inHEART, l’intelligence artificielle pour traiter les pathologies cardiaques
Créée en 2017 et portée par une équipe pluridisciplinaire en imagerie cardiaque et en intelligence artificielle, inHEART est une start-up spécialisée dans la modélisation de jumeaux numériques du cœur en 3D, permettant d’assister les interventions sur les arythmies cardiaques.
Après une levée de fonds de 3.7 millions d’euros en 2020, 9 brevets déposés et plus de 5 000 patients soignés dans plus de 100 centres à travers le monde, l’entreprise se lance de nouveaux défis : accélérer le développement de sa solution en Europe et aux Etats-Unis et développer de nouvelles solutions pour la prévention et la détection précoce !
La Gazette Diag & Santé a rencontré pour vous Jean-Marc Peyrat, cofondateur et CTO d’inHEART.
Estelle Bouillard, La Gazette Diag & Santé (EB) : « Bonjour Mr Peyrat, pouvez-vous vous présenter ? »
Jean-Marc Peyrat, cofondateur et CTO d’inHEART : « Je suis le CTO et cofondateur de l’entreprise. J’ai eu des expériences variées et enrichissantes sur plus de 15 ans - j’ai fait de la recherche en imagerie cardiaque puis j’ai travaillé dans l’industrie de l’imagerie médicale, notamment chez Siemens, pour faire du traitement d'image en neurologie, oncologie et cardiologie, puis je suis retourné faire de la recherche sur de la réalité augmentée pour la chirurgie robotique. Je suis titulaire d’un doctorat en informatique, d’une maîtrise en ingénierie biomédicale de CentraleSupélec et d’un MBA à HEC Paris. Lors de ce MBA, je me suis reconnecté avec des anciens collègues de l’Inria, dont Maxime Sermesant qui est également cofondateur d’inHEART. »
EB « Parlez-nous de l’aventure inHEART ? »
Jean-Marc Peyrat, cofondateur et CTO d’inHEART : « Maxime, chercheur expert en IA et modélisation cardiaque, m’a mis en contact avec 2 cliniciens, 1 cardiologue et 1 radiologue, avec qui il avait commencé à collaborer au début des années 2010 sur le développement d’une technologie d’imagerie de pointe, visant à mieux comprendre les problèmes d’arythmie cardiaque issus de troubles électriques du cœur. Après avoir constaté que l’imagerie médicale pouvait non seulement fournir des explications mais aussi être utile pendant les interventions pour traiter les arythmies, l’équipe a commencé à développer des jumeaux numériques du cœur permettant de préparer leurs interventions et d’optimiser le traitement. Le partage de cette technologie auprès de partenaires de recherche académique et clinique a tout de suite connu un fort engouement ! Le problème : tout cela allait au-delà de la recherche et de la collaboration, il y avait une véritable opportunité commerciale à développer ! A la fin de mon MBA, nous nous sommes tous lancés dans l’aventure en créant la start-up inHEART. inHEART est née d’un besoin issu du terrain et c’est aussi ce qui m’a beaucoup plu dans notre projet : on est parti d’une technologie développée par des cliniciens pour des cliniciens ! »
EB : « Comment fonctionne ce service ? »
Jean-Marc Peyrat : « Notre service sur le cloud fonctionne très simplement. On nous envoie les images (scanner ou IRM), nous traitons les données et renvoyons un jumeau numérique– une « copie digitale » du cœur du patient ! A l’aide d’intelligence artificielle, nous extrayons toutes les structures anatomiques, toutes les informations sur les anomalies structurelles du muscle cardiaque à l’origine des anomalies électriques. Toutes ces informations sont des informations clés pour planifier une intervention– permettant de préparer un plan d’action optimal avant l’opération.
Ensuite, notre jumeau numérique peut être intégré dans des systèmes de navigation. Ces plateformes sont utilisées pendant les interventions et le cardiologue rythmologue interventionnel va pouvoir naviguer au sein du jumeau numérique pendant l’intervention ! c’est un peu un « Google Maps » du cœur en somme !
