Nouveau président à la Fédération Hospitalière de France dans un contexte de crise du système de santé, quelles lignes directrices pour l’Avenir ?
Arnaud ROBINET, issu du monde hospitalier public est, depuis septembre 2022, le nouveau président de la Fédération Hospitalière de France (FHF). Il est également maître de conférence et praticien hospitalier en pharmacologie. Fort de ses engagements en tant qu’élu et de sa connaissance du terrain, il s’engage au service de la refonte du système de santé. Il obtient en 2003 un doctorat de recherche en biochimie et biologie moléculaire. Il affiche sa volonté d’agir de manière rapide & efficace pour la refondation du système de santé, tout en capitalisant sur le travail collectif.
Rencontre lors du café Nils du 30 Novembre 2022 :
« Nous sommes confrontés à des défis immenses et traversons une crise du système de santé dans sa globalité. Il s’agit d’un tournant dans notre système de santé et je m’efforcerai de poursuivre nos 3 priorités majeures :
- Les Ressources Humaines : nous souhaitons recruter 70 000 soignants d’ici 5 ans et devons donc nous attaquer aux problématiques de formations et d’attractivité dans notre domaine professionnel, tant pour le salaire que pour le bien-être au travail.
- La Solidarité Territoriale : une meilleure optimisation des ressources disponibles et un travail commun des acteurs du territoire (ville et hôpital) avec une répartition des soins non programmés par exemple.
- Un plan pluriannuel : en donnant toute sa place à la prévention, à l’éco-responsabilité dans notre domaine, pour nous permettre une visibilité à plus long terme au sein de cette crise.
A court terme, dans un contexte hivernal compliqué, nous sommes en train de traverser une triple épidémie COVID-19, Grippe et Bronchiolite, alors que les soignants sont déjà épuisés et sursollicités. Nous souhaitons pouvoir passer l’hiver le mieux possible. Aujourd’hui, nous avons déjà une dette de santé publique qui s’accumule depuis les vagues COVID - on estime à plus de 20 semaines le travail en retard dans certains services soit plus de 3,5 millions de séjours hospitaliers non réalisés.
L’union de l’ensemble des parties, et notamment des médecins généralistes, pour faciliter l’accès aux soins, est cruciale. Dans un contexte historique de grève de la médecine généraliste pour une meilleure reconnaissance de ses actes, je soutiens ce mouvement pour une revalorisation des tarifs et pour une reconnaissance du rôle crucial des généralistes dans notre système de santé actuel.
Nous devons également travailler sur l’augmentation de la vaccination et l’adoption des gestes barrières.
Dans tout cela, l’hôpital public demeure le navire amiral de notre système de santé, permettant l’accès au soin mais également à la formation pour les futurs soignants, tout en favorisation l’innovation via la recherche. Aujourd’hui, nous avons besoin d’une vision d’ensemble regroupant tous les acteurs : publics, privés, ville et usagers.
L’accès aux soins à toute heure est une véritable problématique pour les usagers et ils manquent de visibilité pour s’orienter dans notre système de santé actuel. Nous travaillons sur la permanence des soins, avec des services universels permettant des soins d’urgence et des soins non programmés. Tous, nous devons échanger et engager la responsabilité collective pour répondre aux enjeux de notre système de santé. Nous travaillons sur des pistes, par exemple la délégation de certaines tâches des médecins vers d’autres soignants, tels que les infirmiers. N'oublions pas que la France réinvestit chaque année une part importante de son PIB (produit intérieur brut) pour le système de santé. On dépense beaucoup d’argent – mais est-ce de manière efficiente ? qualitative ? Je souhaite une stratégie réelle, avec un rôle central de l’Etat pour une véritable planification sanitaire. Nous avons beaucoup parlé du SEGUR Santé pour la revalorisation des métiers. Je tiens à souligner que le système de santé représente certes beaucoup de dépenses, mais il est surtout un investissement pour l’avenir. La santé de notre population, c’est une création de richesse pour demain ! L’objectif n’est donc pas de dépenser moins, mais de dépenser mieux.
Avec la FHF, nous participons au CNR (Conseil national de la refondation) Santé en région, avec des actions par région avec l’Etat pour un véritable Bien Vieillir. Un véritable plan de bataille, avec une prise de conscience politique, afin de traiter des questions concrètes sur notre système de santé. Le territoire est un enjeu pour un égal accès des soins pour chacun. 11% de la population française n’a pas de médecin généraliste aujourd’hui en France. Et le nombre de médecins généralistes va continuer à diminuer sur les 10 prochaines années. Des projets territoriaux sont déjà en cours avec de nouvelles structures comme les CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé) pour optimiser la prévention par exemple. Il faut traiter les sujets difficiles et les professionnels attendent de véritables changements pour enfin pourvoir dire ‘ça bouge’.
N’oublions pas également les atouts de l’innovation en France dans toutes ces dimensions, avec notamment des outils numériques tels que la télémédecine. Un autre sujet qui me tient à cœur : le bien-être au travail - je souhaite que les professionnels puissent créer un équilibre entre travail et vie personnelle – concrètement, cela veut dire aujourd’hui 2,5 médecins généralistes pour remplacer 1 médecin qui part en retraite, d’où la nécessaire transformation de notre système de santé.
De nombreux défis nous attendent et nous priorisons les mesures à mettre en place d’urgence dans le contexte de crise actuelle, sans pour autant oublier les mesures à long terme pour pérenniser notre système de santé et pouvoir proposer à chacun des soins de qualité de manière efficace et efficiente. »
Enfin, Arnaud ROBINET place sa présidence sous le signe de la transition écologique. Responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre du pays, le secteur de la santé doit prendre toute sa part dans la lutte contre le changement climatique et faire preuve de davantage de sobriété, notamment énergétique. Un virage qui, selon lui, « s’avère indispensable et bénéfique ».
Pour en savoir plus sur la FHF : https://www.fhf.fr/
Estelle Bouillard