Janvier 2002 - n°64
LE POINT SUR LES VACCINS DU FUTUR
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Des vaccins " classiques "
Aujourdhui, de nombreux vaccins (poliomyélite par voie orale, rougeole, rubéole, oreillons, fièvre jaune ) sont constitués de micro-organismes vivants atténués, cest-à-dire rendus non virulents, qui simulent une infection naturelle et déclenchent différentes réponses immunitaires. Latténuation de leur pouvoir pathogène est obtenue par passage du micro-organisme sur des cultures cellulaires successives ou par voie chimique. Pour la plupart, ce sont des vaccins dirigés contre des virus, car la mise au point de vaccins anti-bactériens atténués sest révélée difficile. Il existe en fait un seul vaccin anti-bactérien de ce type largement utilisé chez lhomme : le vaccin contre la tuberculose ou B.C.G. (bacille de Calmette-Guérin).
Une autre méthode " classique " de vaccination consiste à utiliser non plus des vaccins vivants atténués, mais des vaccins à base de micro-organismes tués (inactivés) ou bien constitués de certains de leurs composants purifiés. Ces micro-organismes tués doivent être capables eux aussi dêtre reconnus par le système immunitaire. Plusieurs vaccins viraux de ce type sont commercialisés : contre la grippe, lhépatite A, lencéphalite japonaise, la poliomyélite (vaccin injectable) et la rage. La plupart des vaccins bactériens de première génération sont constitués de bactéries entières tuées : Salmonella typhi pour la typhoïde, le vibrion cholérique pour le choléra, Bordetella pertussis pour la coqueluche. Les vaccins contre la diphtérie et le tétanos sont quant à eux fondés sur lobtention, par Gaston Ramon à lInstitut Pasteur (1923), de protéines sécrétées par les bactéries, purifiées et traitées chimiquement pour leur faire perdre leur toxicité : les antoxines. Ces molécules stimulent le système immunitaire et les anticorps produits contre elles peuvent neutraliser lactivité des vraies toxines bactériennes.
On considère généralement que les vaccins vivants atténués sont plus efficaces. Ils agissent à faible dose et nexigent en principe pas de rappel, de sorte quils sont souvent bon marché. Mais, ils ont aussi leurs limites. Tout dabord, il nest pas toujours possible datténuer la virulence dun micro-organisme tout en lui conservant des capacités immunogènes. De plus, il peut arriver quun microbe atténué redevienne pathogène. Face à cela, le vaccin inactivé a lavantage dêtre plus sûr, mais il nécessite souvent dêtre inoculé à des doses plus élevées et avec des rappels pour induire une bonne immunité à long terme.
aux nouvelles stratégies vaccinales :
Toute une variété de technologies issues du génie génétique permet désormais de concevoir des vaccins totalement nouveaux : vaccins vivants recombinants, vaccins sous-unités ou conjugués, vaccins ADN ou ARN nu On cherche ainsi à améliorer les vaccins existants et surtout à mettre au point des vaccins contre des maladies pour lesquelles rien nest encore disponible. Différentes voies dadministration des vaccins - orale, nasale ou rectale par exemple - sont à létude.
Les vaccins vivants recombinants
• Des vaccins vivants atténués par génie génétique
Il est désormais possible de créer de nouvelles souches de micro-organismes rendues totalement inoffensives par voie génétique. Il sagit dinactiver précisément, ou déliminer quand ils sont connus les gènes responsables de leur pouvoir pathogène ou gènes de virulence. Les bactéries ou virus ainsi atténués ne sont finalement pas très différents des vaccins vivants classiquement atténués : on obtient des micro-organismes inoffensifs mais identiques aux souches naturelles, en apparence, pour le système immunitaire.
Leur coût de production est moindre, ce qui est loin dêtre négligeable quand on sait que les pays en développement sont les premiers touchés par les maladies infectieuses. Ils sont également plus intéressants du point de vue de la sécurité ; le risque de réversion vers la virulence, possible avec les vaccins classiques, étant supprimé.
*Notons quà lInstitut Pasteur, un vaccin de ce type administrable par voie orale a été mis au point contre la shigellose et fait actuellement lobjet dessais chez lHomme. Un vaccin atténué par voie génétique a également été construit contre la Fièvre de la Vallée du Rift. De nombreux laboratoires se focalisent par ailleurs sur la recherche des gènes de virulence de plusieurs pathogènes en vue de mettre au point des vaccins atténués par voie génétique.
• Des microbes " présentoirs "
Les techniques de " recombinaison génétique " permettent également de faire présenter par des virus ou des bactéries des molécules immunogènes (antigènes ou épitopes) dautres micro-organismes. Les gènes codants pour ces molécules étrangères sont introduits dans les micro-organismes " vecteurs ", qui les exprimeront ensuite à leur surface, ou les sécréteront dans le milieu extérieur. Ces vaccins vivants recombinants sont des vaccins mixtes qui permettent de vacciner à la fois contre le vecteur et contre le virus ou la bactérie dont ils présentent les antigènes au système immunitaire. On peut imaginer à terme faire porter par des vecteurs des antigènes provenant de plusieurs agents pathogènes différents et obtenir ainsi des vaccins multivalents.
*Plusieurs candidats-vaccins de ce type ont été construits à lInstitut Pasteur. Sont notamment à létude dans cet objectif : le BCG, ainsi quun vaccin recombinant VIH-rougeole, constitué dun virus de la rougeole atténué et portant des antigènes du virus du sida.
