Gros plan sur le lauréat du Prix Line Renaud - Loulou Gasté 2022 : le Pr François PATTOU et son équipe lilloise EGID - European Genomic Institute for Diabetes - pionniers de la greffe d'îlots pancréatiques
Le Pr François PATTOU - chirurgien et co-fondateur de l'institut de recherche EGID, European Genomic Institute for Diabetes - et l’équipe lilloise EGID (European Genomic Institute for Diabetes) qu’il dirige, se sont vu attribuer le 21 novembre dernier le Prix du Fonds de dotation Line Renaud – Loulou Gasté. Cette distinction met à l’honneur leur contribution au développement clinique d’une nouvelle thérapie cellulaire, alternative révolutionnaire à l’insulino-dépendance pour le traitement du diabète de type 1 : la greffe d’îlots pancréatiques, dits îlots de Langerhans.
Madame Claude CHIRAC, Madame Line Renaud et le Professeur François PATTOU devant l’institut de recherche EGID (European Genomic Institute for Diabetes)
Crédit photo : © Lisa MOCHON (EGID)
La greffe d’îlots, une révolution pour le traitement de certains profils de diabète insulino-dépendant : connus internationalement pour leurs travaux dans le domaine des maladies métaboliques, le Professeur François PATTOU et son équipe se concentrent depuis plusieurs années sur le développement de thérapies innovantes pour les formes graves de diabète de type 1 et de type 2. Ils proposent pour ces dernières un traitement par chirurgie métabolique, et pour celles de type 1, une thérapie cellulaire par transplantation d’îlots de Langerhans. C’est cette nouvelle thérapie innovante, appelée greffe d'îlots, qui leur a valu d’être lauréats du Prix Line Renaud – Loulou Gasté 2022.
Pourquoi une greffe ?
Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune générée par un dysfonctionnement du système immunitaire qui détruit certaines cellules du pancréas - les cellules bêta pancréatiques, rassemblées en structures appelées îlots de Langerhans - chargées de produire l’insuline. Ainsi, malgré un traitement par injection d’insuline et un suivi rigoureux, certaines personnes atteintes de diabète de type 1 ne parviennent pas à stabiliser les variations de leur glycémie, ce qui engendre souvent de graves conséquences sur leur santé.
La nouvelle thérapie cellulaire proposée par le Pr PATTOU s’adresse à certains de ces patients. Elle consiste à remplacer les cellules non fonctionnelles des patients diabétiques, en implantant dans le pancréas des îlots sécrétant l'insuline. « Grâce à cette greffe qui permet de restaurer une insulinosécrétion endogène, les patients n’ont plus besoin d’effectuer d’injections dont l’efficacité reste relative », souligne François PATTOU.
En quoi consiste la greffe d’îlots ?
« Les îlots sont des cellules très rares, cachées au sein du pancréas », insiste le chirurgien. « La greffe d’îlots consiste à prélever un pancréas chez un donneur en état de mort cérébrale, puis à isoler au sein de ce pancréas et purifier une petite quantité - l’équivalent d’un dé à coudre – d’îlots de Langherans contenant les cellules sécrétrices d’insuline. Le processus combine une digestion enzymatique et une purification du pancréas qui permet de séparer les cellules exocrines des cellules insulinosécrétrices, tout en les maintenant groupées en unités fonctionnelles que sont les îlots. La préparation d’îlots prend alors la forme de suspension cellulaire conditionnée dans une poche de perfusion. Elle est injectée au patient diabétique dans la veine porte au niveau du foie, permettant de délivrer de l’insuline et de réguler de façon autonome la glycémie. Les patients greffés devront toutefois suivre un traitement immunosuppresseur au long cours afin d’éviter le rejet de ces îlots. »
A qui s’adresse la greffe d’îlots pancréatiques ?
Après 20 ans de recherche clinique - initiée au Canada en 1999, puis étendue à l’Europe - la Haute Autorité de Santé (HAS) a émis, en juillet 2020, un avis favorable à la prise en charge en France de la transplantation d’îlots pancréatiques pour des profils de patients bien précis. Cette thérapie a par ailleurs été reconnue par l’assurance maladie en avril 2021 et elle est aujourd'hui proposée aux patients atteints des formes les plus sévères de diabète de type 1. Ainsi, selon les recommandations de la HAS, l’allogreffe d’îlots de Langerhans s’adresse aux patients diabétiques de type 1 (insulino-dépendants), dont le diabète est instable ou compliqué d’hypoglycémies non ressenties, ou déjà porteurs d’une greffe de rein.
Le travail mené par le Pr PATTY et son équipe a conduit le CHU de Lille, l’un des plus grands hôpitaux d’Europe, à devenir le premier autorisé dans l’Hexagone à pratiquer la greffe de cellules pancréatiques, prise en charge par l’Assurance maladie. La première greffe d’îlots en soins courants y a été réalisée en décembre 2021. Cette étape marque un tournant fondamental ; des patients atteints de diabète de type 1 sévère ont vu leur vie changer ! Une prouesse scientifique saluée au niveau mondial.
Docteur Valéry GMYR, Madame Line Renaud et le Professeur François PATTOU dans le laboratoire de l’Unité Mixte de Recherche 1190 (EGID) « Recherche Translationnelle sur le diabète »
Crédit photo : © Lisa MOCHON (EGID)
Le Pr PATTOU, mondialement reconnu pour ses travaux dans le domaine des maladies métaboliques
François PATTOU a effectué toute sa carrière au sein de l’établissement hospitalier lillois. Chirurgien, coordinateur du Centre intégré de l’obésité, il est professeur de chirurgie générale à la faculté de médecine de Lille depuis 2002 et chef de service de chirurgie générale et endocrinienne du CHU de Lille depuis 2006. Il a par ailleurs pris la direction en 2001 de l’unité Inserm « Biothérapies du diabète » et contribué en 2009 à la fondation de l’EGID où son équipe s’est installée.
