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Prix Jeunes Talents France 2023 L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science : 35 jeunes chercheuses d’exception primées !


Combien de jeunes filles se sentent encore illégitimes ou manquent de confiance en elles pour oser se lancer dans les filières et métiers scientifiques ? Lever les obstacles - dont certains présents dès l’enfance du fait des multiples constructions sociales et stéréotypes - et créer dès le plus jeune âge les conditions qui leur permettront d’exprimer leur plein potentiel et de s’engager dans les sciences devient donc une nécessité pressante, qui passe notamment par la valorisation de role models au féminin.

C’est dans ce but que la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’Académie des sciences et la Commission nationale française pour l’UNESCO, a décerné cette année encore le Prix Jeunes Talents Pour les Femmes et la Science France 2023. 35 jeunes chercheuses ont été récompensées…

Le monde a besoin de la science, la science a besoin des femmes

Aujourd’hui en France, les femmes sont encore trop peu présentes dans la recherche scientifique : elles ne représentent que 29% des chercheurs [Rapport MESRI, 2023], contre 33,3% au niveau mondial [Rapport de l’UNESCO sur la science : une course contre la montre pour un meilleur développement, 2021] . Elles rencontrent en outre des difficultés à poursuivre leur carrière scientifique et accéder à la reconnaissance qu’elles méritent. En Europe par exemple, seulement un quart des hautes fonctions académiques [She Figures 2021] sont occupées par des femmes, et moins de 4 % des prix Nobel scientifiques ont été décernés à des femmes dans le monde.

Les avancées et les découvertes scientifiques contribuent à nous rendre plus résilients, plus adaptés et plus créatifs. Pour y parvenir, la science a besoin de toutes les contributions. La mobilisation de l’ensemble des talents scientifiques n’a jamais été aussi vitale. Exclure ou minimiser le rôle des femmes en sciences freine d’emblée notre capacité à remporter la bataille.

Des chercheuses brillantes et engagées

Pour la 17ème édition du Prix Jeunes Talents France, la Fondation L’Oréal et ses partenaires réaffirment leur engagement aux côtés des femmes scientifiques, afin de les accompagner, les rendre visibles et soutenir leurs recherches. Cette année, 20 doctorantes et 15 post-doctorantes ont été sélectionnées en France, parmi 618 candidatures éligibles. 32 chercheurs de l’Académie des sciences composaient le Jury d’excellence, présidé par le Professeur Patrick FLANDRIN, Directeur de recherche au CNRS et Président sortant de l’Académie des sciences en France, et co-présidé par la Professeure Odile EISENSTEIN, Directrice de recherche émérite au CNRS, et le Professeur Alain FISCHER, Professeur émérite au Collège de France et Président de l’Académie des sciences.

Six grandes thématiques de recherche étaient à l’honneur : 1. Physique, astronomie et biochimie – 2. Biodiversité, écologie et changement climatique – 3. Espace, vie extraterrestre, physique quantique – 4. IA, sécurité des données et big data – 4. Mutations génétiques, cancers et maladies chroniques – 6. Santé mentale et infantile.

Ces scientifiques prometteuses se voient attribuer une dotation de 15 000 € pour les doctorantes et de 20 000 € pour les post-doctorantes, qui les aidera à poursuivre leurs travaux de recherche. Elles vont également bénéficier de formations au leadership (notamment en développement personnel, négociation, communication et prise de parole en public), visant à leur donner des moyens supplémentaires pour affronter le « plafond de verre » et mieux valoriser leurs recherches scientifiques. Exerçant en France métropolitaine et des régions d’Outre-mer, ces chercheuses souhaitent partager et transmettre leur passion pour la science, afin d’inspirer les scientifiques de demain. Nous vous proposons de découvrir le parcours de cinq d’entre elles, doctorantes et post-doctorantes qui allient recherche, pratique médicale et/ou enseignement, passionnées par l’envie non seulement de soigner, mais aussi de comprendre physiquement les mécanismes du corps humain…

Portrait de cinq jeunes chercheuses, lauréates 2023

→ Louise DENIS - Des échographies innovantes pour améliorer la prise en charge des AVC
Doctorante – Laboratoire d’imagerie biomédicale, Sorbonne Université, CNRS (UMR 7371), INSERM (U1146)

Après un semestre de médecine, Louise DENIS se rend compte qu’elle souhaite comprendre physiquement les mécanismes du corps humain et se réoriente vers une école d’ingénieurs. Elle se spécialise alors sur l’imagerie médicale pour plonger dans les rouages du vivant. Sa thèse, au sein du Laboratoire d’Imagerie Biomédicale de Sorbonne Université, porte sur l’échographie super-résolue, une technique qui utilise des microbulles de gaz injectées par voie intraveineuse dans le sang pour cartographier le réseau microvasculaire.

