Septembre 1999 - n°40
Michel Raymond, Directeur de Recherche à l'Institut des Sciences de l'Evolution à Montpellier reçoit la Médaille d'argent 1998 du CNRS
La Médaille d'argent du CNRS est attribuée chaque année à des chercheurs appartenant au CNRS ou à d'autres institutions. Ces scientifiques représentent des disciplines diverses et sont distingués pour l'originalité, la qualité et l'importance de leurs travaux reconnus sur le plan national et international. Quinze lauréats ont été désignés pour l'année 1998 parmi lesquels Michel Raymond, Directeur de Recherche au CNRS, il dirige l'équipe "Génétique de l'adaptation" au sein de l'Institut des Sciences de l'Evolution (UMR 5554 CNRS-UM2) à Montpellier. Ses recherches portent sur la sélection naturelle et l'adaptation, particulièrement au niveau moléculaire. Son principal modèle d'étude biologique est l'évolution des mécanismes de résistance aux insecticides chez le moustique.
Le modèle Culex cupiens pour étudier la sélection naturelle et l'adaptation
Après un diplôme d'ingénieur agronome à l'Ecole Nationale Supérieure Agronomique de Montpellier et un DEA de "Paléontologie, génétique, sciences de l'évolution" obtenu à l'Université des Sciences et Techniques du Languedoc à Montpellier, Michel Raymond soutient sa thèse en 1986 sur l'évolution des mécanismes de résistance aux insecticides chez le moustique Culex pipiens. Recruté au CNRS en 1988, il va poursuivre ses recherches dans le domaine de l'adaptation et la sélection naturelle en utilisant le moustique comme principal modèle d'étude. Culex pipiens est en effet un modèle biologique de choix en génétique de l'adaptation car il développe une résistance aux insecticides par un processus de sélection naturelle. De plus, des données abondantes sont disponibles sur son écologie, sa génétique et sa résistance aux insecticides car il est étudié dans la région montpelliéraine depuis le début des traitements il y a une trentaine d'années et fait l'objet par ailleurs en tant que vecteur de maladies en régions tropicales de nombreuses recherches dans le monde. Un autre atout de Culex pipiens est qu'il s'élève facilement en laboratoire et permet de mener des expériences dans des conditions contrôlées.
Comment naissent les gènes de résistance et comment se propagent-ils ?
Michel Raymond a obtenu un certain nombre de résultats originaux concernant le processus de sélection naturelle de résistance aux insecticides chez Culex pipiens. L'événement moléculaire qui génère un gène de résistance peut être très complexe -comme une amplification génique ou la modification de l'expression d'un ou plusieurs gènes- et ces événements indépendants se sont produits peu de fois. Il est indispensable de connaître le mode de fonctionnement du gène impliqué et de son interaction avec le pesticide car aucune règle théorique ne permet de prédire la dominance d'un gène de résistance. Les gènes de résistance apparus récemment coûtent cher aux moustiques car s'ils augmentent la survie de 30% en présence d'insecticides, il la baisse considérablement -jusqu'à 50%- en absence d'insecticides. Toutefois, ces gènes de résistance coûteux sont peu à peu remplacés par des gènes moins coûteux et leur propagation par transports passifs explique sans doute en grande partie que des gènes de résistance aient envahi plusieurs continents en moins de 30 ans. Par ailleurs, des gènes porteurs de fonctions légèrement différentes apparaissent à la faveur de duplications. L'apparition de ces gènes semble favorisée par un processus adaptatif puisqu'elle réduit le coût de la résistance.
Cet ensemble de travaux abordant les mécanismes fondamentaux de l'évolution a fait l'objet de plus de 70 publications et a valu très vite à Michel Raymond une reconnaissance à la fois nationale et internationale. Directeur de l'équipe "Génétique de l'adaptation" au sein de l'Institut des Sciences de l'Evolution depuis 1995, dont les recherches portent maintenant sur trois points : toujours l'évolution des mécanismes de résistance aux insecticides mais aussi les phénomènes d'incompatibilité reproductive dus aux bactéries Wolbachia et la génétique des populations. Si le moustique reste le modèle principal de ses travaux, Caenorhabditis elegans -un ver nématode dont le génome est beaucoup mieux connu que celui de Culex pipiens- va être introduit comme modèle complémentaire. Il permettra notamment d'étudier comment apparaissent les mutations et comment elles sont sélectionnées.
V. CROCHET
Contact :
Michel Raymond