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Le premier bilan annuel du réseau de suivi RELAB


Amorcé en août 2023, ce Réseau de laboratoires privés (RELAB) vise à étudier et surveiller en temps réel la propagation des virus respiratoires. Grâce aux laboratoires de biologie médicale de villes, 50 000 données patients ont pu être traitées lors de sa première saison hivernale 2023-2024.

En France, on enregistre 3 virus respiratoires à enjeux majeurs pour la santé publique : le virus de la grippe, le virus de la Covid-19 et le virus respiratoire syncytial (bronchiolite). Ces 3 virus agissent de façon épidémique et sont à l’origine d’un grand nombre de décès chaque année (environ 12 000 pour la grippe et 170 000 depuis le début de l’épidémie de Covid-19). La bronchiolite touche une importante part des nourrissons en France : 2 à 3 % des moins de 1 an seraient hospitalisés.

Une prise de conscience récente

Pour le réseau RELAB, tout commence en 2020 : la France est en pleine crise sanitaire . Le CNR (Centre national de référence) des Virus des infections respiratoires collabore avec les laboratoires de biologie médicale Cerballiance et Biogroup sur le coronavirus 2 (virus responsable de la Covid-19). Cette collaboration a permis dedécouvrir « qu’il existait au sein de ces laboratoires des informations précieuses non utilisées pour la surveillance française des infections respiratoires, et qu’il serait intéressant de pérenniser la collaboration amorcée avec la Covid-19 pour d’autres virus » indique Vincent Enouf, responsable adjoint du CNR des Virus des infections respiratoires à l’Institut Pasteur. Pour Antonin Bal, virologue au CNR Virus des infections respiratoires aux Hospices civils de Lyon, grâce aux laboratoires répartis sur l’ensemble du territoire, il serait possible d’avoir des analyses complètes et précises de chaque département de France. Une étude a donc été mise en place et un avis favorable du Comité scientifique et éthique des Hospices Civils de Lyon en juin 2023 a officiellement lancé le projet.

Très vite, un circuit de données se met en place. Les réseaux de laboratoires Cerballiance et Biogroup, l’Institut Pasteur et les Hospices civils de Lyon pour le CNR, collaborent et mutualisent leur expertise. Les patients venus pour des infections respiratoires sont amenés à collaborer, s'ils le souhaitent, au réseau RELAB en fournissant des informations telles que leur âge, les données sur la fièvre, les symptômes respiratoires, la vaccination Covid ou grippe. L’ensemble des informations est alors anonymisé et envoyé, chaque lundi, au CNR. Le nombre d’informations envoyées varie selon les périodes. « En pleine épidémie, nous avons transféré jusqu’à 33 000 données patients par semaine. C’est considérable, et cela n’a été possible que parce que nos équipes se sont fédérées autour de ce projet », indique Benoît Visseaux, biologiste médical et coordinateur RELAB pour Cerballiance. Une fois les informations reçues, le CNR réalise dans la journée un bulletin d’information regroupant les données hospitalières (RENAL) et communautaires (RELAB). Ce bulletin est ensuite transmis à Santé publique France.

Des résultats précieux

Bien que le réseau ne soit fonctionnel que depuis peu, certains résultats apparaissent déjà. Avec les différents tests PCR réalisés et les données cliniques des patients recueillies par le réseau RELAB, « Nous avons pu constater que le taux de positivité des patients non vaccinés pour la grippe était de l’ordre de 40 %, contre seulement 20 % pour les patients vaccinés, ce qui nous indique que l’efficacité du vaccin contre la grippe était d’environ 50 % cette année », indique Vincent Enouf. Selon lui, les données sont suffisamment nombreuses et représentatives pour être considérées comme fiables. Les informations anonymisées récupérées apportent plus de précisions et permettent d’en savoir plus sur les classes ou l'âge des personnes les plus vulnérables, « Pour le VRS, nous avons pu observer un rebond de l’épidémie chez les plus de 65 ans en fin d’épidémie », indique Antonin Bal, virologue au CNR Virus des infections respiratoires aux Hospices civils de Lyon.

Ces précieuses informations permettent aussi de progresser en médecine dans la prévention et le traitement des patients. Grâce à RELAB, le personnel de santé peut suivre en temps réel les épidémies et les régions les plus touchées. Ces données sont nécessaires pour anticiper l’engorgement des hôpitaux, ce qui favorise l’efficacité des soins et leur facilité d’accès.

