauréate pour l’Afrique et les Etats Arabes

Mme Rose LEKE a dirigé le département des maladies infectieuses et de l'immunologie ainsi que le centre de biotechnologie, au sein de l’Université de Yaoundé 1, Cameroun. A 77 ans, elle est récompensée par le Prix international L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science 2024 pour ses recherches exceptionnelles et ses efforts novateurs dans l’étude du paludisme et de la poliomyélite en Afrique ainsi que pour sa mobilisation en faveur du parcours professionnel des jeunes scientifiques.

Née au Cameroun, Rose LEKE a été touchée à plusieurs reprises au cours de son enfance par le paludisme. Les soins qui lui ont été prodigués ont suscité son intérêt pour la médecine et son engagement à faire progresser les connaissances et les traitements. Elle réalise ses études aux Etats-Unis et au Canada où elle soutient sa thèse de doctorat en 1979 sur la thématique « Murine plasmodia: chronic, virulent and self-limiting infections ». De retour au Cameroun, elle participe activement à l’éradication de la poliomyélite et à une meilleure vaccination en Afrique, et consacre également une large part de ses recherches à améliorer la prise en charge du paludisme, première cause de morbidité et de mortalité dans son pays natal. Au cœur de ses travaux notamment : le paludisme associé à la grossesse, l'infection du placenta pouvant en effet affecter le système immunitaire de la femme enceinte et générer des risques de complications létales.


De gauche à droite : Audrey AZOULAY, Directrice générale de l’Unesco, Rose LEKE, lauréate pour l’Afrique et les Etats Arabes, et Jean-Paul AGON, Président directeur général de L’Oréal et Président de la Fondation L’Oréal
Crédit: Fondation L’Oréal

La Professeure LEKE est l’auteur de nombreuses publications scientifiques, dont un grand nombre dans le cadre de collaborations internationales. Parmi ces publications clés, celle d’une étude en 2018, dont les conclusions suggèrent qu'une infection bénigne chez la femme enceinte confèrerait au fœtus une meilleure protection aux futures infections paludéennes…

Rose LEKE est en outre impliquée dans de nombreuses organisations dans les domaines de l'immunologie et du paludisme. Elle a ainsi notamment créé la Coalition camerounaise contre le paludisme (le CCAM, Cameroon coalition against malaria), présidé la Fédération des sociétés d'immunologie africaines (Federation of African Immunological Societies) - entre 1997 et 2001- puis a été nommée présidente du conseil d'administration de l'Institut national de recherche médicale du Cameroun en 2002. Par ailleurs présidente de la Commission de certification pour l'Afrique de l'initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite, elle a aussi exercé au sein du Comité consultatif de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur la politique antipaludique.

En 2015, la Professeur LEKE est élue membre honoraire international de la Société américaine de médecine tropicale et d'hygiène et créé le Consortium de l'Institut Supérieur pour l'essor de la recherche en santé pour les femmes (Higher Institute for Growth in Health Research for Women Consortium). Un grand nombre d’initiatives dans son pays et en Afrique qui ont valu à cette chercheuse d’exception de nombreuses distinctions, dont le prix scientifique Kwame Nkrumah pour les femmes de l'Union africaine en 2011 et sa nomination par General Electric Healthcare et le mouvement Women in Global Health en tant que « Héroïne de la santé ».

Scientifique multi-primée, Rose LEKE trouve dans le Prix international L'Oréal-Unesco une reconnaissance du travail accompli tout au long de sa carrière, non seulement en tant que chercheur, mais aussi en tant que femme qui a su évoluer à un très haut niveau dans la science, avec les hommes.

L'influence nationale, régionale et mondiale de la Professeure LEKE a eu un impact profond sur la santé publique dans son pays natal - le Cameroun - et dans toute l'Afrique. Ses réalisations font d'elle un modèle, une enseignante de premier plan et une alliée pour les jeunes femmes scientifiques.

Aux côtés des 4 autres lauréates du Prix International L'Oréal-Unesco pour les Femmes et la Science…

→ Lauréate pour l’Europe, la Professeure Geneviève ALMOUZNI - Biologie moléculaire
Mme Geneviève ALMOUZNI, Directrice de recherche, CNRS et Institut Marie Curie, France, est récompensée pour ses contributions décisives à la compréhension des mécanismes cellulaires responsables du cancer, dès l’intégration de l’ADN dans la cellule. Ses travaux pionniers dans le domaine de l'épigénétique ont permis d’avancer considérablement la détection des maladies et par conséquent d’améliorer le pronostic vital. Première femme à avoir dirigé l’institut Curie après Irène JOLIOT-CURIE et mentor engagée dans la transmission à la prochaine génération de scientifiques, la Professeure ALMOUZNI est une source d’inspiration pour les femmes scientifiques du monde entier.

→ Lauréate pour l’Amérique Latine et les Caraïbes, la Professeure Alicia KOWALTOWSKI – Biochimie
Professeure de biochimie à l’Université de São Paulo au Brésil, la Professeur Alicia KOWALTOWSKI a été distinguée pour sa contribution fondamentale à la biologie des mitochondries, « principale source d'énergie des cellules, dont elles constituent les batteries ». Ses travaux ont été essentiels pour comprendre l'implication du métabolisme énergétique dans les maladies chroniques, notamment l'obésité et le diabète, ainsi que dans le vieillissement. Sa contribution en tant que chercheuse et mentor, ainsi que son plaidoyer pour la science en Amérique latine et sa diffusion auprès du grand public sont une grande source d'inspiration pour les jeunes scientifiques.

