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2023-09-08 
Association entre la consommation d’additifs alimentaires émulsifiants et le risque de maladies cardiovasculaires

Les émulsifiants figurent parmi les additifs les plus largement utilisés par l’industrie agroalimentaire. Ils permettent d’améliorer la texture des aliments et de prolonger leur durée de conservation. Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, d’INRAE, de l’Université Sorbonne Paris Nord, d’Université Paris Cité et du Cnam, au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren-Cress), se sont intéressés aux conséquences sur la santé cardiovasculaire de la consommation d’émulsifiants alimentaires. Ils ont analysé les données de santé de 95 442 adultes participant à l’étude de cohorte française NutriNet-Santé au regard de leur consommation globale de ce type d’additifs alimentaires. Les résultats suggèrent une association entre les apports alimentaires d’additifs émulsifiants et un risque accru de maladies cardiovasculaires. Ils font l’objet d’une publication dans le British Medical Journal.
 
En Europe et en Amérique du Nord, 30 à 60 % de l'apport énergétique alimentaire des adultes provient d'aliments ultra-transformés. De récentes études épidémiologiques ont établi un lien entre une consommation élevée d'aliments ultra-transformés et un risque accru d'obésité, de mortalité et de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, cancers…).
 
Les émulsifiants figurent parmi les additifs les plus couramment utilisés dans les aliments industriels. Ils sont souvent ajoutés aux aliments transformés et emballés tels que certaines pâtisseries, gâteaux et desserts industriels, glaces, barres chocolatées, pains industriels, margarines et plats préparés, afin d'améliorer leur apparence, leur goût, leur texture et leur durée de conservation. Ils comprennent les celluloses, les mono- et diglycérides d'acides gras, les amidons modifiés, les lécithines, les carraghénanes, les phosphates, les gommes et les pectines.
 
Comme pour tous les additifs alimentaires, la sécurité des émulsifiants est régulièrement évaluée sur la base des preuves scientifiques disponibles à un moment donné. Pourtant, certaines recherches récentes suggèrent que les émulsifiants peuvent perturber le microbiote intestinal et augmenter le risque d'inflammation, entraînant une susceptibilité potentiellement accrue aux problèmes cardiovasculaires.
 
Pour approfondir cette question, des chercheuses et chercheurs français ont entrepris d'évaluer les liens entre l'exposition aux émulsifiants et le risque de maladies cardiovasculaires, incluant les maladies coronariennes et les maladies cérébrovasculaires, c'est-à-dire les pathologies affectant la circulation sanguine et les vaisseaux sanguins dans le cœur et le cerveau.
 
Leurs conclusions sont fondées sur l’analyse des données de 95 442 adultes français (âge moyen 43 ans ; 79% de femmes) sans antécédents de maladie cardiovasculaire qui ont participé volontairement à l'étude de cohorte NutriNet-Santé (voir encadré ci-dessous) entre 2009 et 2021.
 
Au cours des deux premières années de suivi, les participants ont rempli en ligne au moins trois (et jusqu'à 21) jours d’enregistrements alimentaires. Chaque aliment ou boisson consommé a ensuite été croisé avec des bases de données afin d'identifier la présence et la dose des additifs alimentaires, dont les émulsifiants. Des dosages en laboratoire ont également été effectués pour fournir des données quantitatives.
 
Les participants ont été invités à signaler tout événement cardiovasculaire majeur, tel qu'une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral, qui ont été validés par un comité d'experts après examen de leurs dossiers médicaux. Les décès liés aux maladies cardiovasculaires ont également été enregistrés à l'aide du registre national français des décès.
 
Plusieurs facteurs de risque bien connus pour les maladies cardiaques, notamment l'âge, le sexe, le poids (IMC), le niveau d'éducation, les antécédents familiaux, le tabagisme et les niveaux d'activité physique, ainsi que la qualité globale de l'alimentation (par exemple, les apports en sucre, en sel, en énergie et en alcool) ont été pris en compte.
 
 Après un suivi moyen de 7 ans, les scientifiques ont constaté que des apports plus élevés en celluloses totales (additifs alimentaires correspondant aux codes E460[1] à E468) étaient associés à des risques plus élevés de maladies cardiovasculaires. En particulier, cette association était spécifiquement observée pour les apports en E460 (cellulose microcristalline, cellulose en poudre) et E466 (carboxyméthylcellulose).
 