Des antigènes tumoraux véhiculés par des vecteurs viraux, notamment le virus de la grippe, sont également expérimentés dans la recherche de vaccins anti-cancers.
Les vaccins sous-unités
• Les vaccins protéiques
Dimmenses progrès ont été réalisés ces dernières années dans lidentification des antigènes des virus, des bactéries et des parasites, et surtout dans lisolement et le clonage des gènes permettant la fabrication de ces antigènes. Ceci permet de produire ces molécules immunogènes par génie génétique : le gène codant pour un antigène donné peut être introduit dans une bactérie, une levure ou une cellule animale, qui vont servir d usines biologiques " pour la synthèse de lantigène. Ces antigènes " recombinants " sont ensuite purifiés et peuvent servir de base à des vaccins moléculaires aussi appelés vaccins sous-unités. Il ne sagit donc plus ici dutiliser des germes entiers pour la vaccination, mais uniquement les molécules antigéniques des micro-organismes. Ces antigènes sont généralement administrés avec une substance qui stimule leur pouvoir immunogène, appelée adjuvant.
*Un vaccin sous-unité, mis au point à lInstitut Pasteur au milieu des années 80, est aujourdhui commercialisé : cest un vaccin contre lhépatite B, constitué de lantigène HBs du virus. Plusieurs candidats vaccins de ce type sont actuellement expérimentés par les chercheurs pasteuriens, dans le domaine du paludisme, par exemple.
• Les vaccins conjugués
Lorsque les fragments antigéniques sont de courte taille ou sont formulés par des sucres, il est nécessaire de les coupler chimiquement à une protéine porteuse (anatoxine tétanique ou diphtérique par exemple) ou à une autre structure, pour les rendre immunogènes. On parle alors de vaccins conjugués. Certains de ces vaccins existent déjà, contre la méningite et les infections à pneumocoques notamment. De tels vaccins, chimiquement définis, présentent des avantages en terme de sécurité.
*A lInstitut Pasteur, des vaccins conjugués utilisant des antigènes " sucres " sont à létude contre le choléra et contre la shigellose. Un antigène tumoral couplé à une structure chimiquement définie (MAG) est également à lessai contre certains cancers.
• Systèmes de délivrance dantigènes
Dautres moyens sont encore explorés pour présenter des antigènes au système immunitaire. On peut par exemple utiliser des " enveloppes vides " de virus ou des toxines rendues inoffensives, pour délivrer des antigènes étrangers aux cellules immunitaires. Contrairement aux vecteurs microbiens présentés plus haut, ces systèmes de délivrance dantigènes ne se multiplient pas dans lorganisme : ce sont des vecteurs dits " non-réplicatifs ", qui présentent dimportants avantages en terme de sécurité, tout en restant très immunogènes.
*A lInstitut Pasteur, sont étudiés différents systèmes de délivrance dantigènes, notamment la toxine de la bactérie de la coqueluche, Bordetella pertussis, ou encore des particules denveloppe de virus animaux, les parvovirus. A noter, en outre, lélaboration par une équipe de lInstitut Pasteur dun vecteur dérivé du VIH, le vecteur " triplex " notamment utilisé pour la mise au point de vaccins contre le sida et le mélanome.
La vaccination " génétique "
• Vaccins à ADN ou ARN nu
La vaccination génétique ou vaccination par ADN nu est un concept totalement novateur en vaccinologie, né au début des années 90. Il ne sagit plus là dadministrer des antigènes seuls ou portés par une bactérie, un virus ou une protéine, mais dintroduire directement dans certaines cellules de lorganisme (les cellules musculaires en loccurrence) le gène codant pour lantigène vaccinal. Ladministration se fait par injection intra-musculaire ou par " bombardement " de particules sur la peau. LADN pénètre dans la cellule musculaire qui va ensuite synthétiser elle-même lantigène. Le vaccin est donc produit, localement, par lorganisme de lindividu à immuniser. Cette méthode de vaccination, simple et peu coûteuse, présente dimportants avantages en terme defficacité : lantigène ainsi produit se présente généralement sous sa forme native, en tout point similaire à celui synthétisé lors dune infection. Surtout, il est produit de façon prolongée par les cellules de lorganisme, et cette présentation durable de lantigène au système immunitaire devrait permettre déviter le recours aux rappels pour certains vaccins. Par ailleurs, cette stratégie ne présente aucun risque dinfection post-vaccinale, un point particulièrement important pour les individus immunodéprimés. Le risque dintégration de lADN introduit dans les cellules de lorganisme, bien que peu probable pour les cellules musculaires, doit cependant être évalué avant une utilisation à grande échelle de ce type de vaccination.
*A lInstitut Pasteur, un vaccin à ADN destiné aux porteurs chroniques du virus de lhépatite B fait lobjet dessais cliniques chez lhomme tandis quun vaccin vétérinaire à ADN contre la rage a été expérimenté avec succès chez le chien.
Des travaux sont également menés sur lARN nu, une alternative à la vaccination par lADN qui a lavantage de ne pas présenter de risque dintégration de matériel génétique étranger dans les cellules de lorganisme à immuniser
Notons quen amont du développement de nouvelles générations de vaccins, de nombreux laboratoires de lInstitut Pasteur travaillent à une meilleure compréhension de notre système immunitaire, à lamélioration des biotechnologies, à létude des génomes de micro-organismes et à la recherche dantigènes microbiens ou tumoraux.