En parallèle, toujours grâce aux ressources fournies par les patients et transmises par le réseau RELAB, le CNR séquence une centaine de virus chaque semaine. « Nous avons pu séquencer de nombreux virus VRS, ce qui est très nouveau. Même en Europe, il existe peu d’informations sur les variants du VRS. Or, on a absolument besoin de savoir si des mutations associées à des résistances apparaissent, par exemple » commente Vincent Enouf. Ce séquençage des virus va permettre d’en savoir plus sur les variants des virus qui ont potentiellement développé des résistances, afin de pouvoir modifier ou créer de nouveaux vaccins. De plus, cette année, ces informations ont été transmises à l'Organisation mondiale de la santé lors de la réunion annuelle de l’hémisphère nord au sujet des variants et de l’adaptation des compositions des vaccins contre la grippe.

Pour compléter ces résultats, le réseau peut compter sur l’aide du réseau RENAL et SENTINELLES

Le réseau RENAL (Le REseau NAtional des Laboratoires des Centres Hospitaliers), réseau regroupant 35 laboratoires, fournit chaque année jusqu’à 18 000 jeux de données virologiques et sérologiques pour les infections respiratoires constatées à l’hôpital.

Le réseau Sentinelles, composé d’environ 1 234 médecins généralistes libéraux et de 128 pédiatres libéraux, se charge de collecter des informations sur divers indicateurs de santé, issus de leurs activités.

 

Exemple de graphique issu de l’analyse des données RELAB

Exemple de graphique issu de l’analyse des données RELAB permettant de suivre en temps réel la dynamique épidémique des virus respiratoires en France.
Les couleurs représentent le nombre de prélèvements positifs par semaine pour la Covid-19 (orange), le VRS (vert), et la grippe (violet).
© HCL, Institut Pasteur, Biogroup, Cerballiance

 

Le bilan

Lors de sa première saison hivernale, le réseau RELAB a traité plus de 500 000 données patients et est d’ores et déjà considéré comme une réussite. Les équipes ambitionnent de pousser le projet encore plus loin, en agrandissant le réseau de laboratoires impliqués, mais aussi avec un site internet entièrement dédié au réseau à destination des autorités de santé, des infectiologues, des urgentistes, des médecins généralistes, des biologistes médicaux ou encore des pharmaciens. Tenir informés les grands acteurs de la santé est primordial pour que ces derniers puissent mieux guider et informer à leur tour les patients.

Concernant les résultats obtenus :
Sur plus de 514 804 patients suivis dans 13 régions de France, 170 752 (33 %) patients sont testés positifs pour au moins 1 virus : 71 % SARS-CoV-2 (1 744 virus séquencés), 24 % grippe (2 427 virus séquencés) et 5 % VRS (363 virus séquencés).

Concernant la grippe, au pic de l’épidémie, on trouve 40 % de taux de positivité chez les personnes non vaccinées contre 20 % chez les personnes vaccinées. Les tests ont permis de constater des virus grippaux chez les moins de 5 ans dès la première semaine de novembre avec un taux de positivité de plus de 50 % chez ces derniers. Enfin, le virus pandémique H1N1/09, sous-type de la grippe A, a été majoritaire cette année.

Le SARS-CoV-2 est le virus respiratoire le plus représenté dans cette étude. Durant l’année et grâce à la précision des informations envoyées par le réseau RELAB, le CNR a démontré que 73 % des patients positifs pour le SARS-CoV-2 ont plus de 40 ans. En comparaison avec le virus de la grippe, les enfants seraient moins touchés et sembleraient avoir joué un rôle plus limité dans la dynamique épidémique cette saison. Le variant JN.1 quant à lui est le plus représenté dans l’épidémie de SARS-CoV-2.

Enfin, pour le VRS, les résultats obtenus montrent que 50 % des enfants de moins de 1 an touchés par un virus respiratoire sont testés positifs au VRS. Les patients positifs de plus de 5 ans, quant à eux, sont majoritairement touchés en tout début de saison, contrairement au pic de contamination des patients de plus de 65 ans plutôt vers la fin de saison. Concernant le séquençage, c’est le type A qui a été le plus détecté.

Les grands événements amènent avec eux leurs lots d’épidémies. Avec la venue d’un grand nombre de personnes étrangères sur le territoire lors des jeux olympiques, la France a d’autant plus besoin d’outils pour surveiller l’état de la santé publique. Grâce à la collaboration de tous ces laboratoires, le réseau RELAB sera « en mesure d’informer les autorités de santé, semaine après semaine, de la situation épidémique concernant les virus respiratoires », annonce Pr Bruno Lina, responsable du Centre national de référence des Virus des infections respiratoires aux Hospices Civils de Lyon.

Pour en savoir plus : https://www.pasteur.fr/fr/espace-presse/documents-presse/reseau-relab-suivi-temps-reel-virus-respiratoires-au-sein-population-francaise

Hugo Tavano
© La Gazette Diag & Santé

 

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