Février 2005 - n°96
Le Laboratoire National d’Essais inaugure son pôle de recherche en métrologie électrique et en nanométrologie
Fin janvier 2003, à Trappes, M. Claude PICOT et M. Marc MORTUREUX
– respectivement Président et Directeur Général
du LNE – posaient la première pierre d’un nouveau bâtiment
dédié à la recherche en métrologie électrique
et en nanométrologie (cf Les Archives de La Gazette sur http://www.gazettelabo.fr).
Désormais opérationnel, le pôle de recherche a été
inauguré le 4 novembre dernier, par le Ministre délégué
à l’industrie, M. Patrick Devedjian, sous la présidence
de M. Marc Mortureux, représentant le nouveau président du LNE,
M.Laurent Burelle, et en présence de tous les partenaires impliqués
: Ministère de l’Industrie, Conseil Régional d’Ile
de France, Conseil Général des Yvelines, Bureau National de
Métrologie.
Contexte et objectifs
En installant sur son site francilien une activité de recherche en
métrologie fondamentale, le Laboratoire National d’Essais confirme
sa volonté de mener à bien sa double vocation d’outil
technique de référence, à la croisée de la Science
et de l’Industrie. Au cœur de ses objectifs, s’imposent en
effet deux priorités :
- contribuer au progrès scientifique à l’échelle
internationale en développant de nouveauxétalons ou en améliorant
les étalons existants,
- anticiper les besoins de mesure des industriels à l’échelle
de l’infiniment petit.
La métrologie électrique et la nanométrologie sont deux
domaines marqués par une évolution majeure. Comme le souligne
le rapport de l’Académie des Sciences, " l’avènement
des constantes fondamentales Rk (von Klitzing) et Kj (Josephson) dans la métrologieélectrique,
et le développement considérable des nanotechnologies, ont totalement
bouleversé la vision et la pratique des laboratoires nationaux de métrologie,
ouvrant ainsi une ère nouvelle, incontestablement moderne de la métrologie
et suscitant un intérêt croissant pour une possible re-fondation
du système international d’unités ".
L’effet Josephson (EJ) et l’effet Hall quantique (EHQ), à
l’origine de ces constantes fondamentales, constituent la clé
de voûte d’une nouvelle approche des unités électriques,
compte tenu du très haut niveau de reproductibilité de ces unités
jamais atteint auparavant.
D’autre part, une expérience comme la balance du watt, dans laquelle
ces constantes interviennent pourrait être à l’origine
d’une nouvelle définition du SI dans lequel la constante de Plank
h prendrait le pas sur l’unité de masse kilogramme.
Il apparaît donc que la mise en œuvre d’expériences
visant à démontrer la cohérence entre les valeurs théoriques
et les valeurs phénoménologiques de ces constantes soit un objectif
majeur. Le nouveau pôle de recherche du LNE va contribuer encore davantage
à ses évolutions métrologiques et développements
de référence, en s’appuyant sur un outil technologique
aux meilleures performances.
Ces travaux scientifiques ont des retombées industrielles significatives,
car ils contribuent dans le même temps à repousser les limites
de mesure dans l’infiniment petit, au service du développement
des nanotechnologies.
Zoom sur le projet Nanométrologie du
LNE
Le nouveau bâtiment accueille aujourd’hui une trentaine de docteurs
ingénieurs et de techniciens spécialisés, dont les deux
tiers sont affectés à la métrologie électrique,
et l’autre tiers se consacre aux recherches en nanométrologie.
Notons que, dans le domaine de la nanométrologie, le LNE s’est
fixé trois grands objectifs :
- assurer la mission confiée par le BNM visant à anticiper les
besoins industriels émergents (biotechnologies, microélectronique…)
dans le domaine de la mesure dimensionnelle à l’échelle
nanométrique.
- concevoir et fabriquer un équipement de référence qui
permette de mesurer les caractéristiques dimensionnelles d’un
objet, avec une incertitude de l’ordre d’une dizaine de nanomètres
sur 1 cm.
- participer, en collaboration avec les industriels, les laboratoires de recherche
et la communauté scientifique internationale, à la conception
des futurs étalons de référence et des normes pour les
nanotechnologies.
Le projet Nanométrologie du LNE met enœuvre une table nanométrique
300 mm X 300 mm, associée à un microscope à force atomique.
L’objectif est de mesurer les dimensions (x, y, z) d’une nanostructure
présenteà la surface de l’échantillon, par exemple
la rugosité d’un miroir optique.
