Maladies Rares Neurologiques et Thérapies Innovantes, une révolution en marche
Depuis 2004, 3 plans nationaux maladies rares (PNMR) successifs ont été lancés. Ils ont permis de conforter le leadership français dans la lutte contre les maladies rares, notamment par la création des 23 filières de santé maladies rares (FSMR) coordonnant 387 Centres de Référence Maladies Rares (CRMR) et 1 800 centres de compétence maladies rares (CCMR) pour un suivi global et au plus proche des personnes malades. La France est donc dotée aujourd’hui d’une organisation structurée capable de faire bénéficier à tous les patients atteints de maladies rares des mêmes avancées, que ce soit au niveau de la recherche, de la prise en charge, du diagnostic ou du traitement.
Quelques mots sur les maladies rares
Une maladie rare peut être identifiée à travers le nombre de personnes affectées. En effet, si l’on se fie au seuil fixé en Europe, pour être classée « rare », la maladie ne doit impliquer qu’un individu sur 2000 par rapport à l’ensemble de la population. Jusqu’à présent, environ 6000 maladies rares ont été répertoriées. Une des spécificités des maladies rares réside dans le fait que la plupart d’entre elles sont d’origine génétique et n’ont pas de traitement curatif.
Aujourd’hui l’activité de prise en charge des patients maladies rares se concentre au sein de Centres de Référence Maladies Rares (CRMR). Les CRMR sont organisés autour d’équipes hospitalières pluridisciplinaires et spécialisées dans les maladies rares. Pour pouvoir apporter des avancées significatives, cette équipe doit disposer d’une expertise éprouvée en matière de prise en charge, de formation, de recherche et de soins. L’objectif principal de ces centres est avant tout d’assurer l’équité par rapport à la prise en charge, le diagnostic et le traitement. Les CRMR ont 5 missions qui leur sont assignées : coordination des structures qu’ils rassemblent, expertise (réunions collégiales, rédaction de recommandations), mission de recours (le CRMR intervient au-delà de son bassin de santé via son réseau de centres de compétence, et garantit une prise en charge médicale multidisciplinaire, diagnostique et de suivi), missions de recherche (fondamentale, clinique ou de transfert), et enfin mission de formation et d’enseignement.
Depuis 2014, de nouvelles structures sont venues renforcer cette organisation et optimiser leur coordination : 23 Filières de Santé Maladies Rares (FSMR). Une FSMR est une organisation assurant la coordination de l’ensemble des acteurs concernés par une maladie ou un groupe de maladies rares. Les FSMR sont constituées de CRMR et CCMR associés, d’associations de patients, de laboratoires de recherche et de diagnostic, de partenaires sociaux et médico-sociaux, en lien avec toute organisation impliquée dans le parcours de vie des patients, telles que : les établissements de santé, les structures sociales et médico-sociales, les acteurs de la plateforme maladies rares, les agences nationales de santé, les ministères et autres pilotes de plans de santé nationaux, les universités, et tout partenaire ou institution concernés. Les filières ont pour mission première d’améliorer la prise en charge des malades, tout en assurant lisibilité et accessibilité à l’organisation mise en place. Ensuite, elles assurent la promotion de la recherche clinique, translationnelle et organisationnelle grâce à leur réseau de professionnels associés. Enfin, les FSMR impulsent des programmes d’enseignement et travaillent de manière à ce que les acteurs accèdent à des informations pertinentes et adaptées à leur champ de pathologies. Aujourd’hui reconnues comme un acteur clé de la mise en œuvre du 3ème plan maladies rares, les filières de santé occupent une place centrale dans la coordination d’une grande partie de ses axes.
Zoom sur la filière BRAIN-TEAM
Parmi les 23 filières, 4 fédèrent les CRMR qui prennent en charge les maladies neurologiques, dont 3 filières sont exclusivement neurologiques : FILNEMUS (maladies neuromusculaires), FILSLAN (SLA et maladies du neurone moteur) et BRAIN-TEAM (maladies rares du système nerveux central); la filière FAVA-Multi prend quant à elle en charge les maladies vasculaires et à ce titre les malformations artério-veineuses rares du cerveau et de la moelle.
