GSPR, la documentation : L’avoir ou ne pas l’avoir ? Telle est la question pour les laboratoires
Sous la courte abréviation GSPR se cache en fait le coeur de la documentation technique. La charge de travail qui en ressort pour les laboratoires utilisant des dispositifs internes peut paraître énorme. Néanmoins les GSPR comme décrits dans l’annexe I de l’IVDR détaillent les informations qui doivent être préparées par les laboratoires utilisant des DIV internes.
Car les exigences de l’Annexe I sont la clé de l’article 5.5 qui soumet les laboratoires au Règlement (UE) 2017/746 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.
Rendons la réglementation amusante à nouveau !
Lorsqu'il s'agit de l'IVDR et des laboratoires, les Exigences Générales en Matière de Sécurité et de Performance (GSPR) sont souvent perçues comme un fardeau inévitable. Mais sont-elles réellement un cauchemar bureaucratique, ou peuvent-elles être abordées de manière à apporter de la valeur ? Et surtout : avons-nous vraiment le choix ?
Qu'est-ce que les GSPR ?
Les GSPR constituent l'épine dorsale de la conformité à l'IVDR, garantissant que les dispositifs de diagnostic in vitro (DIV) répondent aux critères essentiels de sécurité et de performance. Pour les fabricants, la conformité aux GSPR est une évidence, mais pour les laboratoires développant leurs propres tests en interne (LDTs), la question se pose : dans quelle mesure ces exigences s'appliquent-elles ?
Selon l’article 5.5 de l’IVDR, les laboratoires doivent remplir les GSPR pour pouvoir bénéficier de l’exemption pour les DIV In House.
De plus les GSPR créent tout un cadre réglementaire de normes et standards liés les uns aux autres dans une optique de l'état de l’art (State of the Art). Une hiérarchie dans leur validité est créée par le droit constitutionnel européen. Le graphique (Image 1) démontre les liaisons entre ces standards et recommandations. Cela créé pour les laboratoires des goulots d’étranglements au niveau des ressources.
La hiérarchie des normes s’appliquant aux laboratoires dans le cadre de l’IVDR art. 5.5 ©image créée par Platomics
Les exigences techniques des GSPR
L'Annexe I de l’IVDR, définit les exigences fondamentales en matière de sécurité et de performance des dispositifs de diagnostic in vitro (DIV) dans l’Union européenne. Ces exigences sont organisées en trois grands chapitres qui couvrent des aspects essentiels de la conception, de la fabrication et de l’information fournie avec le dispositif.
Tout d’abord, les exigences générales établissent que tout dispositif doit être sûr et performant tout au long de son cycle de vie. Le fabricant doit garantir que le rapport bénéfice/risque du dispositif est favorable et que les risques sont réduits autant que possible grâce à une gestion rigoureuse des risques. Par ailleurs, le fabricant doit prouver que le dispositif fonctionne comme prévu, notamment en démontrant sa performance analytique et clinique. La stabilité et la fiabilité du produit, y compris sa durée de conservation et les conditions de stockage, doivent également être validées afin d'assurer une performance constante.
Ensuite, les exigences relatives à la conception et à la fabrication imposent aux fabricants de veiller à la sécurité des matériaux utilisés et de prévenir toute toxicité chimique ou biologique. Les dispositifs doivent être compatibles avec d'autres équipements et logiciels avec lesquels ils sont censés fonctionner, tout en étant protégés contre toute contamination microbiologique. Il est également essentiel de garantir la sécurité électrique, la protection contre les rayonnements et d’assurer une conception ergonomique qui facilite l’utilisation du dispositif par les professionnels de santé ou les utilisateurs finaux. Pour les dispositifs intégrant un logiciel, la cybersécurité est un élément clé, et des mesures doivent être mises en place pour protéger les données et garantir l’intégrité du fonctionnement du dispositif.
Enfin, l’IVDR impose des exigences strictes en matière d’information fournie avec le dispositif. L’étiquetage doit être clair, compréhensible et conforme aux normes en vigueur, avec des symboles normalisés et des informations traduites dans les langues officielles de l’Union européenne. Les instructions d'utilisation doivent être suffisamment détaillées pour permettre une utilisation sûre et efficace du dispositif, tout en précisant ses limitations et éventuelles mises en garde. Par ailleurs, chaque dispositif doit être identifiable grâce à un système de traçabilité, notamment via l’Identifiant Unique des Dispositifs (UDI), afin de garantir une surveillance efficace après sa mise sur le marché.
En résumé, les GSPR de l’IVDR exigent des fabricants (et de manière détournée par l’article 5.5. des laboratoires) qu'ils démontrent la conformité de leur dispositif en s’appuyant sur une évaluation des performances rigoureuse, une gestion des risques efficace et une documentation technique complète. Cette approche vise à garantir que seuls des dispositifs sûrs, performants et conformes aux normes réglementaires européennes sont mis sur le marché.
Pour les laboratoires, la difficulté consiste à déterminer comment traduire ces exigences dans la routine du diagnostic clinique et non de la production industrielle des fournisseurs de DIV traditionnels.
Cela demande des connaissances réglementaires, mais aussi des ressources qui ne sont pas toujours disponibles dans les infrastructures de laboratoires.
