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Un programme de transfert de technologie d’ARN messager : l’initiative de Medicines Patent Pool et de l’Organisation Mondiale de la Santé pour renforcer la sécurité sanitaire à l’échelle mondiale.

Face aux inégalités d’accès aux vaccins lors de la pandémie COVID-19 en 2020, l’organisation non gouvernementale Medicines Patent Pool s’allie avec l’OMS et crée en 2021 un programme de transfert de technologie visant à accroître les capacités mondiales de production de vaccins à ARN messager.

 

Une organisation de santé publique soutenant les pays à revenu faible et intermédiaire

La fondation Medicines Patent Pool (MPP), créée en 2010 par Unitaid, a pour mission de faciliter l'accès aux produits de santé pour les pays à faible et moyens revenus. Initialement focalisée sur les traitements VIH, tuberculose et hépatite C, MPP s’étend aujourd’hui au traitement d'autres maladies infectieuses, et non infectieuses, comme le cancer et les insulines.

Pour ce faire, l’organisation – centrée sur l’évaluation des besoins de santé publique et la négociation des licences correspondantes – conclue avec les entreprises en possession de brevets leurs droits d’exploitation pour les partager avec les entreprises capables de fabriquer des génériques à destination des pays à revenu faible et intermédiaire. Avec ses nouvelles activités de transfert de technologies, MPP soutient ces pays pour l’implémentation de technologies de fabrication de vaccins et autres produits thérapeutiques biologiques.

Les fonds de l’organisation à but non lucratif proviennent essentiellement d’Unitaid, une organisation internationale améliorant l’accès aux produits de santé des personnes qui en ont le plus besoin. Quant au programme de transfert de technologie d’ARN messager, il est financé par l’Afrique du Sud, l’Allemagne, la Belgique, le Canada, la Fondation Elma, la Commission européenne, la France, la Norvège et le SAMRC (South African Medical Research Council).

Pour assurer sa mission, MPP dispose de deux bureaux stratégiques. L’un à Genève en Suisse pour assurer une proximité avec les autres organisations internationales, l’autre à Mumbai en Inde situé au plus proche des fabricants mondiaux de produits thérapeutiques.

Le programme de technologie de transfert ARN messager © MPP
Le programme de technologie de transfert ARN messager © MPP

Redonner du pouvoir aux pays émergents

Au cours de la pandémie COVID-19, MPP observe l’inégalité d’accès aux vaccins pour les pays à revenu faible et intermédiaire. En effet, ces outils thérapeutiques sont produits dans les pays à revenu élevé et ont été disponibles dans un premier temps aux populations de ces derniers, pour des raisons politiques et commerciales. De plus, dans les premières phases de la pandémie, il n’y avait pas suffisamment de vaccins disponibles pour toute la population.

Face à ces deux constats, l’organisation non gouvernementale a pour ambition de faciliter l’accès global aux vaccins et de multiplier le nombre de fabricants dans les pays émergents. MPP désire en effet donner à ces pays une indépendance dans la fabrication de leurs vaccins mais aussi dans leur recherche et développement, afin qu’ils puissent travailler directement sur ce qu’ils estiment être leurs priorités, en fonction des maladies répandues au sein de leur pays et/ou régions respectifs.

MPP – en collaboration avec l’OMS – décide alors d’étendre ses missions, en se focalisant dans un premier temps sur les vaccins à ARN messager pour le COVID-19, donnant naissance au Programme de transfert de technologie à ARN messager pour ce virus spécifique. L’intention première est de fournir aux pays émergents la technologie, afin qu’ils produisent par eux-mêmes les vaccins nécessaires à une campagne de vaccination régulière. Dans un second temps, le Programme s’est élargi à d’autres vaccins à ARNm grâce au travail en R&D, avec la possibilité d’appliquer la technologie à d’autres maladies, comme la dengue, la tuberculose ou encore la grippe. Aujourd’hui, l’utilisation de la technologie ARNm s’étend à d’autres applications thérapeutiques.

Redonner du pouvoir aux populations émergentes à travers le Programme, c’est leur permettre d’être correctement préparées à la prochaine pandémie en faisant tourner leur production vaccinale et thérapeutique pour que la technologie soit disponible à chaque instant. De plus, cette méthodologie assure une montée en compétences du personnel scientifique du pays, lui permettant de rester et/ou de revenir sur son territoire d’origine.

En quoi consiste un transfert de technologie ?

Un transfert de technologie consiste à donner les informations liées à une technologie existante – les procédés spécifiques, les méthodes analytiques et les méthodes d'évaluation préclinique – à une autre entreprise ou institution qui veut la mettre en application.

Dans le cadre du transfert de technologie d’ARN messager, le programme mis en place par MPP et l’OMS suit deux phases :
- Une première phase de développement de la technologie. Ces activités ont été réalisées en Afrique du Sud par un consortium d’universités et d’entreprises, en partant de la littérature scientifique pour la mise en place du procédé de production et des outils analytiques.
- La seconde phase concerne le transfert de la technologie développée au cours de la première phase, pour la rendre disponible aux autres entreprises et institutions partenaires réparties dans 15 pays sur quatre continents.

Tous les partenaires bénéficiant de ce transfert de technologie ont un accord légal avec MPP qui cadre la collaboration en termes de procédures, de matériels, de droits et de devoirs. Les entreprises reçoivent gratuitement la technologie et, en contrepartie, elles ont l'obligation de mettre leurs innovations à disposition des autres membres. Par exemple, si les entreprises/institutions partenaires recevant la technologie font des améliorations sur celle-ci, elles ont l'obligation de partager ces découvertes à MPP, afin que la fondation puisse assurer le partage d’expertise avec les autres membres du programme. Également, en cas de pandémie, elles ont l’obligation de vendre une partie de leurs produits à des organismes internationaux au bénéfice d’autres pays émergents.