Dans ce cas précis, la zone inspectée est de 900 X 900 X 20
nm. Un facteur 1000 est donc gagné par rapport au micromètre
qui est l’ordre de grandeur communément rencontré pour
les mesures dimensionnelles.
Entre autres atouts de cette table nanométrique : une étendue
de mesure plus importante que celle d’autres laboratoires de métrologie
(NPL – Royaume Uni, NIST – USA, PTB – Allemagne), donc des
échantillons de plus grandes dimensions ; des mesures tri-dimensionnelles,
non destructives et des incertitudes nanométriques !
Un bâtiment conçu pour satisfaire
aux plus hautes exigences métrologiques
Les expérimentations scientifiques conduisant au développement
de ces nouveaux étalons nécessitent une très bonne maîtrise
des conditions de mesure. Pour garantir cette maîtrise, d’importants
moyens financiers ont été mis en œuvre dans la réalisation
du bâtiment : 10 millions d’euros, au total, cofinancés
par le Ministère de l’Industrie pour 50 %, le Conseil Régional
d’Ile-de-France pour 15 %, le Conseil Général des Yvelines
pour 11 %, le Bureau National de la Métrologie pour 14 %, et le LNE
pour 10 %.
Le nouveau bâtiment, dénommé Maxwell en référence
au célèbre physicien, occupe 3 380 m2 dont près
de la moitié est consacrée aux laboratoires de métrologie
électrique et à leurs salles de contrôle :
les salles de contrôle
occupent en moyenne 23 m2 chacune et les laboratoires proprement
dits, entre 20 et 60 m2 ;
une zone de 170
m2 est dédiée à l’expérience
de la balance de watt ; elle est constituée de la salle dans laquelle
se fera le montage du dispositif, d’une salle de gravimétrie
et d’une salle de contrôle ;
110 m2
sont réservés à l’activité de nanométrologie
comprenant une salle de préparation des échantillons, une salle
de contrôle, et deux salles pour les expérimentations ;
une aire de stockage
et de préparation des échantillons de 45 m2 est par
ailleurs commune à l’ensemble des laboratoires.
Le bâtiment Maxwell compte ainsi au total 10 salles d’expérimentation
de très haute technicité, répondant aux exigences les
plus élevées pour la réalisation des mesures de haute
exactitude :
- protection contre les vibrations : la majorité des expériences
exigeant un niveau de vibrations inférieur à quelques micromètres
par seconde, toutes les zones contiguës à la zone de laboratoires
sont équipées de dalles en béton reposant sur des suspensions
à ressort. Les laboratoires et salles de contrôle sont quant
à eux montés sur des dalles flottantes individuelles (constituées
de béton posé sur une couche de sablon), totalement désolidarisées
des autres structures du bâtiment. Une protection supplémentaire
est apportée aux laboratoires de nanométrologie et de la balance
du watt par un massif lourd individuel monté directement sur le sablon.
- précision et stabilité de la température : les laboratoires
sont tous régulés en température et hygrométrie
comme le prévoient les exigences métrologiques. A titre d’exemple,
le laboratoire de l’étalon de capacité exige une stabilité
de température de +/-0,1°C.
- gravité terrestre : les deux salles de la balance du watt devant
garantir une stabilitéà long terme de l’altitude et de
l’horizontalité, leurs sols reposent sur des piliers ancrés
dans les couches stables profondes du sous-sol.
- protection contre les perturbations électromagnétiques : pour
limiter au maximum les rayonnements électromagnétiques, la plupart
des salles de mesure ont été protégées par un
blindage et par des protections individuelles de chaque raccordement électrique
extérieur (insertion de filtres ou de cablages blindés selon
les cas).
- protection contre la contamination particulaire : le laboratoire de nanométrologie
et la salle de la balance du watt sont respectivementéquipés
de salles blanches de classe 1000, et ce, afin de protéger les échantillons
de toute contamination.
Lors de la cérémonie d’inauguration, Monsieur le Ministre
a annoncé qu’il confiait au LNE, en accord avec le ministre de
la Recherche, M. François d’AUBERT, le pilotage général
de la métrologie française par intégration des activités
du Bureau National de Métrologie, tout en continuant à associer
aux travaux menés les acteurs actuels du BNM que sont le CNAM, le CEA
et l’Observatoire de Paris. Dans ce cadre, le LNE représentera
la France auprès des instances internationales et européennes
chargées de la métrologie scientifique et appliquée…
Cette nouvelle mission conduira à rebaptiser le LNE, Laboratoire National
de Métrologie et d’Essais. Le LNE franchit ainsi une nouvelle
étape de son développement et accroît sa contribution
au rayonnement scientifique de la France au niveau national et international.
SD