Retrouvez dans nos brèves les actualités liées aux laboratoires et aux acteurs du monde des sciences


 

2021-04-07 

Réparation et mutation : une protéine à double rôle

•    La protéine Mfd répare l’ADN des bactéries, mais peut aussi, à la surprise des scientifiques, favoriser leur mutation.
•    Les mutations peuvent notamment induire une résistance des bactéries aux antibiotiques.
•    Comprendre ce deuxième « rôle » de la protéine Mfd ouvre des perspectives pour combattre l’antibiorésistance, mais aussi la résistance des tumeurs aux médicaments et traitements anti-cancéreux.


Toutes les bactéries, à l’aide d’une protéine spécialisée, sont capables de réparer efficacement les lésions UV que subit leur ADN. Cependant, cette protéine nommée Mfd joue un autre rôle et entraîne des mutations. Une équipe1 impliquant des scientifiques du CNRS, de l’ENS-PSL et soutenue par l’Inserm a mis en évidence et décrit ce phénomène. Mieux comprendre les mutations ouvre des perspectives dans la lutte contre les résistances aux antibiotiques et aux anti-cancéreux. Cette étude est publiée dans PNAS la semaine du 5 avril 2021.  

L’ADN peut subir de nombreuses dégradations incluant celles par les rayons UV. Tout comme un éboulement de terrain sur une voie de chemin de fer empêchera un train de passer, les dégâts générés par les rayons UV constituent un obstacle à l’ARN polymérase, une protéine qui parcourt la longueur d’un ADN pour lire ses instructions. Or, l’ARN polymérase bloquée sur un dégât empêche la réparation de ce dernier. Pour remettre « la voie » en état, les bactéries possèdent une protéine appelée Mfd qui déblaie l’ARN polymérase bloquée, puis recrute d’autres protéines pour aider à la réparation, évitant l’apparition de mutations.

Des biologistes de l’Institut de biologie de l'ENS (CNRS / ENS – PSL / Inserm) viennent de mettre en évidence un rôle jusque-là moins connu de cette protéine. En effet, elle est impliquée dans la formation de zones de l’ADN où les mutations apparaissent plus facilement.

La machinerie cellulaire impliquant la protéine Mfd répare normalement l’ADN mais quand une bactérie fait face à certains stress, comme la présence d’un antibiotique, elle emprunte une autre voie : Mfd s’agrippe à une ARN polymérase active en train de parcourir l’ADN, plutôt que de déblayer une ARN polymérase bloquée. Une fois liées, ensemble les deux protéines déroulent rapidement et à grande échelle la double hélice d’ADN jusqu’à l’ouvrir. L’ouverture du double brin d’ADN va créer un milieu propice pour la formation de zones particulières facilitant les mutations : les R-loops.

Les R-loops sont des structures encore peu comprises mais elles sont la source de nombreuses mutations : les scientifiques ont montré que près de la moitié des mutations chez les bactéries étaient dues à ces structures. Les résistances aux antibiotiques naissant des mutations, ces travaux, qui démontrent le lien entre Mfd et les R-loops, ouvrent de nouvelles perspectives dans la lutte contre l’antibiorésistance.

L’équipe de recherche souligne également que Mfd a des équivalents dans les diverses branches du vivant et que ce mécanisme de mutation est sans doute universellement présent. Chez l’humain par exemple, l’homologue de la protéine Mfd est impliquée dans le vieillissement accéléré et également dans certains cancers. Les scientifiques pensent qu’un mécanisme semblable à la formation des R-loops pourrait se produire dans les cellules cancéreuses, introduisant des mutations capables de les rendre résistantes aux traitements.
 

Télécharger le communiqué de presse

 


Partager cette brève :