Depuis mai 2015, la filière BRAIN-TEAM coordonne les actions des Centres de Référence prenant en charge les maladies rares à expression motrice ou cognitive du système nerveux central. Ces dernières années, le champ des pathologies s’est ouvert, et la filière couvre aujourd’hui des groupes d’atteintes neurologiques vasculaires, inflammatoires, auto-immunes ainsi que les troubles rares du sommeil. La Filière de Santé Maladies Rares BRAIN-TEAM réunit ainsi un ensemble de 500 maladies rares neurologiques ayant pour dénominateur commun une atteinte du système nerveux central. Ces pathologies peuvent être à expression motrice ou cognitive, familiale ou sporadique avec un spectre d’atteinte très large chez le patient puisqu’elles peuvent survenir à tout âge de la vie.
La prise en charge des maladies de la filière BRAIN-TEAM s’organise en réseau autour de 30 Centres de Référence Maladies Rares appuyés par 142 centres de compétences adultes et enfants répartis en métropole et en outre-mer. Associés à des laboratoires de diagnostic et de recherche, ce ne sont pas moins de 300 partenaires qui travaillent de concert pour faire avancer la prise en charge et la recherche sur les maladies rares neurologiques.
La Thérapie génique : une révolution médicale
Parce que la pharmacologie classique n’offrait aucune perspective aux maladies génétiques rares longtemps considérées comme incurables, l’alternative thérapeutique majeure dans ces maladies reste le challenge de la correction du génome. Les 1ères cartographies de génome publiées dès les années 90, puis la carte du génome humain à l’aube des années 2000, ont ouvert des perspectives incroyables et permis aux chercheurs de relever le challenge technologique de la thérapie génique. Suscitant beaucoup de réserves il y a trente ans, la thérapie génique connaît aujourd’hui une "explosion" : dix produits mis sur le marché en cinq ans par le Généthon, et une trentaine de médicaments en phase 3, soit l’ultime phase de développement clinique avant la mise sur le marché. Aujourd’hui, sept produits en essai clinique sont issus en partie des travaux du Généthon et un premier médicament a été mis l’an passé sur le marché.
Les premiers résultats de la thérapie génique ont été obtenus pour des maladies génétiques rares du sang (immunodéficiences, β-thalassémie…) et du cerveau (adrénoleucodystrophie). Le Pr Odile Boespflug-Tanguy, partenaire BRAIN-TEAM (coordinatrice du CRMR Leucodystrophies et Leucoencéphalopathies rares), directrice d’I-Motion (plateforme d’essais cliniques pédiatriques pour les maladies neuromusculaires), et Présidente du conseil scientifique de l’AFM-Téléthon, souligne : « C’est extraordinaire d’aller atteindre en une seule injection ces cellules qui étaient en train de mourir. C’est une révolution. »
Parmi les travaux et avancées récentes de 3 équipes de recherche du réseau :
Développement d’une thérapie génique de l’atrophie optique dominante par trans-épissage du gène OPA1
L’Atrophie Optique Dominante (AOD) est la neuropathie optique héréditaire la plus fréquente avec une prévalence estimée à 1/25 000 individus, donc affectant quelques 3000 personnes en France. Elle se caractérise par une perte de vision centrale (scotome) et un trouble de perception des couleurs (dyschromatopsie).
A Angers, l’équipe de MitoLab (UMR CNRS 6015-INSERM 1083, MitoVasc Institute, Université d’Angers) se mobilise pour faire avancer la recherche sur l’AOD. Sous la direction du Dr Guy Lenaers et du Pr Christophe Verny (coordinateur de la filière BRAIN-TEAM), l’équipe de recherche a découvert il y a 20 ans que cette cécité neurosensorielle est due à 80% à des mutations du gène OPA1, (plus de 400 mutations répertoriées actuellement) codant une protéine mitochondriale jouant un rôle clé dans la plasticité mitochondriale (fusion versus fission), la stabilité des crêtes mitochondriales où siège la chaîne respiratoire, la prévention de l’apoptose et le maintien de l’intégrité du génome mitochondrial. D’un déficit en OPA1 advient une dysfonction mitochondriale engendrant une dégénérescence progressive des cellules ganglionnaires de la rétine (CGR) et une atrophie des axones formant le nerf optique.
