A quelques jours du Téléthon…
Le point sur la Myopathie de Duchenne et l’avancée des travaux de thérapie génique menés avec le soutien de l’AFM-Téléthon dans le laboratoire Généthon
Les thérapies innovantes, comme la thérapie génique, permettent aujourd’hui de changer le cours de certaines maladies et de sauver des milliers de vies. Si de nombreux défis sont encore à relever, elles représentent l’espoir pour traiter les maladies génétiques rares, longtemps considérées comme incurables.
L’AFM-Téléthon, association de malades et de parents de malades, mène une bataille sans relâche, depuis sa création en 1958, contre des maladies génétiques, rares, évolutives et lourdement invalidantes. Quoi de neuf en 2024 ? Faisons le point avec Serge BRAUN, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, sur la maladie emblématique du combat de l’Association.
La myopathie de Duchenne, une maladie rare liée à une anomalie du gène de la dystrophine
La myopathie de Duchenne est une maladie génétique rare évolutive qui touche l’ensemble des muscles de l’organisme et qui concerne très majoritairement les garçons (1 sur 5000). Elle est liée à des anomalies du gène responsable de la production de la dystrophine, une protéine de structure essentielle à la stabilité des membranes des fibres musculaires et à leur métabolisme. L’absence de dystrophine conduit à une dégénérescence progressive des muscles squelettiques et cardiaque, une perte de la marche et des capacités respiratoires, une cardiomyopathie et le décès entre 20 et 40 ans.
« Depuis la découverte du gène responsable de la maladie en 1986, il a fallu relever de nombreux défis scientifiques : reproduire une version efficace de la protéine qui fait défaut, puis trouver le bon « moyen de transport » pour atteindre toute la masse musculaire, et en quantité suffisante tout en contrôlant la réponse immunitaire », présente Serge BRAUN. « L’excellence de la recherche menée à Généthon, associée à l’expertise de grands scientifiques, nous permet aujourd’hui d’obtenir des résultats extrêmement encourageants dans le cadre de l’essai clinique en cours ».
Des chercheurs et experts de Généthon, en collaboration avec des équipes françaises et anglaises, ont en effet mis au point un candidat-médicament de thérapie génique utilisant une version raccourcie, mais fonctionnelle du gène de la dystrophine (le plus long gène connu), responsable de la myopathie de Duchenne. Lancé par Généthon en 2021, l’essai consiste à évaluer l’efficacité de ce candidat médicament de thérapie génique chez des enfants âgés de 6 à 10 ans, encore en capacité de marcher. Il combine les phases I/II/III et associe une étape d’escalade de dose, suivie d’une phase pivotale à la dose finalement choisie. A l’heure actuelle, 5 patients âgés de 6 à 10 ans ont été traités, 4 en France et 1 au Royaume-Uni. 2 patients ont été traités à la première dose et 3 au second palier de dose.
Serge BRAUN - ©Jean Yves Seguy / AFM-Telethon |
Frédéric Revah, directeur général de Généthon - ©Franck Beloncle / AFM-Téléthon |
Des résultats très prometteurs
Les résultats de sécurité montrent une bonne tolérance du GNT0004, ainsi que des données d’efficacité, tant en termes d’expression de microdystrophine que d’amélioration fonctionnelle. À la dose de 3x1013 vg/kg (second palier de dose), on observe chez les patients :
→ 8 semaines après injection, jusqu’à 85% de fibres musculaires exprimant la microdystrophine (moyenne 54% ; 15%-85%) mesurées par immunohistochimie, et une reconstitution du complexe de protéines associées à la dystrophine. Cette expression coïncide avec un nombre significatif de copies de génome du vecteur/noyau de fibres musculaires, jusqu’à 2.4 (moyenne : 1.2 ; 0,4-2,4) ;
→ une baisse du taux de CPK (un biomarqueur de souffrance musculaire) comprise entre 50% et 87% (moyenne : 74%) 12 semaines après traitement, et persistante (jusqu’à 18 mois de suivi pour les deux premiers patients traités à cette dose). Les résultats d’efficacité des patients du deuxième palier de dose démontrent une évolution clinique positive, avec un score clinique (échelle NSAA) stabilisé ou en amélioration pour l’un des patients.
D’autres fonctions évaluées (temps de marche sur 10 mètres, temps pour se relever du sol) aident également à quantifier l’amélioration des performances. Une évolution qui contraste avec celle des patients non traités suivis au sein de l’étude d’histoire naturelle menée en parallèle par Généthon, et pour lesquels les fonctions motrices déclinent rapidement sur la même période. Il est à noter par ailleurs que la dose efficace, retenue pour la poursuite de l’essai, est inférieure à celles administrées dans d’autres essais de thérapie génique pour la myopathie de Duchenne, ce qui représente un atout en termes de sécurité et de production.
