2 défis à relever dans les essais cliniques pour les maladies rares pour maximiser le développement de nouveaux traitements
Selon l’Agence européenne des médicaments (EMA), les maladies rares désignent des pathologies touchant moins de 5 personnes sur 10 000. Elles représentent plus de 7000 conditions et une population totale de plus de 250 millions de personnes dans le monde.
Le marché des médicaments pour les maladies rares ne cesse de prendre de l’ampleur. Au cours des 40 dernières années, le nombre de médicaments développés sur ce marché a quadruplé, représentant ainsi en moyenne chaque année entre 30 et 40% des produits développés par les industriels pharmaceutiques, Cette croissance s’explique notamment par la mise en place de politiques de santé favorisant le financement et l’accès aux médicaments ainsi que par l’augmentation du nombre de patients atteints par des maladies rares. Cela s’explique également par notre démographie croissante, l’amélioration des diagnostics et des progrès de la médecine personnalisée, et le développement des technologies génomiques, domaines particulièrement adaptées aux maladies rares.
Malgré cet intérêt croissant, moins de 6 % des maladies rares disposent actuellement d’un traitement. Pourquoi ? Comment faire mieux ? Dans cet article, Alcimed revient sur deux défis majeurs associés au développement des médicaments pour les maladies rares et propose des solutions potentielles pour améliorer les essais cliniques.
Défi n°1 : Développer la connaissance sur les maladies rares
La recherche dans le secteur des maladies rares est contrainte par un manque de connaissances des mécanismes biologiques impliqués et une compréhension limitée de l’évolution de ces affections. Il est ainsi difficile d’identifier des modèles in vitro et/ou animaux adaptés pour les études précliniques. Par ailleurs, la conception d’essais cliniques pour les maladies rares est particulièrement complexe, car il est souvent difficile de définir précisément les critères de diagnostic, les doses de traitement et les critères d’évaluation.
Ces challenges complexes peuvent cependant être en partie surmontés via l’exploration de trois leviers d’action.
Grâce à des études observationnelles en vie réelle
L’utilisation de données de vie réelle, telles que celles obtenues dans les registres patients, permet de maximiser la connaissance des maladies en fournissant des données phénotypiques et génétiques détaillées.
Cela est particulièrement vrai pour les études d’histoires naturelles qui peuvent permettre de pallier le manque de connaissances sur les maladies rares. Ces dernières sont des études de vie réelle conçues pour suivre l’évolution des maladies chez les patients recevant les soins standards actuels. Elles permettent ainsi d’identifier des sous-populations de patients, de découvrir des biomarqueurs, d’aider à concevoir des essais cliniques, et de décrypter les facteurs influençant la maladie.
En intégrant les associations de patients dans les essais cliniques pour maladies rares
Les associations de patients jouent un rôle central dans l’écosystème des maladies rares en se situant à l’interface entre les communautés cliniques, scientifiques, gouvernementales, pharmaceutiques et les patients. Elles contribuent ainsi au partage de la connaissance sur les maladies rares, par exemple via la promotion de conférences sur des questions clés réunissant des experts, des patients, ainsi que des représentants du gouvernement et de l’industrie.
De plus, les associations de patients collaborent directement avec les entreprises pharmaceutiques. Elles permettent l’inclusion de la voix des patients et de leurs besoins, ce qui contribue à orienter et optimiser les projets de développement sur le long terme. Cette collaboration transforme ainsi le rôle des patients, les faisant passer d’observateurs à acteurs actifs de la recherche. Par ailleurs, les associations de patients partagent aux laboratoires pharmaceutiques leurs connaissances de l’écosystème des maladies rares concernées, notamment par l’identification de médecins spécialistes.
Enfin, ces associations de patients jouent un rôle vital en collectant des fonds pour la recherche et en octroyant des subventions, sollicitant souvent le soutien de l’industrie et de la philanthropie. Par exemple la Fondation LAM, soutenant les patients atteints de la lymphangioleiomyomatose, a mobilisé des fonds pour la recherche et des bourses de carrière pour les cliniciens-chercheurs, renforçant considérablement le soutien à la recherche sur cette maladie rare.
En utilisant l’intelligence artificielle
Les progrès technologiques dans les domaines de l’intelligence artificielle (IA) et de machine learning (ML) peuvent contribuer de manière significative à une meilleure compréhension des maladies rares. En permettant la mise en place d’approches statistiques avancées, elles peuvent jouer un rôle crucial dans le traitement de données non structurées d’histoire naturelle et du monde réel (RWD) et la construction d’algorithmes. Tout cela peut permettre de modéliser la progression de la maladie, d’identifier les résultats pertinents et d’évaluer de manière approfondie les résultats d’études. Ainsi, l’IA peut contribuer à améliorer la compréhension des maladies rares et à orienter la conception d’études cliniques plus efficaces. Dans le cadre de la sclérose latérale amyotrophique par exemple, un outil d’IA a été utilisé pour analyser des données cliniques contenues dans les données de santé électroniques des patients, ce qui a permis de caractériser le profil démographique et clinique des patients tout en déterminant la chronologie des évènements cliniques spécifiques à la maladie en fonction de son évolution.
