Le cœur à l’honneur au Palais de l’Institut de France
C’est au Palais de l’Institut de France en présence de Xavier Darcos, Chancelier de l’Institut de France, d’une cinquantaine d’invités et de nombreux scientifiques, parmi lesquels les Professeurs Philippe Menasché, Michel Desnos, Pierre Corvol, Bernard Roques, Dominique Costagliola, sans oublier les Professeur Hervé Le Marec et Catherine Llorens-Cortes, que s’est déroulée le jeudi 12 mai 2022 une grande fête du cœur organisée par la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire-Institut de France.
A cette occasion, ont été remises par le conseil scientifique « cœurs des femmes » présidé par Dominique Costagliola de l’Académie des sciences, 2 bourses de recherche de 30 000 euros chacune exclusivement dédiées au cœur des femmes.
- La 1ère au Docteur Marie-Christine Boutron-Ruault, Directrice de recherche de 1ère classe à l’Inserm, interniste et hépato-gastroentérologue, épidémiologiste docteur en nutrition, HDR en épidémiologie-Institut Gustave Roussy (Villejuif) et Institut Mutualiste Montsouris (Paris) pour son projet de recherche « risque d’AVC chez la femme et traitement hormonal de la ménopause, modulation par le type de traitement et la voie d’administration ».
Chercheuse et clinicienne passionnée poursuivant sa consultation à l’Institut Mutualiste Montsouris où elle s’occupe de patients avant et après chirurgie bariatrique pour obésité morbide, Marie Christine Boutron-Ruault est une scientifique d’expérience maitrisant la pratique clinique, comme l’impact de l’alimentation sur la santé cardio-vasculaire des femmes, ou encore les courbes de l’épidémiologie nutritionnelle. Ce parcours à la croisée des chemins, elle l’a fait sien avec humilité et conviction, grâce à des collaborations fortes qui l’ont confortée dans ses choix. C’est à ses premiers mentors, les professeurs Jean Faivre, professeur de gastroentérologie féru d’épidémiologie, et François Martin, interniste et chercheur en immunologie, qu’elle doit son orientation vers l’épidémiologie, la recherche, et une carrière à l’Inserm. Cette longue carrière, car elle est médecin depuis 41 ans, chercheur Inserm depuis 32 ans, elle l’évoque encore aujourd’hui avec un enthousiasme communicatif. Un enthousiasme alimenté par la richesse des rencontres ayant jalonné sa vie professionnelle.
La cause du cœur des femmes, elle s’y est intéressée dès 2005, à une époque où les spécificités des maladies cardio-vasculaires des femmes étaient passées sous silence. A nouveau, ce sont des rencontres qui l’ont convaincue de se lancer dans ce défi scientifique. La rencontre avec l’équipe de Françoise Clavel-Chapelon à l’initiative de la cohorte E3N, une grande cohorte généraliste de femmes, où elle a développé des projets d’épidémiologie nutritionnelle. Puis la rencontre avec le Professeur Claire Mounier-Vehier, avec laquelle elle a initié un partenariat pour développer la recherche cardiovasculaire au sein de cette cohorte de femmes. Objectif : y étudier les spécificités du « cœur des femmes » pour identifier les facteurs de risque communs aux hommes mais pouvant avoir un impact différent, et ceux spécifiques aux femmes, comme les aspects hormonaux et reproductifs.
Si le cœur des femmes lui tient à cœur, c’est aussi parce qu’elle est une femme. Une femme-médecin soucieuse de soigner et consciente que les maladies cardio-vasculaires féminines nécessitent une prise en charge spécifique. Une prise en charge incluant une vision plus holistique, plus globale de la santé et non purement médicamenteuse. « Il me semble essentiel qu’on tienne compte des aspects spécifiques à la femme, tant sur le plan des différences et difficultés diagnostiques, que des expositions au cours de la vie et de l’impact des traitements » ajoute-t-elle.
Il faut dire que Marie-Christine Boutron-Ruault est également une spécialiste reconnue des liens entre nutrition et santé cardio-vasculaire et une adepte de la phrase d’Hippocrate « Que ton aliment soit ta seule médecine » même si malheureusement « ça n’est pas toujours suffisant lorsqu’on est exposé à certains risques génétiques ou liés à son environnement ».
Experte en nutrition, elle considère que bien se nourrir aide à maintenir son cœur en forme et regrette que l’alimentation ait été trop longtemps sous-estimée et considérée à tort de peu d’intérêt. « Beaucoup de traditions de bon sens se sont malheureusement perdues avec notre ère du « toujours plus vite et plus pratique ». On y revient avec une forme d’écologie de la vie. Attention cependant aux déviances orthorexiques qui rassurent en émettant des règles très restrictives. Les dimensions plaisir, familiales et sociales restent très importantes à maintenir ».
