L’Union Européenne finance un projet d’envergure mondiale pour lutter contre la MVTE
En Europe, la MVTE (Maladie Veineuse ThromboEmbolique) constitue la troisième cause de mortalité cardiovasculaire. On estime aujourd’hui qu’elle toucherait entre 50 000 et 150 000 personnes en France chaque année. Cependant, dans plus de 50 % des cas, elle survient sans raison identifiable, entraînant un risque de rechute très élevé. Pour la première fois dans le monde, l’Union Européenne va financer une étude à grande échelle afin d’identifier « les patients à haut risque de récidive ». L’étude MORPHEUS vise à créer un outil prédictif de risque et d’appréciation des préférences des patients pour optimiser le traitement de la MVTE non provoquée
La MVTE est une maladie qui regroupe les thromboses veineuses profondes et les embolies pulmonaires. Elle se manifeste par des caillots de sang qui bouchent certaines veines, au niveau des jambes (les phlébites) ou peuvent aussi s’infiltrer dans les poumons (embolie pulmonaire), provoquant des essoufflements et/ou des douleurs thoraciques pouvant entraîner un décès.
Pour la première fois au monde, une étude à grande échelle, financée par l’Union Européenne et coordonnée par le Pr Francis Couturaud, Pneumologue au CHU de Brest et coordinateur du réseau F-CRIN « INNOVTE » (Investigation Network On Venous Thrombo-Embolism), va permettre de développer un outil prédictif permettant d'identifier les patients à risque de récidive. La MVTE, responsable de 5 000 à 10 000 décès en France chaque année, est une maladie dont on ne connaît pas encore tous les secrets. Bien que certains facteurs à risque soient connus (cancer, prise d’une pilule contraceptive, grossesse, immobilisation ou intervention chirurgicale, patients hospitalisés pour une COVID-19, hérédité), dans plus de la moitié des cas, la MVTE survient « sans la détection de ses causes ». Le Pr Francis Couturaud indique même que « sans facteur déclenchant identifié (MVTE dite « non provoquée »), les patients ont dans ce cas plus de risque de récidiver que les autres (35 % de récidives sur 5 ans de suivi après l’épisode initial). »
Pr Francis Couturaud F-CRIN INNOVTE @FCRIN -676
Le projet global est initié par le réseau F-CRIN INNOVTE, labellisé en 2014, qui effectue des recherches sur la MVTE à l’échelle internationale. Constitué d’une cinquantaine de centres investigateurs, 4 centres de recherche clinique, 6 unités INSERM, 7 unités de recherche fondamentale spécialisées en biologie, imagerie et/ou pharmacologie, ainsi que 2 collaborations européennes avec Bruxelles et Genève, le réseau vise à identifier les populations ayant besoin d’un traitement préventif ou curatif de la MVTE, tout en fournissant un traitement mieux adapté à chaque patient.
Un traitement pourtant efficace
Les traitements de base pour la MVTE non provoquée impliquent des anticoagulants, qui ont pour but de fluidifier le sang. Ces traitements sont très efficaces et permettent de facilement dissoudre les caillots de sang. Généralement, ils sont administrés pendant 3 à 6 mois. Aujourd’hui, les médecins recommandent un traitement à vie. Le problème de ces traitements réside dans le risque de saignements. En effet, lors d’une administration à long terme, le risque de saignement augmente de 2 % chaque année (arrivant ainsi logiquement à 20 % à partir de la 10ème année). Une fois le traitement stoppé, les risques de récidive de MVTE réapparaissent. « Plus que jamais, nous avons besoin de développer des outils permettant de distinguer de façon précise les patients qui ont un risque très élevé de récidives (nécessitant la poursuite du traitement), de ceux qui n’ont pas ce risque de récidive, pour ne pas traiter et exposer ces derniers à un risque hémorragique élevé alors qu’ils ne récidiveraient pas sans traitement. » souligne le Pr Francis Couturaud.
C’est là qu’entre en jeu MORPHEUS. Ce projet de recherche mondial est promu par le CHU de Brest et financé par l’Union européenne. Pour la première fois, 14 cohortes regroupant un total de 20 000 patients provenant de 8 pays européens (France, Pays-Bas, Espagne, Allemagne, Suisse, Pologne, Suède et Danemark), seront fusionnées. Afin de soigner au mieux une personne atteinte de MVTE non provoquée, il est essentiel d'identifier des biomarqueurs pour prévenir un risque de récidive après un arrêt de traitement tout comme les risques hémorragiques sous traitement mais il faut aussi connaître les perceptions de risque des patients et leurs préférences de prise en charge et d’objectif de soins. A partir de ces cohortes fusionnées, les équipes du projet MORPHEUS ambitionnent de combiner des indicateurs cliniques (âge, sexe, poids, antécédents, facteurs de risques, etc.), biologiques (génétique, dosages des protéines, ARN, etc.), morphologiques (imagerie pour analyser la structure et les propriétés des caillots) et socio-anthropologiques (préférences des patients, vécu, perceptions du risque, enjeux personnels, sur la base d’entretiens) pour créer le meilleur traitement personnalisé possible. Dans un deuxième temps, un essai clinique de validation de cet outil (étude « ETHER ») sera réalisé pour confirmer les bénéfices globaux de cet outil.
Tout cela va permettre aux différents scientifiques impliqués de déterminer la durée, la dose et finalement la meilleure façon de traiter la MVTE survenant en l’absence de toute cause détectable. Il s’agit aussi de « valider un outil adaptatif, multi-niveaux (clinique/biologique/morphologique) qui, intégré à un processus de décision médicale partagée (avis médical et avis de patients grâce à l’algorithme qui comprend l’estimation des risques et le recueil des perceptions des patients, pour une prise en charge qui convienne aux deux parties) permettra d'optimiser le traitement au long cours de la MVTE non provoquée ». Ce projet innovant, qui rallie disciplines cliniques et scientifiques, pourrait avoir un impact majeur pour la science, la santé publique et l'économie mondiale.
iNNOVTE-F-CRIN @FREEPIK
Le projet MORPHEUS aujourd’hui
Débuté il y a 6 mois maintenant, le projet MORPHEUS devrait s’achever en 2028. Les équipes se mettent en place, réfléchissent à une organisation adaptée, tout en mettant en commun leurs bases de données. Les chercheurs estiment que l’outil sera finalisé en octobre 2025 et impliquera 20 000 patients issus des cohortes fusionnées. Le début de l’essai clinique de validation « ETHER » sur les patients commencera le 1er décembre 2024 et finira en 2028. Au total, cet essais portera sur 2 400 patients.
Source : https://r.votredircom.com/mk/mr/sh/7nVTPdZCTJDXP4hWj4hK8DhNW5siK49/ekAjodRIsPi-
Pour en savoir plus :
https://morpheus-research.eu/
https://www.innovte-thrombosisnetwork.eu/
https://www.fcrin.org/
Hugo Tavano