Aucune thérapie n’est actuellement disponible pour l’AOD.
La thérapie génique conventionnelle par vectorisation d’un cDNA codant la protéine mutée est entravée dans le cas d’OPA1 par :
- l’existence de 8 variants d’épissage d’OPA1, tous fonctionnellement importants,
- le besoin d’une expression normalisée d’OPA1, l’haplo-insuffisance en OPA1 étant causal de la maladie, et la surexpression d’OPA1 plus toxique que son haplo-insuffisance,
- l’existence de mutations dominantes négatives dans OPA1, souvent responsables d’un tableau clinique syndromique.
Ces exigences contraignent de ce fait l’approche par thérapie génique, et seule la reprogrammation des transcrits par trans-épissage (SMaRT™) semble appropriée pour répondre à ces contraintes en contrôlant spatialement, temporellement et quantitativement l’expression d’OPA1.
Ce projet consiste en la mise en œuvre et la validation thérapeutique de cette approche de trans-épissage d’OPA1.
En effet cette technique moléculaire s’appuie sur les faits que :
- il permet de convertir un ARN muté en un ARN normal et fonctionne ;
- Le trans-épissage existe naturellement dans les cellules ;
- il utilise la machinerie d'épissage endogène de la cellule ;
- il n’induit pas de modification du génome : il est non-intégratif, épisomal ;
- il permet de réduire la taille du transgène correctif qui ne contient qu’une partie de l’ADNc ;
- il a lieu uniquement dans les cellules où l’ARN pré-messager endogène muté est exprimé ;
- il maintient la régulation endogène de l’expression génique et l’abondance de chaque isoformes car l’expression de l’ARNm réparé reste sous le contrôle endogène de la cellule, et dans notre cas la correction s’effectuera en aval des exons alternativement épissés ;
- l’expression ectopique est spatialement, temporellement et quantitativement contrôlée, de ce fait il n’y a pas de surexpression protéique donc aucune toxicité ;
- il permet de corriger les transcrits de gènes mutés induisant des maladies héréditaires en annihilant l’expression d’allèles dominants négatifs ou récessifs ;
- il permet de cibler de nombreuses pathologies : la majorité des gènes humains contenant des introns en font autant de cibles potentielles de trans-épissage ;
- il permet de cibler 90% des mutations répertoriées au sein d’OPA1.
Les travaux, conduits par le Dr Yannick LeDantec (post-doctorant) ont permis d’obtenir la preuve de concept in vitro de la faisabilité du trans-épissage de l’ARN d’OPA1, chez l’humain et chez la souris, en utilisant une approche de minigène rapporteur de fluorescence. A l’heure actuelle, la validation in vitro de l’approche moléculaire sur des lignées primaires fibroblastiques issues de biopsies de patients atteints d’atrophie optique dominante est en cours. S’en suivra une validation sur la souris Opa1+/- générée au laboratoire, avant d’envisager un essai clinique chez les patients recrutés au sein des CRMR.
Cette approche de trans-épissage ouvre la perspective de développement de son application à large spectre pour la thérapie génique, élargissant le champ des possibles de l’outil de thérapie génique SMaRT à d’autres gènes incriminés dans des pathologies héréditaires du nerf optique à transmission dominante ou récessive (WFS1, ACO2, etc.) et pour d’autres pathologies, pour lesquelles la stratégie classique de thérapie génique par supplémentation ne peut être envisagée. Dans ce sens, seront poursuivies à l’issue de ce projet le développement d’autres thérapies géniques visant les gènes WFS1 et ACO2, respectivement numéros deux et trois pour les atteintes héréditaires du nerf optique.
Thérapie génique pour la maladie de Huntington, une révolution… en marche
La maladie de Huntington (MH) est une maladie neurodégénérative rare du système nerveux central caractérisée par des mouvements involontaires choréiques, des troubles comportementaux, des troubles psychiatriques et une démence. Cette maladie génétique rare évolutive, de transmission autosomique dominante, affecte entre 6000 et 8000 patients en France.