Cette notion d’écologie de la vie force l’adhésion, tant on sait combien l’obésité est un véritable fléau pour la santé des femmes. Pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires, elle recommande aux femmes « l’absence ou l’arrêt du tabac, le maintien d’un poids « normal » surtout après la ménopause, une alimentation de qualité évitant les aliments ultra-transformés, et tenant compte des recommandations nutritionnelles, le maintien d’une activité physique, peu ou pas de boissons alcoolisées, mais aussi un équilibre psychologique, le cœur des femmes étant particulièrement sensible au stress ». Des conseils simples et avisés qui pourront aider les femmes, notamment à partir de la cinquantaine, à prendre soin de leur cœur et à stabiliser leur taux de LDL cholestérol.
Parce que la curiosité est son moteur, Marie-Christine Boutron-Ruault s’est intéressée aux bénéfices d’une alimentation végétale sur la santé cardio-vasculaire, même si elle fait le distinguo entre bonne et mauvaise alimentation végétale. « Une bonne alimentation végétale repose sur des fruits, légumes, légumineuses, fruits à coque, produits céréaliers complets, et matières grasses végétales, sans oublier les huiles de bonne qualité. Cette alimentation est riche en antioxydants et fibres à la fois solubles et insolubles, permettant une santé optimale. Malheureusement certains croient que supprimer les produits animaux suffit pour être en bonne santé alors qu’en consommant surtout des produits céréaliers raffinés et des sucreries, l’effet sur leur santé est catastrophique. Le régime dit méditerranéen est un bon exemple d’alimentation bénéfique pour la santé cardiovasculaire et la santé en général. » précise-t-elle.
A celles et ceux qui aimeraient se lancer dans une carrière de médecin-chercheur, elle recommande humilité, honnêteté, ténacité et rigueur, mais aussi un goût prononcé pour la confrontation des idées. Sans oublier, l’indispensable zeste de créativité qui aidera le futur chercheur à sortir des sentiers battus.
Consciente que la recherche scientifique est avant tout un travail d’équipe, Marie-Christine Boutron-Ruault espère que cette bourse « cœur de femmes » permettra à Connor McDonald, son post-doctorant depuis près de deux ans, de poursuivre leurs recherches sur le cœur des femmes et aussi de briguer un poste à l’Inserm. On comprend à demi-mots que si elle se réjouit tant de cette bourse, c’est parce qu’elle peut la partager avec ce chercheur compétent.
Interrogée sur son état d’esprit actuel, elle confie « être heureuse de faire un métier qu’elle n’a jamais cessé d’aimer et se dit impatiente de trouver toujours plus de solutions pour améliorer la santé de ses patients et de son entourage ». Quant à son rêve de bonheur, il est beau tout simplement, puisque c’est l’amour. Pas de doute, Marie-Christine Boutron-Ruault est une femme de cœur.
- La 2nde au Professeur Véronique Freund-Michel, Professeur des Universités en Pharmacologie à l’UFR des Sciences Pharmaceutiques de Bordeaux, chercheuse au sein du Centre de Recherche Cardio-Thoracique de Bordeaux-INSERM U1045, pour son projet de recherche « insuffisance cardiaque droite consécutive à l’hypertension artérielle pulmonaire chez la femme : identification de nouvelles cibles thérapeutiques ».
Enthousiaste, honnête et persévérante, Véronique Freund-Michel est une scientifique qui a toujours cherché à enrichir et à perfectionner ses connaissances. Le baccalauréat scientifique en poche, elle a suivi des études de Pharmacie à l’Université de Strasbourg et s’est très vite dirigée vers la filière recherche. C’est durant sa thèse, sous la direction du Docteur Nelly Frossard, qu’elle s’est intéressée au facteur de croissance des nerfs NGF en étudiant son expression et son rôle dans l’asthme. Lors de son post-doctorat à Londres, sous la direction du Professeur Maria Belvisi, elle a travaillé sur l’étude des différents systèmes nerveux innervant les voies aériennes pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques dans des pathologies respiratoires. Une belle carte de visite qui lui a permis d’être recrutée à l’Université de Bordeaux comme maître de conférences en pharmacologie et de mettre en pratique ses recherches sur l’hypertension pulmonaire. Cette nomination en tant que maître de conférences et celle plus récente de Professeur des Universités, elle les évoque avec émotion « Ce furent des moments forts, les candidatures à ces postes étant très compétitives ». Elle se dit également fière d’avoir eu l’opportunité de transférer les connaissances acquises durant ses études, en particulier celles ayant trait au facteur de croissance des nerfs NGF, à la recherche qu’elle mène actuellement sur l’hypertension pulmonaire. « L’étude du NGF a conduit à montrer un rôle majeur de ce facteur dans cette pathologie » ajoute-t-elle.