Son moteur au quotidien ? « Faire connaître cette technique au monde hospitalier pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès à l’échographie super-résolue. »

Quels sont les enjeux à court et à long termes de vos recherches et leurs applications ? « L’échographie super-résolue permet l’imagerie de micro-vaisseaux du corps humain. Elle peut être utilisée pour identifier les différents types d’AVC (Accidents Vasculaires Cérébraux). De plus, étant portable, elle pourrait être réalisée directement dans l’ambulance. La prise en charge des traitements serait accélérée, un enjeu majeur dans le cas d’AVC où 2 millions de neurones meurent chaque minute. Une autre application possible est le diagnostic précoce des tumeurs permettant un traitement anticipé. »

Pourquoi avez-vous choisi une carrière scientifique ? « Mon choix de carrière scientifique s’est fait naturellement. J’ai toujours eu un intérêt pour les matières scientifiques et le besoin de comprendre le monde qui m’entoure. Je suis issue d’une famille majoritairement composée de scientifiques et de professeurs. La volonté de transmettre ce savoir et me rendre utile sont des valeurs qui m’ont été inculquées très tôt. »

Dans votre parcours, avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme ? « Il m’arrive assez régulièrement d’être victime de « mansplaining », que cela soit en laboratoire ou en conférence, quand des hommes me réexpliquent ce que je connais déjà. La plus grande difficulté reste cependant l’auto-censure liée à l’accumulation de remarques et de comportements inadéquats. On finit par perdre confiance en soi, ce qui crée une lutte intérieure constante. Je dois régulièrement me convaincre moi-même que je suis capable. J’ai vu décroître le nombre de mes camarades féminines au fur et à mesure de mes études. Il est assez difficile de trouver sa place dans un milieu majoritairement masculin. »

Louise DENIS
Louise DENIS 
Crédit photo : Clémence Losfeld

→ Clémence PREVOST - Améliorer la pertinence de l’imagerie médicale grâce au traitement numérique
Post-doctorante – Université de Lille, CNRS, Centrale Lille, MR 9189 CRIStAL (Centre de Recherche en Informatique, Signal et Automatique de Lille)

Prendre soin de soi et des autres, c’est peut-être ce qui caractérise le mieux le parcours de Clémence PREVOST. Après des études d’ingénieur, alors qu’elle hésite sur la voie à suivre et doit surmonter des problèmes de santé, elle est encouragée par la confiance de ses encadrants lors d’un stage et décide de mener une thèse sur l’amélioration des images satellites. Aujourd’hui en post-doctorat au laboratoire CRIStAL à Lille, elle se spécialise sur les images médicales comme les IRM pour améliorer la prise en charge des patients.

Quels sont les enjeux à court et à long termes de vos recherches et leurs applications ? « Qu’elles viennent de satellites ou d’appareils médicaux comme les IRM, de très nombreuses images ont besoin d’être retraitées grâce à des modèles mathématiques pour être mieux utilisées. Dans le cas des IRM, qui dure de 15 minutes à une heure, le patient est censé être immobile, ce qui est impossible car même le mouvement dû à la respiration peut altérer les images. En fusionnant plusieurs IRM de mauvaise qualité, je réduis le temps d’acquisition nécessaire à quelques minutes. De quoi améliorer la lecture des images par les médecins… et le confort des patients ! »

Pourquoi avez-vous choisi une carrière scientifique ? « Depuis l’enfance, j’étais passionnée par la science. Cependant, pendant mes études, j’ai aussi dû surmonter un manque de confiance en moi. J’ai même failli abandonner juste avant la thèse ! Le soutien de mon entourage professionnel a alors été crucial. C’est surement la raison pour laquelle je suis aujourd’hui très engagée dans la transmission. »

Que peuvent apporter les femmes dans la science ? « En sciences, et en particulier en sciences du numérique, les femmes sont souvent faiblement représentées, ce qui nourrît une tendance à l’autocensure. Dans certains cas, les remarques sexistes et le harcèlement mettent fortement en péril la santé des femmes au travail. Avec une meilleure représentation, nous obtiendrons de meilleures conditions de travail nous permettant de nous accomplir pleinement. »