Les techniques possibles pour la documentation des GSPR
La conformité aux GSPR peut être documentée de différentes manières, mais toutes les approches ne sont pas aussi pratiques :
Documentation papier : Traditionnelle mais fastidieuse, avec l'avantage d'être largement acceptée.
Solutions numériques : Plus efficaces, mais nécessitent une validation et une maintenance rigoureuses.
Papier vs. Numérique : Avantages et inconvénients
Documentation papier
Avantages :
• Format bien établi
• Les auditeurs y sont habitués
• Support physique, pas de risque de panne système
Inconvénients :
• Difficile à maintenir et à mettre à jour
• Problèmes de stockage et d'accessibilité
• Traçabilité et révisions limitées
Documentation numérique
Avantages :
• Plus structurée et facilement consultable
• Mises à jour et gestion des versions simplifiées
• Amélioration de la collaboration et de l'intégration des données
Inconvénients :
• Nécessite un système validé
• Risques potentiels de cybersécurité
• Effort initial de mise en place et de formation
Avoir ou ne pas avoir ? Pas vraiment un choix.
Pour les laboratoires utilisant des LDTs, l'IVDR est clair : la conformité n'est pas optionnelle. Qu'ils soient totalement alignés avec les fabricants ou qu'ils appliquent des exemptions en vertu de l'Article 5.5, les laboratoires doivent documenter la sécurité et la performance. Ignorer cette réalité n'est pas envisageable.
Les approches pour la conformité aux GSPR
Toutes les stratégies ne se valent pas. Certaines approches courantes (mais problématiques) incluent :
• Approche unique pour tous : Essayer d'appliquer le même modèle à tous les tests. Cela fonctionne rarement en raison des variations spécifiques aux tests.
• Conformité minimale : Documenter le strict minimum, ce qui peut être risqué en cas de contrôle renforcé.
• Absence totale de documentation : Une prise de risque dangereuse qui ne résistera pas à un audit.
La bonne approche : Regroupement stratégique & conformité adaptée
Plutôt que de traiter tous les LDTs de manière identique, les laboratoires devraient envisager :
• Le regroupement des tests similaires pour rationaliser la documentation.
• L'utilisation de modèles structurés tout en permettant une flexibilité pour les données spécifiques aux tests.
• La mise en place de solutions numériques pour améliorer l'efficacité et la traçabilité.
Solutions techniques : L’avenir de la documentation des GSPR
Les laboratoires devraient s'appuyer sur des normes existantes comme ISO 5649 pour structurer leur documentation. Les outils numériques peuvent considérablement réduire la charge de travail s'ils sont mis en œuvre correctement, garantissant ainsi la conformité sans complexité administrative inutile.
Un regard dans la boule de cristal : Une IVDR 2.0 pour les laboratoires ? Peu probable.
Y aura-t-il une révision de l'IVDR plus favorable aux laboratoires ?
Beaucoup espèrent…mais cela n’aura probablement pas lieu.
En effet lors de la conférence du VDGH (VDGH · Verbunden durch Diagnostik. Gemeinsam handeln. | VDGH ) en novembre 2024 à Francfort, où beaucoup d’acteurs européens étaient présent, la question a été posée par l’audience de savoir si, dans une IVDR 2.0, la charge de travail pour les laboratoires selon l’art. 5.5. allait être aussi révisée comme pour les fournisseurs industriels. La réponse a été 'non'.
La tendance est à un contrôle plus strict, pas à un assouplissement. Les laboratoires qui s'adaptent dès maintenant auront une longueur d'avance lorsque d'autres réglementations arriveront inévitablement.
il est ainsi nécessaire que les laboratoires implémentent des solutions pratiques, leur permettant de couvrir tous les types de scénarios de In House DIV, même les versions “lite”.1
The future of the IVDR 2.0 ? © Image créée par l'IA
Conclusion : La conformité comme un atout concurrentiel
Plutôt que de considérer la documentation des GSPR comme une obligation, les laboratoires devraient la voir comme une opportunité d'améliorer la qualité, d'assurer la sécurité des patients et de pérenniser leurs opérations. Qu'il s'agisse de solutions papier ou numérique, une conformité structurée est la seule voie durable. Alors, rendons la réglementation amusante à nouveau ! Ou du moins, faisons en sorte qu'elle nous soit utile.
Litterature:
1.Rabenau, HF. et al The new in Vitro diagnostic (IVDR): assistance…) GMS Zeitschrift zur Förderung der Qualitätssicherung in medizinischen Laboratorien13, 1-18 (2022)
Autrice:
Marie Salin, Auditrice-Consultante
Certifiée TÜV auditor for medical devices, ISO 13485 ISO 15189
+de 20 ans d’expérience dans le monde du DIV
marie.salin@platomics.com
Glossaire:
GSPR : Exigences générales de sécurité et de performance
DIV : dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (IVD)
IVDR : Règlement (UE) 2017/746 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro
Références:
MDCG 2023-1 - Guidance on the health institution exception under Article 5(5) of Regulation (EU) 2017/745 and Regulation (EU) 2017/746 - January 2023 - European Commission (europa.eu)
MDCG 2024-11 - Guidance on qualification of in vitro diagnostic medical devices (October 2024) - European Commission
Ordonnance n° 2022-1086 du 29 juillet 2022 portant sur l'adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro
ISO 22367:2020 Laboratoires de biologie médicale - Application de la gestion des risques aux laboratoires de biologie médicale