VITROME, une unité de recherche spécialisée, une collaboration France/Afrique
Vitrome est une unité mixte de recherche (UMR), créée en janvier 2018 sous les labels d’Aix-Marseille Université (AMU), l’institut de recherche pour le développement (IRD), le service de santé des armées (SSA) et un partenariat avec l’assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP HM).
Avec 5 équipes situées dans l’IHU Méditerranée Infection à Marseille en France, 1 équipe au Sénégal, 1 en Algérie (Laboratoire Mixte international REMEDIER) et des équipes partenaires au sud, VITROME est une UMR d’envergure internationale.
Les maladies vectorisées et leurs arthropodes vecteurs (comme les moustiques, les tiques, les poux, les puces, …), les zoonoses et les maladies parasitaires sont au coeur d’une recherche basée sur la technologie et l’observation, qui bénéficie des équipements et plateformes de l’IHU Méditerranée infection. La surveillance des maladies infectieuses (de la surveillance épidémiologique à la surveillance génomique) et une approche en sciences humaines et sociales sont développées.
« Avec la création à Marseille de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection (www.mediterranee-infection.com), nous avons souhaité revenir aux fondamentaux de la recherche en microbiologie et maladies infectieuses en réunissant le soin, le diagnostic, et la recherche. En janvier 2016, après plusieurs années de préparation, ce projet a été matérialisé par la construction d’un bâtiment de 27 000 m2 comprenant 75 lits d’hospitalisation en chambres individuelles, dont 25 permettant des soins en NSB3 (niveau sécurité biologique 3) pour prendre en charge des maladies hautement contagieuses ; 5 grands laboratoires NSB3 pour une superficie totale de 1200 m2 ;4 étages de laboratoires de diagnostic, de plateformes de recherche et technologiques ; et un bâtiment permettant l’accueil institutionnel d’étudiants, principalement du sud, de chercheurs et de start-up » 1
La vie scientifique de VITROME est organisée à l’IHU méditerranée infection. Les réunions clés sont le « Work in progress » hebdomadaire, où les étudiants en Master 2 et en thèse présentent l’avancée de leurs travaux, le point bimensuel « Emerging » où les chefs d’équipes et chefs de projets de VITROME et des autres UMR de l’IHU se réunissent, et enfin, le séminaire hebdomadaire où des scientifiques français ou étrangers de haut niveau viennent présenter leur recherche.
Zoom sur l’équipe Entomologie Médicale
– Zoonoses et Microbiologie basée à Marseille
Plusieurs projets sont menés au sein de cette équipe de recherche de l’UMR VITROME.
- L’entomologie médicale : un véritable défi pour la médecine de demain.
Pour répondre à ce défi, un insectarium a été installé dans l’IHU Méditerranée Infection avec 4 salles, chacune étant spécifiquement dédiée à des groupes d’arthropodes (puces, poux, moustiques, tiques, …). Une salle est dédiée aux études de dissection et d’identification avec des équipements optiques et photographiques.
Vitrome oeuvre pour compléter le répertoire des micro-organismes associés aux vecteurs et pour la veille des maladies transmises
L’équipe analyse les arthropodes par biologie moléculaire, en utilisant des amorces spécifiques à large spectre, et isole en culture l’agent détecté, s’il s’agit d’un nouveau micro-organisme. Elle récolte des arthropodes dans le monde entier. Des études seront menées dans les endroits où se trouvent d’autres équipes de VITROME, dont l’Algérie, le Sénégal, la Polynésie française et la Guyane française.
