Résistance aux antibiotiques : quelle contribution des industriels de la pharma à ce problème de santé publique mondial crucial ?
La découverte des antibiotiques a été l’une des révolutions médicales de l’histoire de l’humanité, permettant de sauver des millions de vies d’une mort prématurée. Moins d’un siècle plus tard, cependant, ils deviennent de moins en moins efficaces au fur et à mesure que la résistance aux médicaments se répand. Ce phénomène serait déjà responsable de 50 000 décès par an rien qu’en Europe et aux États-Unis. Et ce nombre augmentera de façon dramatique si rien n’est fait rapidement. Alors que la résistance aux antimicrobiens (RAM), en tant que menace mondiale, est devenue au fil des ans une préoccupation majeure pour les grandes organisations de santé telles que l’OMS, les Nations Unies, l’EMA ou l’OIE, Alcimed a étudié le rôle et les réponses que les acteurs de l’industrie pharmaceutique apportent pour contribuer à relever le défi, avec un zoom sur la résistance aux antibiotiques.
- Pourquoi la résistance aux antimicrobiens et la résistance aux antibiotiques sont considérées comme un problème de santé mondial ?
- Comment les acteurs du secteur pharmaceutique s’attaquent-ils à la résistance aux antimicrobiens ?
- Lutter contre la résistance aux antibiotiques en contrôlant les ventes en volume
- Lutter contre la résistance aux antibiotiques en fabricant de manière responsable
- Lutter contre la résistance aux antibiotiques en promouvant la prévention
- Lutter contre la résistance aux antibiotiques en exploitant les outils de diagnostic pour utiliser le bon antibiotique chez le bon patient
- Effectuer une surveillance de la résistance aux médicaments pour suivre les changements
Pourquoi la résistance aux antimicrobiens et la résistance aux antibiotiques sont considérées comme un problème de santé mondial ?
Les antimicrobiens – comme les antibiotiques, les antiviraux, les antifongiques et les antiparasitaires – sont des médicaments utilisés pour prévenir et traiter les infections chez les êtres humains, les animaux ou les végétaux.
Selon l’OMS, « La résistance aux antimicrobiens survient lorsque les bactéries, les virus, les champignons et les parasites évoluent au cours du temps et ne répondent plus aux médicaments, rendant plus complexe le traitement des infections et augmentant le risque de propagation, de forme grave de la maladie et de décès. Du fait de la résistance aux antimicrobiens, les antibiotiques et autres médicaments antimicrobiens perdent en efficacité et les infections deviennent de plus en plus difficiles, voire impossibles, à traiter. »
L’émergence de la résistance est un processus naturel, mais notre utilisation des antimicrobiens, en particulier l’utilisation massive d’antibiotiques sans vérifier s’ils sont toujours parfaitement appropriés, a accéléré ce processus dans une proportion dangereuse.
La menace liée à l’émergence et à la propagation de la résistance aux antibiotiques et aux antimicrobiens peut être résumée autour de 4 problèmes clés :
• Les agents pathogènes qui ont acquis de nouveaux mécanismes de résistance rendent certaines infections non soignables avec les médicaments antimicrobiens existants.
• Les nouveaux antibiotiques deviendront aussi inefficaces que les actuels si l’utilisation inappropriée des antimicrobiens se poursuit.
• Les dépenses liées à des soins plus coûteux et plus intensifs augmenteront et la productivité des soignants diminuera en conséquence.
• Les procédures médicales telles que la chirurgie, le traitement de la septicémie, la dialyse pour les maladies rénales avancées, les soins aux personnes atteintes de cancer et la transplantation d’organes peuvent redevenir des procédures mettant la vie en danger comme elles l’étaient il y a un siècle.
« La résistance aux antimicrobiens est l’un des plus grands enjeux de santé de notre temps et nous ne pouvons laisser ce problème à nos enfants. Le moment est venu de forger de nouveaux partenariats intersectoriels qui protégeront les médicaments dont nous disposons et redynamiseront la filière de recherche-développement. » a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS.
Par conséquent, il est maintenant tout à fait clair que notre salut collectif exige des efforts pour utiliser les antibiotiques en moindre quantité et de manière raisonnée.
Qu’est-ce que cela signifie pour les acteurs du secteur pharmaceutique et
Comment s’engagent-ils dans cette problématique de résistance aux antibiotiques ?
Comment les acteurs du secteur pharmaceutique s’attaquent-ils à la résistance aux antimicrobiens ?
Les entreprises pharmaceutiques ont mis en œuvre diverses actions pour répondre à la menace de la résistance aux antimicrobiens, et plus particulièrement aux antibiotiques. Leurs actions visent à limiter l’utilisation des antibiotiques en quantité et à orienter leur utilisation de manière raisonnée.
