De nouvelles connaissances sur des bactéries Brucella émergentes
De nombreuses découvertes ont été faites ces dernières années sur les bactéries du genre Brucella : de nouvelles espèces ont été découvertes, tandis que d’autres, déjà connues, ont été détectées chez des animaux que l’on ne savait pas porteurs de ces bactéries, ou encore apparaissent en Europe de l’Ouest, comme Brucella canis. Ces bactéries pourraient-elles se transmettre à l’être humain ? Quelles espèces animales sont concernées ? Comment distinguer ces bactéries les unes des autres ? Ces questions étaient au centre du projet européen IDEMBRU, coordonné par l’Anses dans le cadre de l’EJP One Health.
Quel est un des points communs entre un mouton, un chien, un phoque, une grenouille et un être humain ? Tous peuvent être porteurs de bactéries du genre Brucella, dont certaines sont responsables de la brucellose. Les symptômes de cette maladie chez l’être humain sont des poussées de fièvres, des douleurs et des maux de tête. Elle peut aboutir à des complications, notamment neurologiques ou articulaires, et devenir chronique. Les animaux atteints peuvent être victimes d’avortements, ou présenter de problèmes de fertilité et d’infections de l’appareil génital.
Depuis une quinzaine d’années, de nouvelles espèces de Brucella ont été découvertes, portées par des animaux aussi divers que des grenouilles, des renards ou des mammifères marins. Le projet IDEMBRU, coordonné par l’Anses et rassemblant 9 partenaires de 8 pays européens (Allemagne, Bulgarie, Espagne, Italie, Royaume-Uni, Pays-Bas, Portugal et France) visait à mieux connaître ces nouvelles bactéries. D’une durée de deux ans et demi, il a été financé par le programme européen conjoint One Health EJP. Ses résultats sont en cours de publication.
Des bactéries et des espèces hôtes atypiques
Les partenaires du projet ont développé des outils de biologie moléculaire permettant d’identifier les différentes espèces de Brucella et ainsi d’accélérer les diagnostics en cas d’épidémie de brucellose. Ces nouveaux tests sont destinés à identifier les Brucella atypiques, mais aussi des Brucella classiques infectant des espèces inhabituelles. En effet, plusieurs Brucella, connues depuis de nombreuses années pour infecter certaines espèces animales, ont été trouvées chez des espèces où elles n’avaient pas encore été détectées. « Nous avons découvert trois chiens porteurs de Brucella suis », illustre Claire Ponsart, coordinatrice du projet et cheffe de l’unité Zoonoses bactériennes au laboratoire de santé animale de l’Anses. « Cette bactérie est connue pour circuler chez les porcs, les sangliers et les lièvres, nous ne savions pas que les chiens pouvaient être infectés. »
Prédire le risque de transmission à l’être humain
Pour les espèces de Brucella nouvellement découvertes, l’une des questions majeures est de savoir si elles présentent un risque pour l’être humain. « Nous avons développé une méthode d’infection cellulaire in vitro qui donne des indications sur leur pouvoir pathogène pour l’être humain. Jusqu’à présent, peu d’indicateurs de pathogénicité existaient pour ces bactéries, on se basait principalement sur l’identification des bactéries en cause dans les foyers d’infection. », décrit Vitomir Djokic, scientifique au sein de l’unité Zoonoses bactériennes, qui a participé au projet.
Contaminations de chiens par Brucella canis : un effet du commerce international
Vingt-six chiens infectés en deux ans en France contre deux au cours des vingt années précédentes : jusqu’à ce que plusieurs cas soient signalés ces dernières années en Grande-Bretagne, on considérait que Brucella canis, une espèce de Brucella qui touche les chiens, était très peu présente en Europe de l’Ouest. Le signalement britannique a amené les partenaires du projet IDEMBRU à faire des prélèvements pour mesurer l’étendue de l’émergence. Des cas ont été trouvés dans tous les pays participants. En France, la maladie a été détectée dans dix élevages qui avaient importé des chiens d’Europe de l’Est ou des États-Unis.
L’augmentation du nombre de cas de brucellose canine dans l’ouest de l’Europe est probablement liée au développement du commerce d’animaux en ligne. « L’achat de chiens à l’étranger est légal, cependant aucun test sanitaire vis-à-vis de la brucellose n’est exigé, explique Claire Ponsart. Les futurs propriétaires doivent savoir qu’en important leur animal, ils risquent aussi d’importer des maladies. »
Le traitement contre Brucella canis n’est pas efficace chez tous les chiens. Par conséquent, les animaux infectés sont considérés comme pouvant transmettre la maladie à vie. En plus de provoquer des problèmes de reproduction chez les chiens, la bactérie peut se transmettre à l’être humain. Ce phénomène est rare, mais deux cas ont été reportés en 2022, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Brucella canis provoque les mêmes symptômes que la brucellose classique.
Pour en savoir plus :
https://onehealthejp.eu/projects/emerging-threats/jrp-idembru
https://www.anses.fr/fr/system/files/SANT-Fi-BrucelloseCanine.pdf