Parmi celles et ceux qui ont compté durant son parcours professionnel elle cite : le Professeur Jean-Pierre Gies, actuel Professeur de Pharmacologie moléculaire et Doyen de l’UFR de Pharmacie de Strasbourg, qui lui a transmis sa passion pour la pharmacologie, le Docteur Nelly Frossard, ancienne directrice de l’Unité Inserm U450, qui l’a initiée à la recherche sur l’asthme et à l’étude du NGF, le Professeur Bernard Muller, Professeur de Pharmacologie et Doyen de l’UFR des Sciences Pharmaceutiques de Bordeaux, grâce auquel elle s’est lancée dans la recherche, sans oublier le Professeur Roger Marthan, Directeur de l’Unité de recherche INSERM U1045, qui l’a chaleureusement accueillie au sein de son laboratoire et lui a permis de développer sa recherche sur le NGF. Des rencontres riches et déterminantes qui jalonnent encore aujourd’hui sa vie scientifique, puisque c’est grâce au soutien des Professeurs Marc Humbert et David Montani et à celui du Docteur Christophe Guignabert officiant au sein du Laboratoire INSERM UMR_S 999 du Plessis-Robinson, qu’elle a pu valider ses résultats sur des échantillons humains issus de patients souffrant d’hypertension pulmonaire.
Grâce à cette bourse qui lui permettra de financer les animaux, produits et consommables nécessaires au développement de sa recherche, Véronique Freund-Michel se dit prête à mener une action de recherche 100% « cœur de femmes ». « En effet, des différences liées au sexe ont été mises en évidence dans l’hypertension pulmonaire, avec un rôle majeur joué par les œstrogènes dans ces différences, en particulier dans les altérations du cœur droit liées à cette pathologie ».
Interrogée sur la prise de conscience insuffisante entourant les maladies cardio-vasculaires des femmes, elle pense que si elle est si tardive, c’est en raison des facteurs de risque comme le tabac, l’alcool et la sédentarité qui ont longtemps été considérés comme des problèmes masculins. « A côté de cela, les femmes présentent aussi des facteurs de risque qui leur sont propres, en particulier les hormones féminines, qui peuvent jouer des rôles délétères dans plusieurs pathologies de par leur présence (physiologique ou via la contraception hormonale), ou de par leur absence (notamment au moment de la ménopause). Les maladies cardiovasculaires sont donc un risque très important pour la femme aussi » précise-t-elle.
Concernant les grandes avancées scientifiques à initier sur le cœur des femmes, elle estime indispensable que soient menées des recherches spécifiques « afin de mieux comprendre du point de vue de la recherche fondamentale la physiopathologie des maladies cardio-vasculaires, et en particulier de comparer ces mécanismes physiopathologiques en fonction du sexe, mais aussi afin d’identifier du point de vue pharmacologique s’il existe des différences en termes de cibles dans ces pathologies cardiovasculaires entre hommes et femmes, qui pourraient parfois expliquer des différences d’efficacité de certains traitements déjà sur le marché ».
A celles et ceux qui aimeraient se lancer dans une carrière de chercheur, elle recommande motivation et persévérance « car les places pérennes sont chères et rares » mais aussi une grande ouverture d’esprit, indispensable lorsqu’on se lance dans la recherche cardio-vasculaire. Sans oublier la capacité à sortir des sentiers battus car « c’est comme cela qu’on pourra développer les médicaments de demain et qu’on traitera ces maladies cardiovasculaires de manière plus efficace et plus adaptée à chaque patient ».
Questionnée sur son état d’esprit actuel, elle confie être heureuse de faire un métier « où la routine n’a pas sa place, puisqu’elle explore sans cesse de nouvelles hypothèses ». Admirative des soignants qui se battent au quotidien pour sauver des vies, mais aussi comblée à l’idée de se plonger dans un bon roman de science-fiction une fois les enfants couchés, Véronique Freund-Michel est une chercheuse ancrée dans la réalité, qui sait cultiver le goût du bonheur en toute simplicité. Quant à sa devise favorite, « Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient », elle lui ressemble, tout simplement.
Le prix Danièle Herman a également été remis par le conseil scientifique de la Fondation présidé par Catherine Llorens-Cortes de l’Académie européenne des sciences. Chaque année, le Prix Danièle Hermann,,à hauteur de 30 000 euros, récompense un chercheur reconnu dans le domaine des maladies cardio-vasculaires.
Le prix Danièle Hermann 2021 a été attribué au Docteur Jean-Jacques Schott, Directeur de recherche 1ère classe à l’Institut du thorax Inserm UMR 1087/CNRS UMR 6291 à Nantes où il dirige l’équipe « Génétique Cardiovasculaire » composée de 37 personnes, pour son projet de recherche « approche translationnelle en génétique et physiopathologie des cardiopathies rythmiques et dégénératives ».
Cette grande fête du cœur fut une cérémonie chaleureuse de haute tenue scientifique. Une cérémonie portée par le talent et l’enthousiasme de 3 chercheurs qui font avancer au quotidien la recherche sur les maladies cardio-vasculaires.
Découvrir la fondation : http://www.fondation-recherche-cardio-vasculaire.org/actualites/
E. BOUILLARD