D’autre part, des apports plus élevés en monoglycérides et diglycérides d'acides gras (E471 et E472) ont été associés à des risques plus élevés pour toutes les pathologies étudiées. Parmi ces émulsifiants, l'ester lactique des monoglycérides et diglycérides d'acides gras (E472b) était associé à des risques plus élevés de maladies cardiovasculaires et de maladies cérébrovasculaires, et l'ester citrique des monoglycérides et diglycérides d'acides gras (E472c) était associé à des risques plus élevés de maladies cardiovasculaires et de maladies coronariennes.
 
Une consommation élevée de phosphate trisodique (E339) était également associée à un risque accru de maladies coronariennes.
 
Aucune association n’a été détectée dans cette étude entre les autres émulsifiants et la survenue de maladies cardiovasculaires.
 
Il s'agit d'une unique étude observationnelle, qui ne peut donc pas établir de causalité à elle seule, et les scientifiques reconnaissent certaines limites à cette étude. Par exemple, la proportion élevée de femmes, le niveau d'éducation plus élevé et les comportements globalement plus soucieux de la santé parmi les participants à l'étude NutriNet-Santé par rapport à la population française en général peuvent limiter la généralisation des résultats.
 
Néanmoins, l'échantillon de l'étude était important et les auteurs ont pu tenir compte d'un large éventail de facteurs potentiellement confondants, tout en utilisant des données détaillées et uniques sur les additifs alimentaires, allant jusqu’à la marque des produits consommés. De plus, les résultats sont restés inchangés après de multiples analyses de sensibilité, renforçant ainsi leur robustesse.
 
« Si ces résultats doivent être reproduits dans d'autres études à travers le monde, ils apportent de nouvelles connaissances clés au débat sur la réévaluation de la réglementation relative à l'utilisation des additifs dans l'industrie alimentaire, afin de mieux protéger les consommateurs », expliquent Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm, et Bernard Srour, professeur junior à INRAE, principaux auteurs de l’étude.
 
[1] Les additifs alimentaires sont identifiés dans la liste des ingrédients par un code fixé au niveau européen qui se compose de la lettre « E », suivie d'un numéro permettant d'identifier facilement la catégorie. Par exemple, E100 pour les colorants, E200 pour les conservateurs, E400 pour les émulsifiants et agents de texture.

 

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (EREN-CRESS, Inserm/INRAE/Cnam/Université Sorbonne Paris Nord/Université Paris Cité), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 170 000 nutrinautes, fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a déjà donné lieu à plus de 270 publications scientifiques internationales. Un appel au recrutement de nouveaux nutrinautes est toujours lancé afin de continuer à faire avancer la recherche sur les relations entre la nutrition et la santé.

En consacrant quelques minutes par mois à répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée etude-nutrinet-sante.fr aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, à l’activité physique et à la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances sur les relations entre l’alimentation et la santé.

 


Sources
Food additive emulsifiers and risk of cardiovascular disease in the NutriNet-Santé cohort: prospective cohort study

Laury Sellem1, Bernard Srour1, Guillaume Javaux1, Eloi Chazelas1, Benoit Chassaing2, Emilie Viennois3 Charlotte Debras,1 Clara Salame,1 Nathalie Druesne-Pecollo1, Younes Esseddik1, Fabien Szabo de Edelenyi1, Cedric Agaesse,1 Alexandre De Sa1, Rebecca Lutchia1, Erwan Louveau1, Inge Huybrechts4, Fabrice Pierre5, Xavier Coumoul6, Leopold K Fezeu1, Chantal Julia1,7, Emmanuelle Kesse-Guyot1, Benjamin Alles1, Pilar Galan1, Serge Hercberg,1,7, Melanie Deschasaux-Tanguy1, Mathilde Touvier1

1 Université Sorbonne Paris Nord and Université Paris Cite, Inserm, INRAE, CNAM, Center of Research in Epidemiology and StatisticS (CRESS), Nutritional Epidemiology Research Team (EREN), Bobigny, France
2 Inserm U1016, team “Mucosal microbiota in chronic inflammatory diseases,” Universite Paris Cite, Paris, France
3 Inserm U1149, Centre for Research on Inflammation, Université de Paris, Paris, France
4 International Agency for Research on Cancer, World Health Organization, Lyon, France
5Toxalim (Research Centre in Food Toxicology), Université de Toulouse, INRAE, ENVT, INP-Purpan, UPS, Toulouse, France
6 Inserm UMR-S 1124, Universite Paris Cite, Paris, France

British Medical Journal, 7 septembre 2023
DOI : https://www.bmj.com/content/382/bmj-2023-076058


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