Les fonctions psychomotrices évoluent toujours vers une détérioration sévère associée à un déclin cognitif. Les symptômes psychiatriques sont très fréquents au début de la maladie et précèdent souvent les symptômes moteurs. Comme pour nombre de maladies rares, il n'y a pas de traitement curatif à ce jour, seulement symptomatique permettant d'améliorer la qualité de vie, ceci grâce à une prise en charge pluridisciplinaire adaptée.
Néanmoins, des avancées importantes ont été faites récemment grâce aux équipes de recherche mobilisées, et des perspectives encourageantes sont là, liées aux expérimentations de thérapie génique et cellulaire.
Ainsi, la prise en charge thérapeutique de la maladie de Huntington connaît aujourd’hui un tournant sans précédent. Depuis la découverte du gène en 1993, une première étape a été franchie, qui a démontré l’utilité de la prise en charge en tentant de rayer du vocabulaire le mot « inexorable » de la description de l’évolution, qui ne correspond plus ni à la réalité, ni aux connaissances des équipes soignantes. Mais, à ce jour, les traitements visant à ralentir l’évolution de la maladie et pas seulement à contrôler les symptômes, n’ont jamais démontré leur efficacité. Les greffes de neurones avaient constitué l’essai le plus prometteur dans les années 2000. Depuis 2007, on sait qu’il va falloir régler les problèmes de rejet de greffes avant d’envisager de nouvelles études. Pourtant, dans ce panorama qui pourrait paraître sombre, une révolution est en marche : la thérapie génique.
La maladie de Huntington est liée à la présence d’un nombre anormal de répétitions de protéines Cytosine Adénosine Guanine (CAG) du gène de la Huntingtine, la protéine dont la mutation serait à l’origine de la maladie. Nous portons tous deux allèles d’un même gène, celui transmis par notre mère et celui transmis par notre père. Lorsque les deux allèles du gène de la Huntingtine comportent moins de 36 CAG, seule la Huntingtine non mutée (ou sauvage) est secrétée. Elle est utile au développement de notre cerveau et à de nombreuses fonctions cellulaires. Il suffit que l’un des deux allèles du gène dépasse le nombre de 36 CAG, et la Huntingtine mutée sera secrétée avec une toxicité conduisant à la maladie de Huntington. La thérapie génique a aujourd’hui pour objectif de limiter la fabrication de la Huntingtine mutée. Plus tard, on peut espérer qu’avec l’utilisation de CRISPr-Calpain, on pourra découper le fragment trop long du gène muté pour le transformer en un gène non muté mais, nous n’en sommes pas encore là…
Récemment, deux études ont commencé dans le monde : l’étude GENERATION HD1 (Roche ; ClinicalTrials.gov (NCT03761849)) et PRECISION-HD1 et HD2 (Wave). Sept autres suivent à plus ou moins longue échéance.
GENERATION HD1 est une étude de phase III qui a pour but de vérifier l’absence de dangerosité et l'efficacité du RG6042 (un oligonuclétotide antisens) pour réduire le taux de huntingtine mutée. Pour s’exprimer, le gène (ADN), enfermé dans le noyau, a besoin d’un messager (l’ARNm) pour prévenir les ribosomes qu’ils doivent fabriquer de la Huntingtine. Les ribosomes sont les usines à fabrication de protéines situées hors du noyau, dans le cytoplasme de la cellule. Le RG6042 s’apparie à l’ARN messager, pour l’empêcher de prévenir les ribosomes et déclencher ainsi la fabrication de Huntingtine. L’étude débutée en 2019 a permis d’inclure 791 patients entre 25 et 65 ans à des stades précoces de la maladie, répartis sur ~ 100 sites dans ~ 19 pays. Le CRMR-Maladie de Huntington, partenaire BRAIN-TEAM, et coordonné par l’équipe du Pr Anne-Catherine Bachoud-Lévi (chef de service de neurologie, Henri Mondor à Créteil et directrice du laboratoire de Neuropsychologie Interventionnelle, INSERM U955 E01, Institut Mondor de Recherche Biomédicale de Créteil et Ecole Normale Supérieure, Paris) coordonne l’étude pour la France ; Y participent les centres de Angers, Lille, Marseille, Montpellier, Paris, et Toulouse. Tous les patients participant à l’étude bénéficient de la possibilité de l’injection du produit jusqu’à sa commercialisation