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2024-06-27 
Biomimétisme et matériaux intelligents (2/3) : Comment les mollusques ont inspiré les adhésifs photo-curables à la lumière naturelle ?

Quand les matériaux intelligents et le biomimétisme se rencontrent, cela donne naissance à de nouvelles ruptures technologiques ! On appelle matériaux intelligents des matériaux capables de s’adapter à leur environnement sous l’influence de stimuli extérieurs. La nature, quant à elle, a cette caractéristique de mettre en œuvre des phénomènes nécessitant seulement de faibles apports énergétiques. Ainsi, l’utilisation de stimuli de faible intensité, autrement appelés « soft trigger », offre de nouvelles perspectives technologiques, comme les matériaux intelligents auto-durcissants vus dans un précédent article. Cette fois, c’est une autre application du biomimétisme à la conception de matériaux intelligents qui nous intéresse. L’étude de certains mollusques a conduit au développement d’adhésifs photo-curables, promettant ainsi des systèmes activables facilement et à moindre coût. L’équipe Chimie-Matériaux d’Alcimed fait le point sur cette technologie prometteuse qui nous permet d’envisager des applications dans le domaine médical.

Les fortes propriétés adhésives des mollusques : comment ça marche ?
Les adhésifs photo-curables ont été inspirés des fortes propriétés d’adhésion présentées par certains mollusques pouvant adhérer à n’importe quelle paroi rocheuse, quelles que soient les conditions d’humidité, de vent et de température.

Par exemple, la moule s’attache aux parois rocheuses mouillées en un instant pour ne pas être entraînée pas le courant. Elle le fait grâce à son byssus, un ensemble de fibres qu’elle sécrète pour s’attacher aux parois. Ces fibres présentent des propriétés de résistance, d’élasticité et d’adhérence exceptionnelles.

De nombreux travaux de recherche ont montré le rôle capital d’un groupe moléculaire dans ce phénomène : le catéchol, un composé aromatique, constitué d’un noyau benzénique, et de deux groupes hydroxy OH. Les propriétés d’adhésion des matériaux à base de catéchol, comme le byssus des moules, reposent sur deux phénomènes distincts : l’adsorption de surface et la cohésion du matériau. En effet, le matériau s’adsorbe par différents mécanismes qui dépendent de la nature du substrat. Il peut s’agir :
•    De liaisons hydrogènes ou de liaisons covalentes de coordination lorsque la surface est inorganique.
•    D’empilements π des groupes aromatiques du catéchol ou de liaisons covalentes lorsque la surface est organique.

De plus, les propriétés hydrophobes du groupe lui permettent de s’adsorber aux surfaces même lorsque celles-ci sont mouillées.
Dans un deuxième temps, la cohésion du matériau par réticulation déclenchée par le pH ou la présence d’ions métalliques permet à l’adhésif de durcir en lui conférant de bonnes propriétés mécaniques.
Ainsi, grâce à l’ingéniosité de plusieurs équipes de chercheurs, des adhésifs photo-curables sont développés à partir de molécules contenant le groupe catéchol comme la DOPA ou la tyrosine.


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Des colles chirurgicales plus fortes activées sous l’action de la lumière
La DOPA a été utilisée par l’équipe de chercheurs du Dr. Daniel Ruiz Molina de l’institut ICN2 de l’université de Catalogne, afin de développer des gels adhésifs photo-curables. Ces gels ont été conçus en intégrant la molécule DOPA (pour l’adhésion) à des polymères photosensibles (pour la cohésion) tout en inhibant leur potentielle toxicité, comme celle des méthacrylates utilisés pour le développement de ces matériaux mais qui induisent des irritations de la peau. Certains de ces gels durcissent à la lumière naturelle en moins d’une minute.

Malgré le fait que ces matériaux soient en développement et que des progrès sur leur adhérence à la peau soient nécessaires, ils ouvrent la voie à de nouvelles technologies de colles biocompatibles qui disrupteraient les méthodes de sutures conventionnelles.

Du côté de l’Australie, le Dr. Werkmeister du Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation de Canberra (CSIRO) a travaillé sur la tyrosine : un acide aminé essentiel dans la synthèse des catécholamines comme le DOPA. La tyrosine a la capacité de former presque instantanément par oxydoréduction des molécules de di ou tri-tyrosine. Grâce à cette caractéristique, les protéines riches en tyrosine sont d’excellents candidats pour la formation rapide de réseaux polymériques biocompatibles.

L’équipe du Dr. Werkmeister a eu l’idée astucieuse d’incorporer à une formulation riche en tyrosine du ruthénium (Ru(II)2+). Le ruthénium a la particularité de créer un environnement réducteur lorsqu’il est soumis à la lumière visible. Il crée alors l’environnement propice à la réticulation de la tyrosine et donc au durcissement du système. Cette formulation permet d’obtenir des colles cinq fois plus fortes que les colles chirurgicales, avec des temps de réticulation inférieurs à la minute sous une lampe de 300W. Comme pour le gel élaboré par l’équipe de recherche catalane, le système apparaît comme une alternative aux méthodes de sutures conventionnelles.

Les performances de ces matériaux adhésifs photo-curables restent encore limitées en ce qui concerne l’élasticité et le temps de production, et des tests cliniques restent à établir. Cependant, ils pourraient mettre fin aux pansements ou sutures filaires traditionnelles et créer de nouveaux systèmes adhésifs activables avec une faible énergie lumineuse pour des soins médicaux à la maison.

Les groupes catéchol sont la clé des propriétés adhésives fortes des matériaux adhésifs photo-curables, obtenus avec la mise en œuvre de faible niveau d’énergie. D’autres matériaux intelligents durcissant selon des conditions « naturelles » différentes se développent grâce à une approche d’innovation bio-inspirée. Beaucoup d’autres perspectives d’applications sont encore à explorer dans le domaine médical, mais pas que ! Si le sujet vous intéresse, n’hésitez pas à contacter l’équipe d’Alcimed ici !


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