→ Lauréate pour l’Amérique du Nord, la Professeure Nada JABADO - Génétique humaine
Mme JABADO est Professeure au sein des Départements de pédiatrie et de génétique humaine, Chaire de recherche du Canada de niveau 1 en oncologie pédiatrique, Université McGill, Canada. Elle est récompensée par le Prix international L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science 2024 pour avoir révolutionné la compréhension des défauts génétiques responsables de l’agressivité de la tumeur cancéreuse chez l’enfant. Sa découverte majeure des toutes premières mutations d'histones dans la maladie humaine, appelées oncohistones, a permis un changement majeur dans la recherche sur le cancer. Grâce à ses travaux innovants et à son leadership dans la mise en place d'un réseau de collaboration mondial, elle a remodelé l'approche médicale du cancer pédiatrique, faisant progresser à la fois les capacités de diagnostic et les traitements cliniques pour les jeunes patients.

→ Lauréate pour l’Asie et le Pacifique, la Professeure Nieng YAN - Biologie structurelle
Professeure au sein de la School of Life Sciences, Université Tsinghua, Présidente émérite de l’Académie Médicale de Recherche et de Traduction de Shenzhen, Directrice du laboratoire de la baie de Shenzhen, Chine. Mme YAN est distinguée pour avoir découvert la structure atomique de multiples protéines membranaires qui assurent la circulation des ions et des sucres à travers la membrane cellulaire, révélant ainsi les principes qui régissent le transport membranaire. Ses recherches ont permis d'éclairer de nombreux troubles tels que l'épilepsie et l'arythmie et ont guidé le traitement du syndrome douloureux chronique. En tant qu’autorité de premier plan dans son domaine, la Professeure Yan est une source d'inspiration pour les femmes scientifiques du monde entier et une ardente défenseure de l'égalité des sexes dans la recherche et l'enseignement des sciences.


Cérémonie de remise du Prix international 2024 L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science  - Crédit: Fondation L’Oréal

26 ans au service des femmes dans la science

Aujourd'hui encore, seul un chercheur sur trois dans le monde est une femme (33% selon un rapport de l’UNESCO). Par ailleurs, le plafond de verre reste une réalité : seuls 1/4 des postes scientifiques de haut niveau sont occupés par des femmes en Europe (source : She Figures). Depuis la création des Prix Nobel en sciences en 1901, seules 25 femmes ont remporté ces prix (source : Fondation Nobel).

Ainsi, depuis 1998, le programme L’Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science a pour vocation d’accélérer les carrières des femmes scientifiques et de lutter contre les obstacles qu’elles rencontrent, pour qu’elles puissent contribuer à la résolution des grands défis de notre temps. En 26 ans, il a distingué plus de 4 400 femmes scientifiques, dans plus de 140 pays, dont 132 lauréates du Prix international L'Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science pour l’excellence de leur recherche, et plus de 4 000 jeunes femmes scientifiques dans le cadre des programmes Jeunes Talents nationaux et régionaux, pour les encourager à s’engager dans des cursus scientifiques et contribuer à leur donner les moyens de briser le plafond de verre… Parmi ces lauréates, 7 d’entre elles ont obtenu un Prix Nobel.

Pour Lidia BRITO, Sous-Directrice générale pour les sciences exactes et naturelles de l'UNESCO : « Promouvoir les femmes dans la science est une question d'équité et de pragmatisme. Les femmes représentent la moitié de la population et nous avons besoin de toute l'ingéniosité humaine pour relever les défis considérables auxquels nous sommes confrontés, qu'il s'agisse de la dégradation de l’environnement, des perturbations du climat et de la biodiversité, des pandémies, de la fracture technologique ou de la persistance de la pauvreté. Il est encourageant de constater qu'un nombre croissant de femmes figurent parmi les lauréats du prix Nobel en science. Depuis 1901, 25 femmes ont reçu cette distinction, dont 15 depuis la création du programme L'Oréal-UNESCO pour les femmes et la science en 1998. Six de ces 15 femmes étaient déjà lauréates du Prix international L'Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science avant de recevoir le Prix Nobel ».


Cérémonie de remise du Prix international 2024 L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science - Crédit: Fondation L’Oréal

Pour Alexandra PALT, Directrice Générale de la Fondation L’Oréal : « Un avenir durable pour l’humanité dépend de l’égalité réelle entre les hommes et les femmes. Ce n'est malheureusement toujours pas le cas aujourd'hui dans le domaine scientifique, alors que le monde fait plus que jamais face à des défis immenses. Le programme L’Oréal-UNESCO Pour Les Femmes et le Science place cette question au cœur du débat depuis 26 ans, en valorisant le travail de nombreuses femmes scientifiques exceptionnelles et en inspirant la prochaine génération de chercheuses. Les travaux des lauréates du Prix international 2024 permettent des avancées majeures pour la santé de tous et nous encouragent à continuer le combat ».

Les lauréates de cette 26e édition du Prix international L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science ont été sélectionnées parmi plus de 350 nominées dans le monde, par un jury international indépendant présidé par la Professeure Brigitte L. KIEFFER, Directrice de Recherche à l’Inserm, membre de l’Académie des Sciences et ancienne lauréate du Prix international L'Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science.

Plus d’information :
www.unesco.org
www.fondationloreal.com


S. D.

 

Partager cet article :