Depuis quelques années, l’équipe développe l’utilisation de la spectrométrie de masse MALDI-TOF pour l’identification des arthropodes. L’automatisation et la standardisation des méthodes de préparation d’échantillons d’arthropodes pour les analyses MALDI-TOF MS vulgariseront l’utilisation de cet outil innovant, pour l’identification rapide des arthropodes présentant un intérêt médical, ce qui est particulièrement important pour les études de lutte vectorielle. Les mises au point sont associées à des utilisations sur le terrain, lors d’enquêtes entomologiques en Europe et en zone tropicale. L’équipe développe également l’utilisation du MALDI TOF pour l’identification du repas sanguin des arthropodes. Enfin, elle teste les capacités du MALDI TOF pour différencier les arthropodes infectés ou non par des bactéries ou des parasites. Parmi les modèles expérimentaux en cours, l’étude sur la transmission de Rickettsia felis par plusieurs familles d’arthropodes comme les moustiques, la transmission des leishmanies par les tiques de chien, Rhipicephalus sanguineus, ainsi que la transmission de Bartonella responsables de maladies infectieuses émergentes par des puces et des punaises. « Nous testons la compétence vectorielle des punaises de lit Cimex lectularius pour transmettre Borrelia recurrentis, l’agent de la fièvre récurrente à poux en Afrique. » Enfin, l’équipe étudie la transmission des rickettsies par les arthropodes.
- Expertise et recherche clinique sur les maladies infectieuses méditerranéennes et tropicales
En tant que centre national de référence sur les Rickettsies, Bartonella et Coxiella, Vitrome conduit également des investigations à l’international afin d’étudier les aspects cliniques, épidémiologiques et microbiologiques des rickettsioses.
Dans le cadre des études des causes de fièvres en zone tropicales et méditerranéennes, après le Sénégal et le Mali, Vitrome va développer ses recherches dans plusieurs autres pays d’Afrique sub-saharienne et en Méditerranée via un réseau d’anciens doctorants.
- La Coordination des réseaux de recherche
Vitrome a créé un réseau méditerranéen, appelé « REMEDIER » pour Recherche Méditerranéenne pour les Infections Emergentes et Réemergentes. La base du réseau associe des institutions à Marseille, en France et à Alger. L’objectif des prochaines années est d’inclure des partenaires scientifiques en Algérie, en Tunisie et au Maroc.
Vitrome prend part également aux projets du réseau GIRAFE - Groupement de Recherche Internationale en Afrique sur l’Émergence. Ce réseau a un axe Marseille – Dakar – Bamako. Le but est de développer dans 5 pays d’Afrique subsaharienne francophone une recherche en réseau, basée sur la technologie et le transfert de compétence pour la détection et la surveillance des maladies infectieuses émergentes, en particulier, celles transmises par les vecteurs.
- Zoonoses et microbiologie des agents infectieux
L’équipe étudie les pathogènes émergents et réémergents (tels que les Mansonella), leur épidémiologie, le mode de transmission, les manifestations cliniques, les diagnostics et le traitement.
Elle coordonne des études sur la vaginose bactérienne, à Marseille et en zone tropicale, une maladie répandue ayant un impact sur la prématurité et la transmission des maladies sexuelles.
Enfin, elle enquête sur les maladies animales et zoonotiques en Méditerranée, en Afrique, mais aussi dans d’autres parties du monde. Ce thème de recherche qui correspond au concept « One Health » est soutenu par la création d’une plateforme de recherche vétérinaire dans l’IHU (Institut Hospitalouniversitaire en maladies infectieuses de Marseille).
Zoom sur l’équipe Maladies infectieuses émergentes et persistantes en Afrique de l’Ouest basée à Dakar :
Cette équipe de VITROME est localisée à Dakar au Sénégal. Ses principaux objectifs concernent :
- L’identification, la mesure et l’analyse épidémiologique des déterminants de la résistance humaine au paludisme,
- L’étude de l’évolution des taux de mortalité attribuables au paludisme et leurs relations avec les interventions de lutte contre le paludisme,
- L’étude des maladies tropicales infectieuses à transmission vectorielle,
- L’étude des causes de fièvre et la biodiversité des agents pathogènes émergents au Sénégal,
- L’étude de la schistosomose urogénitale causée par Schistosoma haematobium,
- L’étude épidémiologique des risques infectieux liés au Grand Magal de Touba, le plus grand rassemblement religieux en Afrique
Ce programme s’appuie sur des systèmes de surveillances sanitaires et démographiques situés au Sénégal (Niakhar 50 000, Mlomp 11 000, Bandafassi 13 000 et Dielmo/Ndiop 100) et un réseau régional en Afrique de l’ouest. Ce travail fournit au ministère de la Santé et à la communauté scientifique de nouvelles données concernant l’étiologie, le diagnostic et le traitement des maladies infectieuses tropicales.
