2022-09-08
Le SARS-COV-2 détourne les nanotubes reliant les neurones afin de les infecter
La COVID-19 entraine dans de nombreux cas des symptômes neurologiques, comme une perte du goût ou de l’odorat, ou encore des troubles cognitifs (perte de mémoire, difficultés à se concentrer) aussi bien durant la phase aigüe de la maladie que sur le long terme avec le syndrome dit de la COVID longue. Mais la façon dont l’infection atteint le cerveau demeurait jusqu’à présent mal connue. Des chercheurs et chercheuses de laboratoires de l’Institut Pasteur et du CNRS ont montré, grâce à des approches de pointe en microscopie électronique, que le SARS-CoV-2 détourne des nanotubes, c’est-à-dire des ponts reliant les cellules infectées et les neurones. Ainsi, le virus parvient à pénétrer les neurones qui sont pourtant dépourvus du récepteur ACE2 auquel le virus se fixe habituellement pour infecter les cellules. Cette étude est publiée le 22 juillet dans Science Advances.
Comment le SARS-CoV-2 pénètre-t-il dans les cellules du cerveau ? Une étude récemment publiée dans Science Advances démontre que le virus emprunte des nanotubes qui se forment entre des cellules infectées et les neurones, afin d’atteindre ces derniers. Ces structures dynamiques transitoires sont issues de la fusion des membranes de cellules distantes. Elles permettent d’échanger du matériel cellulaire sans passer par un récepteur membranaire, qui assure normalement l’entrée et la sortie du cytoplasme. L’unité Trafic membranaire et pathogénèse, dirigée par Chiara Zurzolo à l’Institut Pasteur, avait précédemment pointé le rôle de ces nanotubes dans des maladies dégénératives, telles qu’Alzheimer ou Parkinson, comme pouvant faciliter le transport de protéines à l’origine de ces pathologies.
Contaminer les neurones en l’absence de récepteur
Si le récepteur cellulaire humain ACE2 sert au SARS-Cov-2 de porte d’entrée vers les cellules pulmonaires, cibles principales du virus, ainsi que vers celles de l’épithélium olfactif, il n’est cependant pas exprimé par les neurones. Pourtant, du matériel génétique viral a bien été retrouvé dans le cerveau de certains patients, ce qui explique les symptômes neurologiques caractérisant la COVID aigüe ou longue. Si jusque-là, la muqueuse olfactive était suspectée de représenter la voie menant vers le système nerveux central, cela n’expliquait pas comment le virus pénètre dans les neurones eux-mêmes.
De plus, selon cette nouvelle étude, le SARS-CoV-2 serait également capable d’induire la formation de nanotubes entre les cellules infectées et les neurones, ainsi qu’entre plusieurs neurones, expliquant ainsi l’infection du cerveau depuis l’épithélium. L’équipe de recherche est parvenue à mettre en évidence de multiples particules virales présentes à la fois à la surface et à l’intérieur des nanotubes. Le virus se propageant plus rapidement et plus directement par l’intérieur des nanotubes qu’en sortant d’une cellule pour passer à la suivante par un récepteur, ce mode de transmission contribue donc à la capacité infectieuse du SARS-CoV-2 et à la propagation du virus vers les neurones.
Cependant, le virus se déplace aussi sur la surface extérieure des nanotubes, ce qui le guide plus rapidement vers des cellules qui expriment des récepteurs compatibles. « On peut voir les nanotubes comme des tunnels avec une route au-dessus, propose Chiara Zurzolo, à la tête de l’unité Trafic membranaire et pathogénèse de l’Institut Pasteur, qui permettent l’infection de cellules non-permissives, comme les neurones, mais qui facilitent aussi la propagation de l’infection entre des cellules permissives. »
Des méthodes d’imagerie de pointe grâce au microscope Titan Krios
Cette publication conjugue à la fois l’étude de cultures in vitro, montrant que des neurones sains sont infectés s’ils sont mis en contact avec des cellules infectées, ainsi que l’utilisation d’outils de microscopie de pointe. Le microscope Titan Krios de la plateforme Nanoimagerie de l’Institut Pasteur qui permet d’obtenir une résolution sans précédent d’échantillons biologiques et de nanomolécules, plus proches des conditions biologiques réelles. « Grâce à cet instrument, de nouvelles approches d’imagerie ont été mises au point afin d'évaluer la structure du SARS-CoV-2 et l'architecture des nanotubes » explique Anna Pepe, de l’unité Trafic membranaire et pathogénèse de l’Institut Pasteur, et première auteure de l’étude.
Grâce à ces méthodes d’investigation précises, les équipes de recherche ont pu détecter, en coopération avec la plate-forme de bioimagerie ultrastructurale de l’Institut Pasteur, des structures dans les nanotubes qui ont ensuite été identifiées comme des « usines à virus ». Les nanotubes entre neurones représentent pour le SARS-CoV-2 un environnement adapté où se développer, puisqu’il y est invisible pour le système immunitaire. « Il peut s’agir d’un mécanisme d’évasion immunitaire et de persistance virale qui pourrait être favorable au virus » estime Chiara Zurzolo.
Ces travaux constituent un exemple de comment une recherche interdisciplinaire fondamentale, associant des biologistes cellulaires, des virologues et une technologie d'imagerie de pointe conduit à de nouvelles découvertes. Ils ouvrent la voie à d'autres recherches sur le rôle de la communication intercellulaire dans la propagation du SARS-CoV-2. Ils invitent également à des approches thérapeutiques alternatives visant à entraver la diffusion du SARS-CoV-2, en plus des projets actuels principalement axés sur le blocage de l’entrée par le récepteur ACE2.
Pour en savoir plus : Le SARS-CoV-2 détourne les nanotubes reliant les neurones afin de les infecter | Institut Pasteur