si l’essai s’avère positif et non dangereux dans le cadre de l’étude GEN-EXTEND. Des tests sont réalisés tous les mois ou deux mois à l’hôpital, tous les jours à la maison par smartphone et un suivi par smartwatch, plus des appels les mois où il n’y a pas de visites à l’hôpital ni d’examens d’imagerie et de biologie. Au 22 mars 2021, ce programme de thérapie génique, le plus avancé à l’heure actuelle pour la maladie de Huntington, et après une inclusion de presque 60 patients français répartis sur 7 centres, a été suspendu : l’étude elle-même reste en cours, mais les injections de RG6042 sont suspendues. Cela fait suite à une recommandation émise par un comité indépendant de contrôle des données (iDMC) qui a recommandé d'arrêter définitivement l'administration aux participants des groupes RG6042 et placebo, suite aux résultats d'un examen des données de l'étude de phase III, sur la base du profil bénéfice/risque potentiel du traitement expérimental pour les participants à l'étude. Il est important de noter que la recommandation n'est pas fondée sur un problème de sécurité d’emploi, mais sur une évaluation générale des bénéfices/risques des bras de traitement par rapport au bras placebo au fil du temps. Les études restent en cours (sans administration supplémentaire du traitement) et il est prévu que les participants à l'étude soient suivis par leur médecin pour la sécurité d’emploi et les résultats cliniques.
L’étude Wave part du même principe scientifique, mais est plus spécifique, car elle ajoute la contrainte de porter un certain Single Nucleotid Polymorphism (SNP ou protéine issue de l’évolution sur l’allèle muté présent seulement chez 60 % de la population) et permet de cibler chez les patients, la Huntingtine mutée spécifiquement. Il s’agit là d’une phase de faisabilité et de toxicité incluant 48 patients pour chacun des 2 SNPs sélectionnés, soit 96 patients au total, suivis 7 mois. Elle a débuté depuis 2 ans au Canada et aux USA et s’est étendue depuis septembre 2019 à d’autres pays dont la France. Le développement de cette étude de phase I / II est en cours.
D’autres produits sont développés soit par transfert viral, soit absorbés par la bouche ou injectés dans le sang et le cerveau. Les espoirs de thérapie génique dans la Maladie Huntington restent d’actualité, même s’ils sont juste un peu freinés actuellement… Il est donc vraisemblable que dans les années qui viennent, l’un d’entre eux sera capable de limiter l’évolution de la maladie. Le Pr Bachoud-Lévi précise que : « Certains patients préfèrent attendre le résultat avant d’essayer, d’autres veulent faire partie des essais, tous ne le peuvent pas. Chacun fera comme il veut et comme il peut en fonction de sa région, de sa disponibilité et des critères d’inclusion de chaque étude, mais tous doivent savoir qu’ils soient inclus ou non dans un essai, c’est que jamais la recherche n’a été aussi prometteuse ni productive. Peut-être l’avenir consistera à associer les traitements. Il ne faut surtout pas oublier que même si ces essais sont une formidable avancée, aucun ne remplacera la prise en charge quotidienne… donc, maintenez-vous en forme, jouissez autant que vous le pouvez de votre vie et il sera toujours temps de voir ».
L’Immunothérapie, une autre approche thérapeutique dans les maladies rares
Toutes les maladies rares neurodégénératives ne sont pas d’origine génétique.
L’atrophie multisystématisée (AMS) est une maladie neurodégénérative rare débutant à l’âge adulte, due à une perte de neurones (atrophie) dans plusieurs régions (ou systèmes) du cerveau, d’où le nom d’atrophie multisystématisée. Elle est caractérisée par la combinaison variable d’un syndrome parkinsonien (lenteur, rigidité, tremblement), d’une ataxie (déséquilibre, maladresse) et d’une dysautonomie (problèmes de régulation de la pression sanguine – hypotension orthostatique -, troubles génito-urinaires, troubles du transit, troubles de la régulation de la température et de la sudation). Même si quelques cas familiaux ont été décrits, l'AMS apparait généralement sporadiquement, sans cause génétique.