Deux grands projets portent cette unité :
Le Paludisme
- Identification, mesure et analyse épidémiologiques des déterminants de la résistance humaine au paludisme.
Le projet a débuté en 1990 à Dielmo et en 1993 à Ndiop. A partir de l’histoire individuelle biologique, clinique et épidémiologique de 900 villageois suivis quotidiennement par l’IRD et l’Institut Pasteur de Dakar, il s’agit de décrire l’hétérogénéité individuelle de la réponse à l’infection et à la maladie, de rechercher ses déterminants biologiques et épidémiologiques innés ou acquis, et de quantifier et modéliser leur importance. Les données et prélèvements recueillis font également l’objet d’analyses visant, d’une part à contribuer au développement d’un vaccin antipaludique, d’autre part à définir de nouvelles stratégies thérapeutiques et préventives. Ce projet sans équivalent dans la recherche sur le paludisme sera poursuivi ces prochaines années.
- Evaluation de l’impact sur les taux et causes de décès du remplacement de la chloroquine par l’association artesunateamodiaquine pour le traitement du paludisme au Sénégal.
Ce projet a débuté en 2006 lors de la mise en place par le Ministère de la Santé de l’association artesunate-amodiaquine pour le traitement du paludisme dans tous les dispensaires du Sénégal. La chloroquine est désormais remplacée par des combinaisons thérapeutiques et il s’agit de continuer à mesurer l’impact des nouveaux médicaments sur la morbidité, la mortalité et la transmission du paludisme à Mlomp, Dielmo, Ndiop, Niakhar et Bandafassi. Parallèlement, les autres causes de décès chez les enfants et les adultes seront étudiées.
- Activités entomologiques
Les traitements par les combinaisons avec les dérivés de l’artémisinine et les moustiquaires imprégnées sont en place partout au Sénégal depuis 2008. Les questions auxquelles l’unité tentent de répondre sont: 1) l’utilisation massive des moustiquaires imprégnées a-t-elle modifié la structuration génétique des populations anophéliennes, 2) y a-t-il une modification du comportement trophique et de l’agressivité de ces deux espèces pouvant influer sur leur rôle vecteur et 3) quels sont les différents types et mécanismes de résistance impliqués. L’équipe envisage de déterminer les niveaux, types et les mécanismes de résistance aux insecticides chez les vecteurs du paludisme et suivre l’évolution de la résistance à Dielmo, Ndiop.
- Microbiote des vecteurs du paludisme à Dielmo et Ndiop
L’équipe continuera à explorer le microbiote des vecteurs du paludisme à Dielmo et Ndiop. L’objectif est d’étudier les relations entre certaines bactéries et le plasmodium. Les résultats préliminaires montrent que la présence de la bactérie Asaia sp semble antagoniste à celle de P. falciparum chez le moustique. L’utilisation de bactéries appartenant au microbiote du moustique peut être une alternative pour la lutte biologique.
Les Causes des fièvres non palustres et biodiversité des pathogènes émergents
En Afrique, une conséquence indirecte, mais majeure, de l’effondrement de la morbidité due au paludisme a été d’augmenter de façon considérable la part des fièvres d’autres origines dans la pathologie générale et tout particulièrement dans les motifs de consultation en dispensaire. L’objectif principal des recherches est d’identifier les agents pathogènes non diagnostiqués en pratique médicale courante, afin d’améliorer la prise en charge des malades et de fournir au Ministère de la Santé et à la communauté scientifique des données nouvelles sur l’étiologie, le diagnostic et le traitement des fièvres confondues avec le paludisme ou considérées comme étant d’origine indéterminée. Parallèlement aux activités de recherche sur les maladies infectieuses émergentes, le groupe envisage de développer plusieurs actions de recherche comme :
- Evaluation de la promotion de l’hygiène corporelle dans la prévention des maladies infectieuses en milieu rural au Sénégal
- Cette étude va permettre d’évaluer l’influence du savon sur la survenue de syndromes infectieux en corrélant la composition microbienne cutanée.