Clémence PREVOST
Clémence PREVOST
Crédit photo : Clémence Losfeld

→ Fanny CHASSELOUP - Comprendre les mécanismes derrière les tumeurs endocriniennes rares pour améliorer leur prise en charge et leur traitement
Post-doctorante - Université Paris Saclay, INSERM, « Physiologie et Physiopathologie Endocriniennes » Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, Hôpital Bicêtre, Service d’endocrinologie et des maladies de la reproduction

Lors de ses études de médecine, Fanny CHASSELOUP prend conscience que soigner les patients ne lui suffit pas. Elle veut aussi comprendre les mécanismes profonds de leur maladie. Elle décide donc de faire de la recherche en endocrinologie en plus de ses études de médecine. Aujourd’hui cheffe de clinique universitaire – assistante hospitalière à l’hôpital Bicêtre, elle consacre 50 % de son temps à l’enseignement et à l’étude des maladies endocriniennes, au sein de la faculté de médecine et de l’unité INSERM « Physiologie et Physiopathologie Endocriniennes ».

Quels sont les enjeux à court et à long termes de vos recherches et leurs applications ? « Mes travaux de recherche ont pour objectif de comprendre les mécanismes à l’origine de certaines tumeurs endocriniennes rares (responsables, par exemple, du syndrome de Cushing) et pour lesquelles la prise en charge est encore difficile. Mieux les comprendre ouvre la voie à un dépistage plus précoce et à de nouveaux traitements. À plus long terme, ces connaissances pourront servir à comprendre et traiter d’autres pathologies. »

Pourquoi avez-vous choisi une carrière scientifique ? « J’ai toujours été attirée par les sciences humaines et médicales, ce qui m’a poussé à poursuivre des études de médecine. La conviction que notre compréhension des maladies endocriniennes permet d’améliorer leur dépistage, leur diagnostic et leur prise en charge m’a ensuite décidée à poursuivre un parcours scientifique en parallèle de ma formation médicale. »

Dans votre parcours avez-vous eu des difficultés en tant que femme ? « J’ai observé que les opportunités qui étaient spontanément offertes à des hommes, de niveau apparemment équivalent, ne m’étaient finalement proposées qu’après une demande active de ma part. C’est ce genre de différences qui favorisent les écarts entre hommes et femmes, et contribuent au plafond de verre. Il m’a fallu beaucoup de pugnacité pour lutter contre ces écarts. »

Fanny CHASSELOUP
Fanny CHASSELOUP
Crédit photo : Clémence Losfeld

→ Lucie BERKOVITCH - Utiliser des psychédéliques pour traiter des troubles psychiatriques
Post-doctorante – Service hospitalo-universitaire, pôle hospitalo-universitaire psychiatrie Paris 15, Groupe Hospitalier universitaire Paris – psychiatre et neurosciences Université Paris-Cité Unicog (Cognitcie Neuroimaging Unit), CEA, Inserm, Neurospin Center, Université Paris-Saclay, Department of psychiatry, Yale University School of Medicine

Psychiatre et chercheuse en neurosciences cognitives, Lucie BERKOVITCH allie pratique médicale et recherche. Après une thèse au sein du centre NeuroSpin au sein du CEA Paris-Saclay sur la compréhension des mécanismes de la conscience et ses anomalies dans la schizophrénie grâce à l’imagerie cérébrale, elle devient cheffe de clinique à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, spécialisée dans la prise en charge des troubles psychiatriques résistants. Elle est désormais en post-doctorat à l’université de Yale, où elle mène des recherches sur l’utilisation de la kétamine et des psychédéliques à des fins thérapeutiques – avant de prochainement retrouver l’hôpital Sainte-Anne.

