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2024-07-09 
Meilleure compréhension de la maladie d’Alzheimer : une étude confirme l’intérêt de la caféine comme piste de traitement

En France, 900 000 personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une autre maladie apparentée. Le risque de développer la maladie d’Alzheimer dépend de facteurs génétiques et environnementaux. Parmi ces derniers, différentes études épidémiologiques suggèrent qu’une consommation régulière et modérée de caféine ralentit le déclin cognitif lié au vieillissement et le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Dans une nouvelle étude, des chercheurs et des chercheuses de l’Inserm, du CHU de Lille et de l’Université de Lille, au sein du centre de recherche Lille Neuroscience et cognition, ont fait un pas de plus dans la compréhension des mécanismes qui sous-tendent le développement de la maladie d’Alzheimer. Ils viennent de mettre en évidence que l’augmentation pathologique de certains récepteurs dans les neurones au moment du développement de la maladie favorise la perte des synapses, et de fait, le développement précoce des troubles de la mémoire dans un modèle animal de la maladie. Leurs résultats permettent aussi de confirmer l’intérêt de conduire des essais cliniques pour mesurer les effets de la caféine sur le cerveau de patients à un stade précoce de la pathologie. Ils sont publiés dans la revue Brain.
 
La maladie d’Alzheimer est caractérisée par des troubles de la mémoire, des fonctions exécutives et de l’orientation dans le temps et dans l’espace. Elle résulte d’une lente dégénérescence des neurones, débutant au niveau de l’hippocampe (une structure cérébrale essentielle pour la mémoire) puis s’étendant au reste du cerveau. Les patients atteints par cette pathologie présentent deux types de lésions microscopiques au niveau de leur cerveau : les plaques séniles (ou plaques amyloïdes) et les dégénérescences neurofibrillaires (ou pathologie Tau), participant au dysfonctionnement des neurones et à leur disparition.
 
Des travaux avaient déjà montré que l’expression de certains récepteurs, appelés A2A, étaient retrouvés augmentés dans le cerveau de patients atteints de la maladie d’Alzheimer au niveau de l’hippocampe. Cependant, l’impact de la dérégulation de ces récepteurs sur le développement de la maladie et des troubles cognitifs associés demeurait méconnu jusqu’ici. Dans une nouvelle étude, une équipe de recherche dirigée par le chercheur Inserm David Blum s’est intéressée à cette question.
 
Les scientifiques ont réussi à reproduire une augmentation précoce de l’expression des récepteurs adénosinergiques A2A, telle qu’observée dans le cerveau des patients, dans un modèle murin de la maladie d’Alzheimer qui développe des plaques amyloïdes. L’objectif était d’évaluer les conséquences de cette augmentation sur la maladie et de décrire les mécanismes en jeu.
 
Les résultats de leur recherche montrent que l’augmentation en récepteurs A2A favorise la perte des synapses dans l’hippocampe des « souris Alzheimer ». Ceci a pour effet le déclenchement précoce des troubles de la mémoire chez les animaux. Les scientifiques ont ensuite montré qu’un dysfonctionnement de certaines cellules du cerveau, les cellules microgliales, en partie responsables de l’inflammation cérébrale observée dans la maladie, pourraient être impliquées dans la perte des synapses, en réponse à une augmentation en récepteurs A2A. Des mécanismes similaires avaient déjà précédemment été décrits par l’équipe, cette fois-ci dans un autre modèle de la maladie développant les lésions Tau.
 
« Ces résultats suggèrent que l’augmentation d’expression des récepteurs A2A modifie la relation entre les neurones et les cellules microgliales. Cette altération pourrait être à l’origine d’une escalade d’effets entraînant le développement des troubles de la mémoire observés », explique Émilie Faivre, co-dernière autrice de l’étude, chercheuse au sein centre de recherche Lille Neuroscience et Cognition (Inserm/Université de Lille/CHU de Lille).
 
La caféine : une piste de traitement intéressante pour prévenir précocement le déclin cognitif ?
 
Plusieurs études ont déjà suggéré qu’une consommation régulière et modérée de caféine (ce qui correspond à une consommation de 2 à 4 tasses de café par jour) pouvait ralentir le déclin cognitif lié au vieillissement et le risque de développer la maladie d’Alzheimer.
 
En 2016, la même équipe de recherche avait décrit un des mécanismes par lequel la caféine pouvait avoir cette action bénéfique chez l’animal, réduisant les troubles cognitifs associés à la maladie d’Alzheimer. Les scientifiques avaient alors montré que les effets de la caféine étaient liés à sa capacité de bloquer l’activité des récepteurs adénosinergiques A2A, ces mêmes récepteurs dont l’expression se trouvent anormalement augmentée dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
 
« En décrivant, dans notre nouvelle étude, le mécanisme par lequel l’augmentation pathologique de l’expression des récepteurs A2A entraîne une cascade d’effets conduisant à une aggravation des troubles de la mémoire, nous confirmons l’intérêt de pistes thérapeutiques qui pourraient agir sur cette cible. Nous mettons donc encore une fois en avant l’intérêt de tester la caféine dans le cadre d’un essai clinique sur des patients atteints de formes précoces de la maladie. En effet, on peut imaginer qu’en bloquant ces récepteurs A2A, dont l’activité est augmentée chez le patient, cette molécule puisse prévenir le développement des troubles de la mémoire voire d’autres symptômes cognitifs et comportementaux », poursuit David Blum, directeur de recherche à l’Inserm, co-dernier auteur de l’étude.
 
Un essai clinique de phase 3, porté par le CHU de Lille, est actuellement en cours. Son objectif est d’évaluer l’effet de la caféine sur les fonctions cognitives de patients atteints de formes précoces à modérées de la maladie d’Alzheimer.

 

Sources
Neuronal A2A receptor exacerbates synapse loss and memory deficits in APP/PS1 mice
Victoria Gomez-Murcia1, Agathe Launay1, Kevin Carvalho1, Anaelle Burgard2, Céline Mériaux1, Raphael Caillierez1, Sabiha Eddarkaoui1, Devrim Kilinc3, Dolores Siedlecki-Wullich3, Mélanie Besegher4, Severine Begard1, Matthieu Jung5, Ouada Nebie1, Bryan Thiroux1, Maxence Wisztorski6, Nicole Déglon7, Claire Montmasson8, Alexis-Pierre Bemelmans9, Malika Hamdane1, Thibaud Lebouvier1, Didier Vieau1, Isabelle Fournier6, Luc BUEE1, Sabine Levi8, Luísa Lopes10, Anne-Laurence Boutillier2, Emilie Faivre1 and David Blum 1

1 UMR 1172, Alzheimer & Tauopathies, Inserm, Université de Lille, CHU de Lille
2 LNCA Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptative
3 Université de Lille, Institut Pasteur de Lille, CHU Lille, Inserm U1167, LabEx DISTALZ
4 Plateformes Lilloises en Biologie et Santé US 41 - UAR 2014 – PLBS
5 GenomEast Platform, Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire IGBMC
6 U1192 - Protéomique Réponse Inflammatoire Spectrométrie de Masse – PRISM
7 Lausanne University Hospital, Deparment of Clinical Neurosciences
8 Institut du Fer à Moulin, Inserm UMR-S 1270
9 CNRS, UMR9199, Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay; CEA, DSV, I²BM, MIRCen
10 Instituto de Medicina Molecular, Faculty of Medicine, University of Lisbon
Brain, 5 juillet 2024
DOI : https://doi.org/10.1093/brain/awae113


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