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2023-07-17 
Première - 2 enfants atteints d'une maladie métabolique soignés par un anti-cancéreux

Pour la première fois, deux enfants atteints d'une maladie métabolique rare avec trouble neurologique (acidurie D-2-hydroxyglutarique - D-2-HGA - avec mutation germinale IDH2) ont pu bénéficier d’un traitement efficace. Ils ont été inclus au sein de l’essai pédiatrique AcSé-ESMART, promu par Gustave Roussy, pour être traités avec l’enasidenib. Cette molécule anti-cancéreuse innovante, déjà connue pour ses résultats prometteurs sur certaines formes de leucémie myéloïde aiguë, a amélioré leurs fonctions cardiaque et cognitives. Nature Medicine, une revue du groupe Nature, rapporte le cas de ces deux enfants qui ont pu être traités grâce à la collaboration des équipes de Gustave Roussy et de l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP).

https://www.nature.com/articles/s41591-023-02382-9

C’est une première qui a pu être réalisée grâce à la synergie des expertises entre recherche et clinique et la collaboration de plusieurs centres hospitalo-universitaires.

L'acidurie D-2-hydroxyglutarique (D-2-HGA) est un trouble génétique rare caractérisé par des taux élevés d'acide D-2-hydroxyglutarique dans les urines, le plasma et le liquide céphalo-rachidien. Les formes cliniques de cette maladie neuro-métabolique sont extrêmement variables incluant des cas graves et apparaissent dans la période néonatale ou la petite enfance. La maladie entraîne généralement hypotonie, retard mental et psychomoteur, épilepsie et cardiomyopathie. Il n’existe à ce jour aucun traitement spécifique.

Thérapie ultra-ciblée prometteuse pour une même mutation dans deux maladies

Grâce au séquençage moléculaire et à la médecine de précision, il est désormais plus facile et rapide de détecter certaines mutations génétiques. La D-2-HGA présente des mutations constitutives (germinales) du gène IDH2, les mêmes que celles retrouvées dans certaines formes de leucémies aiguës myéloïdes sur lesquelles travaille le Dr Stéphane de Botton, chef du comité hématologie de Gustave Roussy – et son équipe. L’oncologue avait rapporté au congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO) en 2022 les bons résultats d’une étude de phase III avec une thérapie ultra-ciblée sur IDH2, l’enasidenib. Au cours de leurs travaux, les chercheurs avaient établi la preuve préclinique des bénéfices des inhibiteurs d'IDH2, y compris sur l'amélioration des troubles cardiaques.

Autorisée par la FDA aux Etats-Unis en 2017, cette molécule ne l’est pas encore en Europe, y compris en France dans le cadre d’un usage compassionnel (hors essai clinique) pour les enfants atteints de D-2-HGA. Or, cette molécule fait partie des médicaments en cours d’évaluation dans le cadre de l’essai Acsé-ESMART qui propose des traitements innovants (thérapies ciblées, immunothérapies) adaptés au profil moléculaire et immunologique d’enfants et adolescents atteints de cancer. « Des discussions ont été menées avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ainsi que le comité d’éthique lors de l’ajout de l’enasidenib dans l’essai pour les enfants atteints de leucémie et de tumeurs solides portant la mutation IDH2. S’appuyant sur les travaux de recherche qui démontraient les bénéfices de la molécule notamment au niveau cardiaque et métabolique, des patients atteints de D-2-HGA qui ne souffraient pas de cancer ont pu être inclus dans ce bras de l’essai », explique la Dr Birgit Geoerger, pédiatre oncologue à Gustave Roussy et investigatrice principale de l’essai Acsé-ESMART. En 2018, le protocole a été approuvé et un premier enfant atteint du D-2-HGA, suivi depuis sa naissance conjointement à l’hôpital Necker-Enfants malades (AP-HP) et dans le service de cardio-pédiatrie de la clinique Diaconat-Fonderie de Mulhouse, a pu y être inclus pour démarrer son traitement à l’âge de 7 ans : un comprimé d’enasidenib une fois par jour. Au moment de son inclusion dans l’essai, ce jeune patient présentait des déficits neurologiques et développementaux très sévères, ainsi qu’une insuffisance cardiaque importante conduisant à un défaut de croissance.

Après quatre années de suivi, « Le traitement, bien toléré et sans effet secondaire, a normalisé son métabolite D-2-HG dans le sang et les urines dès la première mesure après seulement 8 jours de prise » explique la Dr Geoerger. « Sa motilité, ses forces physiques, sa capacité d’interaction et sa fonction cardiaque ont ensuite été améliorées. L’enfant a également progressé sur le plan cognitif et dans ses apprentissages ».
Un deuxième enfant suédois atteint de la même maladie a été à son tour inclus dans le protocole et a pu démarrer le même traitement en octobre 2021. Les résultats indiquent également des bénéfices sur les fonctions motrices, exécutives et cognitives notamment.    
« C’est une révolution pour ces enfants et leurs parents ! Mais le traitement n’étant pas curatif, il doit être administré de manière continue et probablement tout au long de la vie » souligne la Dr Geoerger. « Nous avons constaté qu'après seulement 4 jours d'interruption chez le premier patient, le marqueur D-2-HG était remonté ».

D’autres enfants atteints de D-2-HGA suivis aux Pays-Bas, en Grèce, en Angleterre et en Suisse pourraient être inclus dans l’essai Acsé-ESMART pour bénéficier du traitement.
Sur la base de ces résultats très positifs, la molécule pourrait poursuivre son développement dans cette maladie génétique rare, en lien avec les autorités réglementaires et les associations de patients, afin que les enfants aient accès tout au long de leur vie à ce traitement.

Le plan France Médecine Génomique 2025, qui permet aux patients atteints d’une maladie rare ou d’un cancer de bénéficier d’un séquençage complet, devrait permettre le repositionnement d’autres médicaments qui ciblent des anomalies génétiques.

Source :
Nature Medicine
Enasidenib treatment in two individuals with D-2-hydroxyglutaric aciduria carrying a germline IDH2 mutation
Publié en ligne le 29 mai 2023
https://doi.org/10.1038/s41591-023-02382-9

 

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