Lutter contre la résistance aux antibiotiques en contrôlant les ventes en volume
Tout d’abord, de nombreux acteurs se sont engagés à réduire les volumes, même si cela peut sembler contre-productif pour leur business. La plupart des antibiotiques ne sont pas très profitables et représentent une part limitée de l’activité – par exemple, 1,5% pour Mylan et 1,4% pour Novartis – peut-être une raison complémentaire pour que les entreprises pharmaceutiques s’engagent à contrôler les ventes de médicaments antibactériens et antifongiques.
Par exemple, Teva n’a pas de force de vente dédiée aux médicaments antibactériens et antifongiques. Cipla, un autre fabricant de médicaments génériques, a totalement découplé les primes versées à ses représentants des volumes de vente.
Lutter contre la résistance aux antibiotiques en fabricant de manière responsable
Même si les émissions liées à la fabrication ne constituent pas la principale source d’antibiotiques dans l’environnement (par opposition, par exemple, à leur utilisation massive dans le bétail dans certaines régions du globe), la plupart des parties prenantes se concentrent sur des pratiques de fabrication responsables communes pour minimiser le risque. Des entreprises telles que GSK, Johnson & Johnson et Pfizer étendent leurs stratégies de gestion des risques environnementaux à leurs produits antifongiques.
Lutter contre la résistance aux antibiotiques en promouvant la prévention
La meilleure façon de réduire l’utilisation des antimicrobiens est de ne pas en avoir besoin. Les acteurs du secteur des vaccins travaillent dans ce sens et les vaccins conjugués contre Haemophilus influenzae de type B (Hib)** et contre les pneumocoques sont des exemples instructifs de réussites ayant démontré leur efficacité pour réduire l’utilisation d’antibiotiques et lutter contre la résistance aux antimicrobiens (RAM).***
De nombreuses entreprises pharmaceutiques telles que GSK, Pfizer, Johnson&Johnson investissent dans la recherche et le développement de nouveaux vaccins qui ciblent les pathogènes bactériens et fongiques, comme par exemple E.Coli (Johnson&Johnson) et N.gonorrhoeae (GSK).
Lutter contre la résistance aux antibiotiques en exploitant les outils de diagnostic pour utiliser le bon antibiotique chez le bon patient
Les acteurs du diagnostic impliqués dans les maladies infectieuses développent des appareils et tests de diagnostic. A titre d’exemple, on peut citer VITEK® MS et VITEK® 2 par bioMérieux. Ces entreprises contribuent à l‘éducation dans ce domaine, en soutenant par exemple la World Antibiotic Awareness Week organisée par l’OMS, en publiant des films sur la RAM sur la chaîne YouTube de bioMérieuxTV, etc., pour guider les soignants dans leurs décisions et garantir le choix d’antibiotique le plus approprié dans un contexte donné.
Effectuer une surveillance de la résistance aux médicaments pour suivre les changements
Enfin, la surveillance de la résistance aux médicaments est essentielle pour gagner la lutte contre la résistance aux antimicrobiens (RAM). Les entreprises pharmaceutiques et de diagnostic contribuent davantage à la lutte contre la RAM en menant des activités de surveillance, notamment en partageant des données sur les taux d’infection, les schémas de RAM et l’utilisation des antibiotiques. Pfizer parraine l’un des plus grands programmes de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (RAM) au monde – la base de données ATLAS (Antimicrobial Testing Leadership and Surveillance) – et a élargi la portée d’ATLAS en 2020 pour permettre au public d’accéder aux données sur la résistance aux antifongiques et aux antibiotiques par le biais d’une plateforme unique.
L’industrie pharmaceutique est le principal contributeur financier de la R&D liée à la résistance aux antimicrobiens. Alcimed a énuméré ici de nombreux exemples d’actions entreprises par des acteurs du secteur pharmaceutique engagés dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, car l’engagement des gouvernements et le niveau de sensibilisation des populations et des professionnels sont très variables dans le monde. Comment construire ou renforcer votre programme pour la résistance aux antimicrobiens, ou identifier vos partenaires de demain ? Alcimed est prêt à vous soutenir dans cet effort !
*Priority pathogens: bacteria and fungi that have been identified as priority R&D targets for limiting AMR, by either the WHO and/or the Centers for Disease Control and Prevention (CDC)
** Haemophilus influenza type b (Hib) is a bacteria responsible for severe pneumonia, meningitis and other invasive diseases almost exclusively in children aged less than 5 years.
***Jansen, Kathrin U., and Annaliesa S. Anderson. “The role of vaccines in fighting antimicrobial resistance (AMR).” Human vaccines & immunotherapeutics 14.9 (2018): 2142-2149.