Défi n°2 : Améliorer le recrutement de patients atteints de maladies rares
Le second défi associé au développement de médicaments pour les maladies rares concerne le recrutement des patients dans les essais cliniques.
Le premier obstacle à ce recrutement réside dans la difficulté d’identifier et d’inclure des patients dans les essais cliniques. Cela s’explique par plusieurs facteurs. Les populations atteintes de la maladie sont souvent dispersées géographiquement, mal ou sous-diagnostiquées et les symptômes de la maladie peuvent varier considérablement d’un patient à l’autre. Par conséquent, l’établissement du réel diagnostic de la maladie est fréquemment retardé. Même lorsque le patient est diagnostiqué, il ne satisfait pas nécessairement aux critères d’inclusion de l’essai clinique, qui exigent des groupes de patients homogènes pour obtenir des résultats interprétables. Ainsi, le défi du recrutement commence dès la définition des critères d’inclusion.
De plus, dans le cadre des essais cliniques randomisés standards, les difficultés initiales liées à la sélection et à la randomisation des patients rendent le recrutement d’autant plus complexe. Selon le Tufts Center for the Study of Drug Development (CSDD), en moyenne, 81% des patients sélectionnés ne sont pas éligibles pour l’inclusion dans les essais, tandis que 56% échouent à être randomisés pour les maladies rares, comparé à 57% et 36%1 respectivement pour les maladies non rares.
Deux principaux leviers d’actions existent pour améliorer le recrutement des essais cliniques dans les maladies rares.
En développant des modèles d’essais cliniques alternatifs
Des modèles d’essais alternatifs visent à optimiser le recrutement et la durée des études. Ils englobent des études en cross-over, où les patients alternent entre traitement actif et placebo avec des départs différés où tous les participants finissent par recevoir le traitement actif à des moments différents. On retrouve aussi des essais adaptatifs, qui ajustent l’étude en fonction des résultats initiaux pour maximiser l’efficacité du traitement et accélérer le recrutement.
De plus, l’utilisation de nouveaux groupes témoins peut s’avérer essentielle pour les maladies rares. Ces groupes peuvent être constitués de cohortes issues de données publiées ou de registres ainsi que des données sur l’histoire naturelle de la maladie, servant de groupes témoins lorsque l’utilisation d’un placebo est inappropriée sous réserve de caractéristiques de maladie similaire entre les deux groupes.
Les plateformes de recrutement en ligne, telles que les médias sociaux, les e-mails et les groupes de soutien de patients peuvent permettre d’atteindre efficacement un large public. En utilisant des messages ciblés et des outils de gestion des médias sociaux, les chercheurs peuvent générer de nombreux leads, c’est-à-dire de candidats potentiels aux essais cliniques. Bien que le nombre de leads se traduise souvent par un faible nombre de participants effectivement inscrits, ces méthodes web-based sont précieuses pour compléter le recrutement traditionnel.
Enfin, les technologies de l’IA peuvent intégrer et analyser des données provenant de différentes sources telles que les registres de patients, ce qui peut aider à identifier des participants potentiels pour les essais cliniques et améliorer le processus de recrutement. Les systèmes d’« entrepôts de données » (CDW) collectent et réutilisent les informations médicales des dossiers de santé électroniques (EHR). Par exemple, Dr. Warehouse, un CDW open source, utilise le traitement automatique du langage naturel pour accélérer le diagnostic des maladies rares et le recrutement de participants à la recherche clinique en se basant sur des similitudes phénotypiques dans les EHR.
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En intégrant les associations de patients atteints de maladies rares
Les associations de patients, par leur rôle de défense et de soutien aux patients, peuvent permettre de stimuler le recrutement des essais cliniques. Par exemple, l’octroi de bourses de voyage aux patients leur permettant de consulter des experts dans leur domaine et de se rapprocher d’autres patients dans des sites localisés, peut permettre d’identifier et de rassembler plus efficacement des patients éligibles au recrutement. De plus, les associations de patients utilisent leur capacité à mobiliser les patients pour informer le processus de développement et les essais cliniques en cours.
Les essais cliniques dans les maladies rares se heurtent à deux défis majeurs : une compréhension limitée des maladies, complexifiant la conception des études, et la difficulté de recruter des patients. Des solutions existent pour surmonter ces défis et incluent la conception de nouveaux modèles d’étude, l’utilisation de données de vie réelle, ou encore l’intervention d’associations de patients.
Cependant, d’autres défis persistent et entravent l’accès à de nouveaux traitements pour les maladies rares, notamment la nécessité d’améliorer le diagnostic précoce et l’organisation des soins aux patients. De plus, la fabrication de ces traitements requière fréquemment des technologies complexes, notamment en thérapies génique et cellulaire, obligeant les laboratoires pharmaceutiques à relever des défis de montée en compétence et à se conformer à des exigences réglementaires de plus en plus strictes.
Dans ce contexte, une collaboration étroite entre les acteurs de l’écosystème des maladies rares, qu’il s’agisse de chercheurs, de cliniciens, d’associations de patients ou d’entreprises pharmaceutiques, devient cruciale pour maximiser le développement de nouveaux traitements et améliorer la qualité de vie des patients.
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