2025-03-06 

L'excellence du CHU de Brest et du réseau F-Crin « Innovte » saluée par la prestigieuse revue scientifique The Lancet

L’essai RENOVE est publié sur le site THE LANCET (open access). Il est coordonné par le Pr Francis Couturaud, pneumologue au CHU de Brest, professeur des universités à l’Université de Bretagne Occidentale, directeur de l’unité INSERM U1304 et coordinateur du réseau F-Crin « Innovte » (Réseau National d’Investigation dans la Maladie Thromboembolique Veineuse).

Chez les patients ayant une maladie thromboembolique veineuse, laquelle peut se manifester sous la forme d'une thrombose veineuse profonde ou d'une embolie pulmonaire, une anticoagulation prolongée est indiquée dans plus de la moitié des cas. Toutefois, ce traitement expose à un risque hémorragique non négligeable.
Jusqu'à présent, aucune étude n'avait démontré la possibilité de réduire la dose d'anticoagulants oraux directs (AOD), en particulier le rivaroxaban et l’apixaban, après les premiers mois de traitement. Les recommandations en vigueur, européennes (European Society of Cardiology/European Respiratory Society) et américaines (American Society of Hematology) suggèrent pourtant cette diminution posologique, alors même qu’aucune preuve solide vis-à-vis du bénéfice clinique (en termes de récidives de thrombose et de la survenue d’hémorragies) ne justifie la prescription systématique d'une demi-dose chez les patients nécessitant une anticoagulation prolongée.
C’est dans ce contexte que l’étude RENOVE a été conçue (financement académique par Programme Hospitalier de Recherche Clinique National, ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles). Son objectif principal était de démontrer qu’une dose réduite d’anticoagulants oraux directs n’était pas moins efficace qu’une dose pleine sur le risque de récidive thromboembolique puis, le cas échéant, d’évaluer si la dose réduite permettait une diminution du risque de saignement majeur et de saignement non majeur cliniquement pertinent.  _____________________________________________________________________________
Pour la coordination de l'étude RENOVE :
CHU de Brest (promotion) ; UMR INSERM 1304-GETBO (Groupe d'Étude de la Thrombose de Bretagne Occidentale) ; UBO (Université de Bretagne Occidentale).
Le réseau FCRIN INNOVTE (INvestigation Network On Venous Thrombo-Embolism) a coordonné les 47 CHU et CHG qui ont permis l’inclusion des 2768 patients en France dans les délais prévus.
Cette étude a aussi été soutenue par le réseau mondial INVENT (International Network of VENous Thromboembolism Clinical Research Networks).
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À propos de l’étude RENOVE
L'essai de non-infériorité académique RENOVE repose sur un design multicentrique, randomisé, en ouvert, avec une adjudication en aveugle de tous les événements. Tous les patients (>18 ans) inclus avaient reçu un traitement anticoagulant à dose curative pendant une période initiale de 6 à 24 mois sans interruption. Seuls ceux pour lesquels une poursuite du traitement était jugée nécessaire ont été randomisés pour poursuivre l’anticoagulation, soit à dose standard (doses complètes apixaban : 5 mg deux fois par jour ; rivaroxaban : 20 mg une fois par jour), soit à dose réduite (demi-dose), pour une durée non limitée.
Au total, 2 768 patients présentant une thromboembolie veineuse aiguë symptomatique (embolie pulmonaire ou thrombose veineuse profonde proximale) ont été suivis sur une durée médiane de 37,1 mois. L’étude s’est déroulée de novembre 2017 à juillet 2022. Dans 85 % des cas, les patients inclus avaient une embolie pulmonaire. 60 % ont été inclus après un premier épisode non provoqué (survenu sans circonstance déclenchante), tandis que 34 % l’étaient au décours d’un deuxième ou un troisième épisode de maladie thromboembolique veineuse non provoquée. 30 % des patients étaient à haut risque hémorragique. Ainsi, la population incluse était à la fois à haut risque de récidive thromboembolique, avec des épisodes sévères, et à haut risque hémorragique.

Les principaux résultats de RENOVE
La non-infériorité sur le critère principal des récidives thromboemboliques veineuses n’est pas démontrée. En effet, le taux de récidive cumulée à 5 ans est de 2,2 % dans le groupe AOD à dose réduite, contre 1,8 % dans le groupe AOD à dose pleine (différence non significative). « Autrement dit, précise le Pr Francis Couturaud, on ne peut pas exclure formellement une légère perte d’efficacité d’une dose réduite d’AOD. Toutefois, les taux de récidive observés dans les deux groupes sont très proches et plus de trois fois inférieurs à ce qui avait été initialement anticipé, ce qui confirme que les traitements anticoagulants utilisés sont très efficaces. »  
Le deuxième résultat important est la réduction du risque d’hémorragie majeure et d’hémorragie non majeure cliniquement pertinente : le groupe à dose réduite présente une diminution de 39 % de ces événements hémorragiques.
Pr Francis Couturaud : « En résumé, l’incidence cumulée des récidives thromboemboliques veineuses à 5 ans est d’environ 2 % dans les deux groupes. En revanche, pour les hémorragies, on observe 15 % d’événements à 5 ans (graves ou non graves mais cliniquement pertinents) dans le groupe à dose pleine, contre 9,9 % dans le groupe à dose réduite. Le critère combiné (récidives thromboemboliques veineuses et hémorragies) montre une réduction globale de 33 %, ce qui constitue un bénéfice clinique majeur, et ce pour la première fois démontré dans cette population. »

