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L’impact des cardiologues du sport dans la compréhension du cœur d’athlètes


Lors de la conférence organisée par l’Académie nationale de médecine sur la médecine des jeux olympiques et paralympiques, François Carré s'est exprimé au sujet du sport de haut niveau et du fonctionnement cardiaque. Cette intervention a permis d’en savoir plus sur le système cardiovasculaire des athlètes de haut niveau. Grand cardiologue et médecin du sport spécialiste de l'activité physique adaptée, ce médecin breton (exerçant au CHU de Rennes) a notamment remporté le prix de la communication Jean Bernard en 2022.

Avant toute chose : est considéré comme athlète au niveau de la cardiologie quelqu’un qui s’entraîne environ 6 à 8 heures par semaine pendant plus de 6 mois. C’est à partir de cette période et cette intensité que l’on peut observer des modifications du fonctionnement cardiaque. Des aspects sont alors à différencier : les réponses à l'exercice, les réponses cardiovasculaires, le débit cardiaque qui augmente, le volume d'éjection systolique, qui va aussi augmenter, la fréquence cardiaque, la pression artérielle, et des réponses hormonales qui auront des conséquences à long terme sur le système cardiovasculaire. De nombreux facteurs peuvent influencer et modifier le comportement du cœur de l’athlète, comme le sexe, l’âge, l’origine ethnique ou le type de sport pratiqué, et les formes/niveaux d’entraînement.

Différentes adaptations

Avec des entraînements intensifs et répétitifs, le cœur va forcément être mis à l’épreuve, ce qui va entraîner des adaptations.

Les adaptations électrophysiologiques visibles sur un ECG ont longtemps été un problème pour les cardiologues. Avant, l’interprétation de l’ECG (électrocardiographie) se basait sur les résultats de personnes peu actives. Un bloc atrio-ventriculaire du premier degré, de grands complexes QRS ou des modifications de la repolarisation peuvent être inquiétants pour une personne lambda, mais sont tout à fait normaux pour un athlète. Il fallait donc trouver le moyen de détecter ces nombreux tracés ECG faussement inquiétants. Les chercheurs ont alors collaboré à l’échelle mondiale pour proposer, au fil des années, une lecture plus adaptée des ECG réalisés chez des sportifs. On estime que le taux de faux positifs est passé de 30% en 1998 à environ 3-4% en 2017. Ces études ont permis de classifier avec précision les particularités normales et anormales (nécessitant un bilan cardiaque) que l’on pouvait retrouver lors de la lecture de l’ECG de cœurs entraînés. Tout cela démontre qu’il faut mettre en place pour les athlètes des méthodes spécifiques ; même un résultat anormal n’est pas obligatoirement pathologique.
 
Point intéressant, on remarque que, quoi qu’il arrive, un cœur entraîné aura toujours une fréquence cardiaque plus lente qu’un cœur normal. Une expérience réalisée en 1987 a montré que, même après avoir utilisé des bêta-bloquants et de l’atropine, le cœur du sportif reste plus lent que celui du sujet non entraîné. De plus, une étude récente menée par une équipe portugaise montre qu’il y a aussi une protéine spécifique (nommée HCN4) qui permet de ralentir la dépolarisation spontanée de la cellule cardiaque, ce qui ralentit le cœur. Il n’y a donc pas que le système nerveux autonome qui explique ce phénomène.
 
Entre 1955 et 1960, Fernand Plas, l’un des tout premiers cardiologues spécialisés en médecine du sport en France, observait et décrivait des modifications de la repolarisation chez le cœur de l’athlète. Ce phénomène pose un problème pour comprendre si un sportif est en bonne santé ou non. Cette repolarisation peut aussi varier en fonction de l'origine ethnique du sportif. Par exemple, pendant des années, les clubs de football professionnels français ont fermé les portes de leurs vestiaires à la plupart des jeunes sportifs africains de l’ouest. Les médecins du sport français ne comprenaient pas les mesures enregistrées sur l’ECG. François Carré a alors travaillé avec le professeur Charma sur cette problématique en étudiant 800 athlètes de très haut niveau originaires de l'Afrique de l’Ouest pendant 6 ans. Dans 25 % des cas, cette anomalie de la repolarisation était présente, ce qui signifie qu’elle n’est pas pathologique.