L'étiologie de l'AMS est inconnue mais les signes pathologiques caractéristiques sont la présence d'agrégats cytoplasmiques de la protéine alpha-synucléine, principalement dans les oligodendroglies, en combinaison avec une neurodégénérescence dans les structures striatonigriques et olivopontocérébelleuses.
En conséquence, les thérapies ciblant la α-synucleine sont considérées aujourd’hui comme les approches les plus prometteuses pour freiner la progression de l’AMS. Parmi elles, l’immunothérapie spécifique est la plus avancée.
L’équipe du Pr Olivier Rascol à Toulouse et du Pr Wassilios Meissner à Bordeaux, partenaires BRAIN-TEAM et co-coordonnateurs du CRMR-Atrophiemultisystématisée, a récemment publié la 1ère étude clinique portant sur un essai thérapeutique de phase I évaluant le bénéfice d’une immunothérapie ciblée contre la protéine impliquée dans la maladie, l’alpha-synucléine. En effet, comme pour les autres maladies rares décrites ci-dessus, l’AMS ne bénéficie d’aucun traitement curatif, seulement des options thérapeutiques permettant de limiter les symptômes sont proposées.
L’accumulation de la protéine alpha-synucléine dans les cellules gliales des patients AMS est considérée comme mécanisme principal du processus neurodégénératif. Les équipes des Pr Rascol et Meissner ont donc généré deux nouveaux vaccins thérapeutiques, PD01A et PD03A, consistant en deux peptides antigéniques qui permettent d’induire une réponse immunitaire spécifique et durable, ciblant les assemblage d’alpha-synucléine délétères. La tolérance et la sécurité d’une immunisation active contre la protéine alpha-synucléine ont été démontrées chez des patients au stade précoce de la maladie. Parmi les patients inclus dans cet essai clinique de phase I, 31 ont reçu 5 injections sous-cutanée de PD01A (n = 12), PD03A (n = 12), ou placebo (n = 6). Les résultats de l’étude rapportent que parmi les 595 effets indésirables rapportés, seuls 40 sont classés sévères, 190 étant rapportés à des effets classiques dû au site d’injection vaccinal, identiques à ce qui est rapporté habituellement dans la littérature. La titration des IgG a été mesurée chez les patients et 89% de ceux injectés avec PD01A ont développé une réponse immunitaire à la suite des 5 injections vaccinales. Les anticorps générés étaient spécifiques car capables de reconnaitre l’épitope de l’alpha-synucléine. Les résultats sont identiques avec le vaccin PD03A, malgré des taux plus faibles de titration (58%). Ces résultats confirment que PD01A et PD03A sont tous deux bien tolérés, malgré une efficacité supérieure de PD01A qui permet une réponse immunitaire rapide, durable sur 36 semaines, et spécifique de l’épitope ciblé.
Même si aucune donnée n’est actuellement disponible concernant les niveaux d’anticorps anti-alpha-synucléine dans le cerveau, ce qui permettrait d’aboutir à l’effet thérapeutique ciblé et donc d’atteindre l’objectif clinique, des études précédentes ont montré que les taux d’anticorps présents dans le cerveau peuvent être corrélés à leur concentration sérique. Ceci laissant supposer que l’approche vaccinale par PD01A puisse permettre une présence d’anticorps anti-alpha synucléine dans le cerveau des patients.
Malgré les limites évidentes de cette 1ère étude clinique (Wassilios G. Meissner et al, A Phase 1 Randomized Trial of Specific Active α-Synuclein Immunotherapies PD01A and PD03A in Multiple System Atrophy, Movement Disorders, 2020), les équipes de recherche sont confiantes que cette approche d’immunothérapie ouvre de grands espoirs pour le développement de traitements neuroprotecteurs, surtout dans les maladies neurodégénératives complexes et rares comme l’AMS où aucune perspective thérapeutique n’était encore envisagée il y a quelques années.
Pas de géant, révolution… c’est un tournant thérapeutique pour les maladies rares neuro-évolutives, grâce aux progrès des thérapies géniques et à l’immunothérapie, aujourd’hui accessibles. Il est certain que ces avancées, fruit de longues années de recherche, et tant attendues par les patients, sont porteuses d’espoirs concrets pour les patients et leurs familles.
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