Après l’avis positif du DMC (Comité d’experts Indépendant), Généthon prépare l’étape pivot de l’essai qui étendra le nombre de centres cliniques (Europe et Etats-Unis) et le nombre de patients inclus. « Ces résultats obtenus avec notre candidat médicament sont très encourageants, chez les patients traités à la plus forte dose, tant en termes d’expression de la micro-dystrophine que d’amélioration fonctionnelle. Ils montrent que la thérapie génique peut apporter des solutions à l’une des maladies génétiques les plus complexes. Ils nous permettent également de préparer la phase pivotale de l’essai qui inclura une soixantaine de malades. Une phase qui devrait démarrer mi-2025 et dont le coût est évalué à 115 M€ », déclare Frédéric REVAH, directeur général de Généthon.
Hélène, maman de Sacha, 8 ans, atteint de myopathie de Duchenne, témoigne. « Nous avons bénéficié de 35 ans de recherche et d’effort collectif. Je n’étais pas née que les chercheurs travaillaient déjà pour sauver la vie de mon enfant et aujourd’hui j’ai envie de dire merci au Téléthon », déclare Hélène.
Sacha a été diagnostiqué à 2 ans d’une myopathie de Duchenne. Un « uppercut » pour ses parents. En décembre 2022, Sacha, à 6 ans, fait partie des premiers enfants qui ont pu bénéficier, dans le cadre d’un essai clinique, du candidat médicament de thérapie génique mis au point par Généthon, le laboratoire du Téléthon. Aujourd’hui, tous les espoirs sont permis car Sacha court, saute, grimpe, fait du vélo, monte les escaliers une jambe après l’autre et même en courant. Inimaginable pour un enfant atteint de cette maladie... « Le combat n’est pas gagné mais il continue plus fort que jamais », assure le directeur scientifique de l’AFM-Téléthon.
« Portraits de Nathan, en compagnie d’une chercheuse de Généthon » - ©Mathieu Génon / AFM-Téléthon
Y a-t-il des résultats encourageants dans d’autres maladies ?
« Bien sûr ! Désormais, la recherche avance très vite dans de nombreuses maladies. Dans la maladie de Crigler-Najjar, par exemple, une maladie rare du foie, le candidat-médicament de thérapie génique de Généthon a permis aux patients traités à la dose efficace d’arrêter les heures quotidiennes de photothérapie, indispensables à leur survie », répond Serge BRAUN.
« Plus de 4000 enfants atteints d’amyotrophie spinale dans le monde ont par ailleurs bénéficié du traitement de thérapie génique qui est issu de recherches pionnières de notre laboratoire Généthon. Ces thérapies représentent une véritable révolution de la médecine qui bénéficie aux maladies rares certes, mais également à des maladies plus fréquentes comme certains cancers. »
Quels sont les nouveaux défis à relever ?
Les technologies actuelles de la thérapie génique, même si elles ont déjà montré leur efficacité dans des maladies du sang, du système immunitaire, de la vision, du foie et aujourd’hui du muscle, doivent être améliorées pour pouvoir être adressées au plus grand nombre. Les chercheurs travaillent aujourd’hui sur deux défis majeurs : la maitrise de la réponse immunitaire et l’optimisation de l’efficacité et de la production de ces candidats-médicaments.
95% des maladies rares demeurent sans traitement. Le combat doit s’amplifier et s’accélérer pour toutes les familles qui attendent. C’est ce à quoi s’attelle l’AFM Téléthon en organisant chaque année le Téléthon, une mobilisation populaire unique au monde pour disposer des moyens financiers d’une recherche innovante et puissante, et faire sortir les maladies rares du désert scientifique et médical. Une triple révolution génétique, sociale et médicale !
Grâce aux dons en 2023, 37,6 millions € ont été dédiés à l'aide aux malades (consultations pluridisciplinaires, établissements de soins, services régionaux…) et 53,3 millions € pour la mission Guérir auxquels se sont ajoutés 9 M€ sous forme d'avances et investissements dans la recherche. 40 essais cliniques sont désormais en cours ou en préparation pour 33 maladies. Le Téléthon 2024 se tiendra les 29 et 30 novembre prochains. Mobilisons-nous !
Pour en savoir plus :
- sur l’AFM-Téléthon : www.afm-telethon.fr
- sur Généthon : www.genethon.fr
Et découvrez l’histoire de Sacha
S. DENIS