- Traitement des malades fébriles non palustres au Sénégal avec la doxycycline en dose unique en comparaison avec l’amoxicilline
- Il s’agit d’un essai clinique pragmatique comparant deux produits (amoxicilline et doxycycline) déjà présents sur le marché pour prendre en charge les maladies infectieuses fébriles.
- Ampleur et conséquences de l’infection chronique par le virus de l’hépatite B (VHB) dans un pays d’Afrique de l’Ouest à forte endémicité (Sénégal)
Un des objectifs de cette étude est d’estimer la prévalence de l’infection chronique par le VHB en population générale et l’efficacité vaccinale chez les enfants dans la zone rurale de Niakhar au Sénégal. En 2009, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) recommande une vaccination anti-VHB dans les 24 heures suivant la naissance pour prévenir la transmission mère-enfant. L’objectif de cette étude est de développer une stratégie pérenne et adaptée au contexte local pour vacciner contre l’hépatite B les nouveau-nés dans les 24 premières heures de vie les bébés.
- Utilisation d’outils innovants pour le diagnostic des maladies parasitaires au Sénégal
En collaboration avec l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal), la technique de PCR en temps réel (qPCR) est comparée à l’examen microscopique dans la détection des parasites intestinaux, ainsi que l’utilisation du MALDI TOF MS pour différencier l’urine infectée ou non avec Schistosomia spp., parasites qui représentent un problème majeur de santé publique en Afrique subsaharienne (JEAI-IRD financée 2018- 2020).
- Les grands rassemblements comme le Grand Magal de Touba au Sénégal, l’un des plus importants rassemblements religieux d’Afrique où convergent 4 à 5 millions de fidèles. Le rassemblement sur ce lieu saint situé à 180 km au nordest de Dakar expose à des risques accrus de transmission de maladies digestives et respiratoires. Les résultats ont montré que 60% des consultations au Grand Magal de Touba dans les structures sanitaires sont dues à des maladies infectieuses avec une prévalence élevée des infections gastro-intestinales, du paludisme et des infections respiratoires.
Ce premier état des lieux des données préfigure la poursuite de la collecte et de l’analyse systématiques des données sanitaires, surtout en cette période de pandémie de Covid-19. Ces recherches épidémiologiques, menées au Sénégal sur l’un des plus importants rassemblements religieux d’Afrique, confirment l’enjeu sanitaire de ce type de rassemblement. Elles visent à améliorer l’offre de santé et, à terme, à prévenir l’éventuelle mondialisation d’infections locales.
« Une des missions de l’IHU Méditerranée Infection, mais aussi un des piliers de sa « productivité » scientifique est liée à l’accueil et l’encadrement d’étudiants du Sud, principalement d’Afrique, avec le financement chaque année de 30 bourses de master, 15 bourses de doctorat, 10 pour des études postdoctorales. En interne, les projets sont financés de manière extrêmement rapide en fonction du potentiel des candidats. L’évaluation se fait a posteriori sur la production scientifique publiée. Chaque année, une douzaine de récompenses sont distribuées aux meilleures publications et à celles dont la production scientifique est la plus visible. » 1
Cette collaboration francophone au sud fonctionne et entend se développer à travers l’évolution des projets Girafe et Remédier. Le Sénégal, le Mali, la République démocratique du Congo et l’Algérie sont les partenaires forts de ces réseaux, qui pourront s’étendre à d’autres pays avec lesquels l’HU collabore, notamment le Niger ou encore le Gabon. L’investissement dans la formation des chercheurs, associé au développement de clusters de hauts niveaux technologiques, permettra de renforcer encore les liens entre la France et les pays francophones, des liens qui sont indispensables aux progrès de la recherche scientifique.
Pour en savoir plus : www.vitrome.fr
Contacts :
Pr Philippe PAROLA - Directeur de l’UMR 257 (IRD AMU SSA) Vecteurs – Infections Tropicales et Méditerranéennes (VITROME)
philippe.parola@univ-amu.fr
Pr Cheikh SOKHNA – responsable de l’équipe de recherche VITROME à Dakar au Sénégal
cheikh.sokhna@ird.fr
1 Parola P, Raoult D. Vers la microbiologie du XXIe siècle en Afrique. Med Sante Trop 2019 ; 29 : 340-342. doi : 10.1684/mst.2019.0940