François Carré copyright Académie nationale de médecine
François Carré copyright Académie nationale de médecine

L’adaptation structurelle, quant à elle, est déjà observée depuis 1899. Le biologiste allemand Victor Hensen avait réussi à décrire le cœur de l’athlète grâce à sa percussion. Déjà à cette époque, il avait démontré que, juste après l’effort, le cœur entraîné se dilate et s’élargit. L’arrivée de l’échocardiographie a tout révolutionné. Confirmant le fait que le cœur du sportif bat plus lentement, elle a aussi réfuté l’hypothèse selon laquelle ce dernier serait uniquement en hypertrophie après l’effort, confirmant qu’il se dilate bien.

L’ethnicité du sportif peut aussi jouer un rôle dans l’adaptation structurelle de son cœur. Dans un article rédigé par Gaëlle Kervio (ingénieur de recherche au CHU Pontchaillou) en 2013, 68 sportifs japonais, 96 sportifs afro-caribéens et 118 sportifs caucasiens ont été étudiés pour voir la différence de dilatation de leur cœur. Pour la première fois, des athlètes pratiquant le même sport, en l'occurrence le football, ont été choisis. L’expérience montre que les Japonais ont un cœur bien plus dilaté que les joueurs d’autres origines ethniques. À l’inverse, les sportifs afro-caribéens ont des parois bien plus épaisses. De nouvelles normes ont alors été mises en place pour pouvoir établir des diagnostics bien plus adaptés.
 
L’adaptation fonctionnelle part du principe que, comme le disait Henschen, « celui qui gagne la course, c’est celui qui a le cœur le plus large ». En effet, dans une étude de Julie Barbier, il existe une relation entre la consommation maximale d’oxygène et la masse ventriculaire gauche. Un cœur d’athlète est destiné à être étudié à l’effort. Il n’est pas fait pour être au repos ; le débit cardiaque ne sera pas très différent de celui d’un cœur normal dans ces circonstances (environ 5 litres par minute). À l’effort, ce débit s’accélère grandement, pouvant aller jusqu’à 40 litres par minute contre 25 pour un cœur non entraîné. Aussi, la fréquence cardiaque monte moins vite chez l’athlète ; cependant, la fréquence maximale, elle, ne change pas. Enfin, le cœur du sportif se remplit mieux et se vide plus facilement, minimisant ainsi ses efforts.
 
Des études se sont aussi intéressées aux modifications du système vasculaire d’athlètes d’endurance. Les artères des sujets entraînés sont beaucoup plus dilatées afin de faire circuler aisément une grande quantité de sang ; elles se sont elles aussi adaptées aux besoins de distribution du sang des sportifs.
 
Ces observations démontrent l’importance des cardiologues du sport. Grâce à leurs études sur les adaptations fonctionnelles du cœur entraîné, de nombreuses personnes ont pu être autorisées à pratiquer un sport de haute intensité, tout en étant mieux surveillées. Au fil des ans, ils se sont battus pour prouver que ces modifications sont normales. Aujourd’hui encore, de nombreux sportifs qui se plaignent d’essoufflement se font tester au repos, ce qui ne permet pas de détecter si le problème vient des poumons ou du cœur. Une anomalie cardiovasculaire peut parfois entraîner la mort au cours de la pratique du sport. Ce risque doit absolument être réduit quand il s’agit d’un organe aussi important que le cœur.

Pour en savoir plus : https://www.youtube.com/watch?v=2YtC6E-vXfI

Hugo Tavano
©La Gazette DIAG & SANTE

 

 

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