L’EGID sous tutelle de l’Université de Lille, l’INSERM, le CNRS, le CHU de Lille et l’ Institut Pasteur de Lille est avant tout un institut de recherche, de visibilité internationale, axé sur les diabètes (type 1 et 2), l’obésité et les facteurs de risques associés, dont la vocation est de diffuser et valoriser le « produit de la Recherche ». Il est le premier institut de ce type installé en France et le seul centre au monde présentant un champ d’action aussi vaste : recherche fondamentale, formation universitaire, formation continue, prévention, prédiction, applications cliniques, valorisation industrielle et promotion d’actions de santé publique.
Le Pr PATTOU y dirige aujourd’hui l’unité « Recherche translationnelle sur le diabète », unité mixte de recherche de l’Université de Lille, de l’Inserm, du CHU de Lille et de l’institut Pasteur de Lille. Il est l’auteur ou co-auteur de plusieurs brevets et lauréat de plusieurs prix prestigieux tels que le Grand Prix de l’Académie de médecine en 2007, le Prix Matmut de l’Innovation Médicale 2012, Trophées de la Fondation de l’Avenir, ou encore le Prix de la Fondation Victor et Ermina Mescle FRM en 2021.
Le laboratoire de Recherche Translationnelle sur le Diabète
Initialement labellisée par l’INSERM comme ERIT-M en 2000, l’équipe du Pr PATTOU est devenue UNIT-M en 2005, puis U859 en 2009 et UMR – 1190 en 2015. En 2009, elle a rejoint les équipes des Professeurs Philippe FROGUEL et Bart STAELS pour former la Fédération de recherche de l’institut Européen de Génomique pour le Diabète (EGID).
La stratégie de recherche du laboratoire repose sur la réunion, au sein d’une même équipe, de chercheurs cliniciens, de chirurgiens endocriniens et de diabétologues, associés à un vétérinaire et des biologistes, pour faire passer la recherche du laboratoire au chevet du patient. Cette typologie originale est apparue particulièrement adaptée à la recherche translationnelle sur le diabète, et a permis de transposer avec succès et de manière répétée dans les cliniques des stratégies précédemment développées en laboratoire et validées dans le modèle animal. Les études cliniques font en outre souvent appel à des techniques invasives, qui offrent de nombreuses possibilités d’accéder, dans le strict respect des exigences réglementaires, à de précieux échantillons biologiques humains, comme les îlots pancréatiques ou d’autres tissus métaboliques. Ainsi, le Pr PATTY et son équipe ont développé des études expérimentales et mécanistiques basées sur des îlots humains et des modèles animaux.
Le laboratoire de recherche du Pr PATTOU est situé sur le campus du CHU de Lille, dans le Pôle Recherche de la Faculté de Médecine rattachée à l’UFR3S (Unité de formation et de recherche des Sciences de santé et du sport) ; il intègre notamment une plateforme de Biothérapie pour la production d’îlots humains, une animalerie (rongeurs et miniporcs) et la plateforme industrie-universitaire DiabInnov. Toutes les études cliniques sont menées à l’Hôpital Huriez, basé à proximité du laboratoire.
Madame Claude CHIRAC et Madame Line RENAUD lors de la remise du Prix de Fonds de dotation Line Renaud – Loulou Gasté au Professeur François PATTOU et son équipe lilloise EGID
Crédit photo : ©Jean - François GUYOT
Le Prix du Fonds de dotation Line Renaud – Loulou Gasté
« Depuis toujours, mon respect et mon admiration sont sans limite pour les chercheurs ; je trouve injuste qu'ils ne soient pas plus souvent mis en lumière et récompensés car ce sont les gardiens de nos vies. J'ai alors décidé de créer le fonds de dotation Line Renaud - Loulou Gasté pour contribuer à mettre en valeur les avancées de nos scientifiques. J'y consacrerai tout mon cœur », déclare Line RENAUD lors du lancement, il y a quatre ans, du Prix du Fonds de dotation Line Renaud – Loulou Gasté.
Ainsi, depuis 2019, le Prix du Fonds de dotation Line Renaud – Loulou Gasté récompense chaque année une avancée scientifique majeure, tous domaines confondus : cancérologie, cardiologie, immunologie, neurologie… Décerné à une personnalité scientifique exerçant en France dans un laboratoire de recherche publique, il est accompagné d’une dotation financière de 60 000 euros au chercheur désigné et à son équipe. L’identification des lauréats est confiée, depuis la création du Prix, à la Fondation pour la Recherche Médicale.
En 2019, Guillaume CANAUD est le premier à recevoir ce prix, pour ses travaux sur une maladie génétique orpheline appelée syndrome de Cloves. En 2020, Morgane BOMSEL a été récompensée pour ses recherches sur les virus du VIH et du SARS-CoV-2, puis en 2021, la Pr Hélène ELTCHANINOFF, pour ses travaux sur le rétrécissement aortique et la maladie des valves cardiaques.
C’est enfin, en 2022, l’équipe lilloise EGID dirigée par le Professeur François PATTOU qui a été mise à l’honneur pour sa contribution au développement clinique de la thérapie cellulaire du diabète de type 1.
Pour en savoir plus :
https://egid.fr/
https://translational-research-diabetes.com/
https://www.frm.org/nos-publications/actualites/prix-line-renaud-2022
S. DENIS