Quels sont les enjeux à court et à long termes de vos recherches et leurs applications ? « L’objectif de ma recherche est de développer des essais cliniques en France sur l’efficacité des psychédéliques pour traiter divers troubles psychiatriques, y compris des troubles résistants comme la dépression. Près d’une personne sur cinq présente un épisode dépressif au cours de sa vie, et 30% de ces épisodes ne répondent pas aux traitements habituels. Ces molécules ont le potentiel d’aider des personnes en situation d’impasse thérapeutique. Elles peuvent aussi nous permettre de mieux comprendre le fonctionnement du cerveau. »

Pourquoi avez-vous choisi une carrière scientifique ? « J’ai voulu devenir psychiatre vers l’âge de 11-12 ans quand j’ai découvert ce métier. J’étais fascinée par la diversité des expériences et des ressentis possibles, et trouvais incroyable qu’il existe un travail consistant à aider des personnes en difficulté par la parole. La recherche est devenue une évidence quand j’ai appris qu’il était possible d’utiliser la science pour mieux comprendre le psychisme et que j’ai constaté, à travers mon exercice médical, qu’il y avait un fort besoin d’innovation pour améliorer la prise en charge des patients. »

Quel serait le levier pour favoriser la présence de femmes dans la science ? « Comme beaucoup d’autres femmes, j’ai été ponctuellement confrontée à des remarques sexistes et à des préjugés pendant mes études de médecine. C’était vraiment moins présent dans le monde de la recherche, bien qu’il y ait moins de femmes dans ce milieu. »


Lucie BERKOVITCH
Crédit photo : Clémence Losfeld

→ Mathilde RUGGIU - Améliorer le traitement des cancers du sang
Doctorante – Laboratoire Dynamiques des Réponses Immunes, INSERM U1223, Institut Pasteur, Université Paris Cité, Financement par la Bourse « Formation à la recherche fondamentale et translationnelle en cancérologie », ITMO Cancer AVIESAN / Inserm / Cancer 2020

Mathilde RUGGIU mène de front médecine et recherche. Un double parcours motivé par sa volonté de conjuguer la pratique médicale et la compréhension des mécanismes biologiques qui la sous-tendent. Spécialisée en hématologie clinique (la prise en charge des patients atteints de cancers du sang), elle a rejoint le Laboratoire « Dynamiques des Réponses Immunes » pour mener une thèse en Immunologie. Elle s’intéresse au mode d’action des médicaments qui permettent au système immunitaire de lutter contre le cancer.

Quels sont les enjeux à court et à long termes de vos recherches et leurs applications ? « J’étudie le fonctionnement de médicaments (les anticorps monoclonaux anti-PD-1) qui ont pour but de « réveiller » le système immunitaire afin qu’il puisse mieux lutter contre le cancer. Mes recherches doivent permettre de déterminer si ces médicaments agissent aussi à l’extérieur de la tumeur, en particulier sur le ganglion lymphatique drainant, un élément clé de la réponse immunitaire du corps contre les cellules cancéreuses. À long terme, l’objectif est d’identifier de nouvelles cibles cellulaires et moléculaires de ces anticorps pour ouvrir la voie à des thérapies innovantes. »

Pourquoi avez-vous choisi une carrière scientifique ? « Deux de mes grands-parents étaient médecins et j’étais fascinée par leur métier et impressionnée par leur dévouement pour leurs patients. Faire des études de médecine m’est apparu comme une évidence. Ensuite, en fin de deuxième année de médecine, j’ai été reçue à l’École Normale Supérieure – Paris Sciences et Lettres où j’ai bénéficié d’une incroyable initiation à la recherche en biologie et où j’ai découvert des disciplines comme l’histoire et la philosophie des sciences. Me spécialiser en hématologie clinique m’a permis de faire le lien entre recherche et médecine. »

Que peuvent apporter les femmes dans la science ? « Concilier vie professionnelle et vie familiale n’est pas toujours facile – et il me semble que les femmes en sont plus conscientes que les hommes. Une meilleure représentativité des femmes pourrait permettre une prise de conscience globale de ces enjeux et peut-être des changements de pratique. »

Mathilde RUGGIU
Mathilde RUGGIU
Crédit photo : Clémence Losfeld

Les programmes nationaux et régionaux Jeunes Talents Pour les Femmes et la Science de la Fondation L’Oréal, en partenariat avec l’UNESCO, permettent de remettre chaque année près de 250 dotations dans plus de 110 pays. Ces prix apportent aux Jeunes Talents un soutien spécifique à un moment charnière de leur carrière scientifique…

Pour en savoir plus :
Suivez la Fondation L’Oréal sur Twitter @4WomeninScience #FWIS #FondationLoreal
www.fondationloreal.com/fr

Retrouvez également le portrait de quatre autres jeunes chercheuses, lauréates du Prix Jeunes Talents France 2023 L’Oréal-UNESCO Pour les Femmes et la Science, dans La Gazette du Laboratoire...

S. D.

 

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