Quelles sont les implications de RENOVE en pratique ?
Au vu des résultats, pour la majorité des patients ayant eu un traitement anticoagulant curatif pendant au moins six mois et qui nécessitent un traitement au long cours, l'option à privilégier est la réduction de la dose des AOD de moitié, à l'exception probable de certains sous-groupes tels que les patients présentant une embolie pulmonaire à haut risque de décès et ceux en situation d’obésité.
Ensuite, « l’étude ouvre une perspective intéressante, souligne le pneumologue. Il est désormais possible d'expliquer au patient que les deux options (demi-dose ou dose pleine d’AOD) sont toutes les deux extrêmement efficaces. Bien que l’on ne soit pas parvenus à prouver qu’elles sont strictement identiques, l’incidence des événements reste extrêmement faible. Le bénéfice concernant le risque hémorragique est net, avec une réduction relative de 39 % du risque, et que le risque combiné de récidives et d’hémorragies est réduit de 33 % ».
En cela, les résultats de RENOVE donnent matière à une décision médicale partagée, où le choix thérapeutique est orienté en fonction des préférences et priorités du patient, tout en intégrant les données scientifiques. « Certains patients, particulièrement ceux qui privilégient absolument la limitation du risque de récidive, pourraient être prêts à accepter le risque hémorragique lié à la prise d’AOD pleine dose, même léger, afin de se protéger contre une nouvelle embolie pulmonaire, explique le Pr Couturaud. En revanche, d’autres patients, ayant intégré qu’il s’agit d’une stratégie de prévention, pourraient estimer que le risque de récidive est extrêmement faible (0,4 % par an, quelle que soit la dose d’AOD). Pour eux, l'incidence des récidives est négligeable, et leur priorité pourrait être plutôt de minimiser les effets secondaires du traitement, à savoir le risque hémorragique inhérent aux anticoagulants. Ceci au moyen d’une dose réduite d’AOD. »
A noter : Aucun signal n’apparaît à propos d’un risque accru d'événements artériels thromboemboliques (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux, etc.) dans le groupe ayant reçu la demi-dose par rapport au groupe ayant reçu la dose pleine. Ainsi, aucune perte de chance sur la prévention du risque cardiovasculaire n’a été constatée, pas plus qu’un sur-risque de décès. Par ailleurs, c’est la première fois qu’une étude permet de comparer ces deux médicaments utilisés couramment - rivaroxaban et apixaban. Aucune différence significative en termes d'efficacité et d'innocuité n’est signalée.  
 
RENOVE va changer les recommandations et les pratiques
« Ces résultats vont entraîner une révision des recommandations, tant au niveau national qu'international, confirme le Pr Francis Couturaud. En France, avec l’ensemble des sociétés savantes impliquées dans la maladie thrombo-embolique veineuse, nous allons affiner les recommandations pour intégrer ces nouvelles données. Les recommandations européennes et américaines devraient également évoluer, selon nos informations. Notre étude RENOVE servira ainsi de base pour justifier qu'une réduction de moitié de la posologie d’AOD est très bénéfique pour une majorité de patients, en particulier les patients à haut risque hémorragique, tels que les personnes âgées, tout en précisant qu'elle ne convient peut-être pas aux patients en situation d’obésité ou à ceux ayant des embolies pulmonaires sévères non provoquées avec un risque élevé de décès. Étant donné la simplicité des critères d'inclusion des patients de RENOVE, ceux-ci étaient très représentatifs des patients rencontrés en routine, ce qui rend les résultats extrapolables à une majorité de notre patientèle en pratique clinique quotidienne. »
Lien vers l'article de The Lancet
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* Pour aller plus loin. Les résultats de RENOVE en détail.
 Le suivi médian était de 37,1 mois. La récidive de thromboembolie veineuse est survenue chez 19 des 1383 patients du groupe à dose réduite (incidence cumulative à 5 ans de 2,2 % [IC à 95 % 1,1-3,3]) contre 15 des 1385 patients du groupe à dose complète (incidence cumulative à 5 ans de 1,8 % [0,8-2,7]; HR ajusté 1,32 [IC à 95 % 0,67-2,60]; différence absolue de 0,40 % [IC à 95 % –1,05 à 1,85]; p=0,23 pour la non-infériorité).  
Des saignements majeurs ou cliniquement pertinents sont survenus chez 96 patients dans le groupe à dose réduite (incidence cumulative à 5 ans de 9,9 % [IC à 95 % 7,7-12,1]) et 154 patients dans le groupe à dose complète (incidence cumulative à 5 ans de 15,2 % [12,8-17,6]; HR ajusté 0,61 [IC à 95 % 0,48-0,79]).
Le critère combiné (récidive thrombo-embolique et saignements majeurs ou cliniquement pertinents) est survenu chez 113 patients dans le groupe à dose réduite (incidence cumulative à 5 ans de 11,8 % [IC à 95 % 9,4-14,3]) et 166 patients dans le groupe à dose complète (incidence cumulative à 5 ans de 16,6 % [14,0-19,0]; HR ajusté 0,67 [IC à 95 % 0,53-0,86]).
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