Formation de BGP (Egypt) à Afrigen © MPP
Formation de BGP (Egypt) à Afrigen © MPP

Les entreprises et institutions partenaires

Par le biais d’appels d'offres auprès des gouvernements des pays membres de l'OMS, les entreprises et institutions voulant bénéficier de ce programme postulent. Par la suite, un comité indépendant – PDVAC (Product Development for Vaccines Advisory Committee) – revoit les différentes propositions de chaque pays permettant la sélection de ceux ayant le plus de chance d'implémenter la technologie rapidement.

A ce jour, le Programme compte quinze partenaires : BioVac (Afrique du Sud), BioVax (Kenya), Bio-Manguinhos/Fiocruz (Brésil), Biofarma (Indonésie), BiologicalE (Inde), BioGeneric Pharma S.A.E (Egypte), Biovaccines Nigeria Limited (Nigéria), Darnytsia (Ukraine), Incepta Vaccine Ltd (Bangladesh), Institut Pasteur de Dakar (Sénégal), Institut Pasteur de Tunis (Tunisie), Institut Torlak (Serbie), National Institute of Health (Pakistan), Polyvac (Vietnam) et Sinergium Biotech (Argentine).

Les partenaires reçoivent des financements pour faciliter l'implémentation par l'achat d'équipements et de matières premières, et pour assurer la formation, qui est réalisée chez Afrigen en Afrique du Sud. Ce pays a été sélectionné pour être le centre de développement de la technologie du Programme grâce à son écosystème avantageux :
- Un consortium avec les universités du Cap et de Johannesburg
- La start-up Afrigen capable de développer la technologie
- L’industriel Biovac pour en assurer l’industrialisation
- Un fort soutien politique de la part du gouvernement sud-africain pour le projet
- Une forte expertise clinique avérée

Vers une indépendance des partenaires membres

Une fois la formation des partenaires réalisée, chacun repart avec une documentation détaillée décrivant le protocole à suivre pour un transfert de technologie réussi. Des critères de succès pour l’implémentation des méthodes analytiques sont à respecter pour valider ces dernières. Une fois que celles-ci sont validées, chaque partenaire peut fabriquer ses propres lots en toute autonomie. C’est ensuite de leur responsabilité de s’assurer qu’il n’y pas de dérives de technologie au cours du temps.

L’objectif est que les partenaires n’aient plus besoin de MPP et de l’OMS, en devenant 100% autonomes dans leur fabrication de vaccins à ARN messager. Une fois la technologie transférée et validée, MPP reste présent comme support s’il y a des problématiques particulières à régler, comme facilitateur du réseau entre les différents fabricants pour assurer l’entraide, et comme médiateur pour garantir la mise en commun de l’expertise.

En cas de nouvelle pandémie, MPP et l’OMS s'assurent que les termes du contrat soient respectés. C'est à dire que les entreprises et institutions partenaires fabriquent des vaccins pour endiguer la pandémie, en mettant à disposition des doses pour leur gouvernement à un tarif préférentiel.

Mise en place de consortiums R&D

En plus du transfert de technologie d’ARNm, des consortiums de recherche & développement sont mis en place visant à développer des vaccins spécifiques aux maladies qui intéressent le pays et les régions. Par exemple, sept domaines de maladies sont étudiés en Amérique du Sud comme le chikungunya, la rage ou encore la fièvre jaune. Cinq domaines de maladie en Europe, neuf en Afrique et quinze en Asie.

L’objectif est de mettre en relation les entreprises fabricantes de vaccins à ARN messager avec des instituts de recherche et des universités afin que les potentielles nouvelles cibles de vaccins provenant des centres de recherche puissent être implémentées dans les institutions partenaires pour être développées jusqu’aux études cliniques.

Les consortiums R&D sont gérés par l'OMS du fait de leurs connaissances des maladies d'intérêt pour chaque région. Pour ce faire, dans un premier temps, l’OMS évalue les maladies d'intérêt pour chaque pays et région et, dans un deuxième temps, met en lien les acteurs pouvant y contribuer. MPP vient comme support pour faciliter les échanges entre les parties prenantes.

Une invitation à collaborer pour le bien commun

Chacun des partenaires porte un réel engagement envers ce programme et est un moteur actif pour implanter la technologie ARNm au service de sa population. L'apport de la composante des consortiums R&D, en plus de l'aspect fabrication, crée un écosystème favorable et dynamique pour assurer le partage d’expérience et l’amélioration des expertises au service d’une cause commune : la santé publique à l’échelle mondiale.

Loin de se limiter à la simple mise à disposition d’une technologie, l’intention de MPP à travers le Programme est la mise en place d’une utilisation de routine de cette technologie, afin que chaque pays soit le mieux préparé possible pour la prochaine pandémie. Pour aller en ce sens, MPP examine de nouveaux partenariats avec des centres de rpour entrer en collaboration avec l’un des quinze partenaires du Programme et/ou pour le partage de licences de vaccins, produits thérapeutiques ou technologies avec la fondation elle-même.


Pour en savoir plus :
Programme de transfert de technologie ARNm
https://mrnaprogramme.org/
Landry BERTAUX
lbertaux@medicinespatentpool.org
Olivier Uzel
ouzel@medicinespatentpool.org


J S.Lopes
© La Gazette du Laboratoire

 

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