Grâce à notre technologie, on réduit considérablement le temps de l’intervention. Là où il fallait 5h, il n’en faut plus que 2 – un gain de temps et un taux de succès supérieur passant de 60 à 75% !
C’est pour le patient que nous avons développé cet outil, car c’est un vrai gain sur tous les plans : moins de temps sur la table d’opération, c’est moins de risques et une récupération plus rapide.
Pour l’hôpital, cette solution est aussi un gain en termes de logistique, puisqu’on bloque moins longtemps le bloc opératoire, accompagné d’une réduction des coûts de manière générale. Cela représente des bénéfices importants pour les payeurs, c’est-à-dire pour l’assurance maladie et les mutuelles. En étant plus efficace, on diminue le taux de rechute donc le taux de récurrence.
Nous avons obtenu le marquage CE en 2019, et la FDA en 2022. Nous commercialisons notre technologie en Europe, aux USA, en Australie. »
EB « C’est quoi la suite pour inHEART ? »
Jean-Marc Peyrat : « A long terme, nous souhaitons utiliser notre technologie pour identifier les anomalies du muscle cardiaque beaucoup plus tôt dans le parcours de soins du patient. L’enjeu est de passer de la prise en charge à la prévention de complications !
Quand le patient est symptomatique, quelle est la meilleure stratégie pour le prendre en charge ? le soigner ? Actuellement, les critères sont très mauvais, notamment dans le cadre des arythmies, pour prévenir la mort subite. Aujourd’hui, on implante trop de défibrillateurs. On estime que deux tiers des patients implantés n’en ont pas réellement besoin. Une étude pilote montre qu’avec les informations issues de notre technologie, on a une meilleure précision dans la sélection des patients pour l’implantation de défibrillateurs.
Un autre axe, c’est la détection précoce ! lorsqu’il y a réalisation d’un scan -pour n’importe quelle raison- où apparait le cœur, nous trouvons dommage de ne pas l’utiliser pour essayer d’identifier les patients ayant besoin d’analyses complémentaires, si il y a détection d’une anomalie ou d’un potentiel risque.
Nous souhaitons également travailler sur les AVC cardio emboliques sur le même principe.
L’objectif : détecter plus tôt, diagnostiquer plus tôt et prendre en charge rapidement et mieux !
Nous avons deux projets en cours : un projet avec Dassault Systèmes, MEDITWIN, financé par BPI France de 2024 à 2029. Ce projet est un challenge, puisque l’objectif est de faire un jumeau numérique du patient et non pas seulement du cœur ! Nous allons apporter notre expertise et collaborer avec d’autres experts pour relever ce défi !
Notre deuxième projet, TALENT, sur les AVC cardio emboliques, est financé par l’ANR dans le cadre de France 2030. inHEART a été sélectionnée comme l’une des 20 meilleures startups françaises dans le domaine des technologies de la santé ! Nous allons être accompagnés pour préparer notre projet autour de la prévention et du screening. L’enjeu est de convaincre que le screening pour la prévention, c’est l’équivalent d’une recommandation de prise de sang tous les 3 ans pour surveillance, dans l’objectif que cela devienne un examen remboursé et de routine pour le dépistage ! »
EB « Parlez-nous du lancement de votre campagne de crowdfunding »
Jean-Marc Peyrat « C’est une idée un peu originale, mais nous sommes en levée de fonds et on a trouvé le concept intéressant, notamment pour pouvoir faire participer des investisseurs individuels qui nous sollicitaient. L’idée est de rassembler un maximum de participants de tous les horizons et le crowdfunding le permet sans alourdir les démarches administratives. Notre démarche a touché les gens, puisque notre campagne de crowdfunding a dépassé notre attente, avec plus de 1 million € récoltés ! »
Pour en savoir plus : https://www.inheartmedical.com/
Estelle Bouillard