2021-08-17
L’isolement de marqueurs génétiques renforce l’efficacité de la lutte contre les insectes ravageurs
Les mouches des fruits peuvent causer un désagrément dans une cuisine. Mais ce qui est plus grave, c’est que sur les terres cultivées dans le monde entier, ces insectes nuisibles très destructeurs peuvent ravager une production de fruits ou de légumes. La science et la technologie nucléaires ont contribué à réduire les populations de ces ravageurs de manière écologique grâce à la technique de l’insecte stérile (TIS). En coopération avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’AIEA a aidé les pays à appliquer la TIS, qui consiste à utiliser l’irradiation pour stériliser les insectes nuisibles et réduire ou éradiquer ainsi leurs populations au fil du temps.
C’est généralement les insectes femelles qui endommagent les fruits, en y pondant des œufs. La TIS, qui comprend l’élevage et le lâcher de centaines de millions d’insectes, est axée sur les insectes mâles, qui ne détruisent pas la production et ne causent pas de dommages économiques. Par conséquent, elle est plus efficace lorsque les mâles peuvent être séparés des femelles avant l’irradiation. « La TIS est plus efficace et plus rentable lorsqu’on lâche uniquement des mâles, ce que rend possible l’utilisation de méthodes de séparation comme celle reposant sur les souches de sexage génétique », explique Konstantinos Bourtzis, spécialiste en biologie moléculaire au Centre mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture et co-auteur d’un article publié cette année dans la revue Nature Communications. Une souche de sexage génétique permet de séparer un grand nombre d’insectes en fonction de leur sexe très tôt dans le cycle de développement des insectes (voir la section intitulée Le sexage génétique pour une application plus efficace de la TIS). « L’une des étapes les plus coûteuses de la TIS est l’élevage, poursuit Konstantinos Bourtzis. Alors pourquoi élever des femelles si elles ne sont pas utiles pour les lâchers ? »
La souche de sexage génétique requiert un marqueur génétique sélectionnable, c’est-à-dire un gène spécifique qui est lié au sexe de l’insecte et permet de séparer les mâles des femelles. La couleur de la pupe a été utilisée comme marqueur sélectionnable pour constituer une souche de sexage génétique pour certaines des espèces de téphritides les plus destructrices – Ceratitis capitata (mouche méditerranéenne des fruits), Bactrocera dorsalis (mouche orientale des fruits) et Zeugodacus cucurbitae (mouche du melon). La pupe est une forme immature de l’insecte, entre la larve et l’adulte.
Dans le cadre d’une étude récente menée par des experts du Centre mixte FAO/AIEA, en collaboration avec plusieurs établissements de recherche, des scientifiques ont isolé le gène de la pupe blanche, qui est responsable de la couleur de la pupe des téphritides. « À l’origine, la pupe est marron, mais en raison de mutations du gène, elle peut être blanche. Ainsi, il est possible d’associer la pupe marron aux mâles et la pupe blanche aux femelles, et de constituer une souche de sexage génétique. Il était intéressant de constater que la grande majorité des insectes testés étaient porteurs du gène de la pupe blanche, y compris chez les espèces présentant un intérêt pour la TIS », indique Konstantinos Bourtzis. L’isolement du gène de la pupe blanche, présent chez la plupart des espèces d’insectes, permettra de mettre au point plus rapidement des souches mutantes susceptibles d’être utilisées comme souches de sexage génétique. À titre d’essai de validation, de nouvelles souches de la mouche méditerranéenne des fruits et de la mouche des fruits du Queensland, Bactrocera tryoni, portant le gène mutant de la pupe blanche ont été mises au point.
« Il est maintenant possible de créer de façon ciblée de telles variations de couleur chez de nouvelles espèces. Cela peut être fait efficacement par une édition du génome très peu invasive, sans introduire de gènes étrangers », indique Marc F. Schetelig, de l’Institut de biotechnologie des insectes de l’Université Justus-Liebig, à Giessen, co-auteur de l’étude. « L’application de cette méthode à de nouvelles espèces permettra d’étendre la portée des programmes de TIS et de renforcer la gestion des insectes ravageurs à l’échelle d’une zone. »
Le sexage génétique pour une application plus efficace de la TIS
Une souche de sexage génétique est une souche qui permet de ne lâcher que des mâles dans le cadre des applications de la TIS. Dans une souche de sexage génétique, un marqueur sélectionnable donné, codant généralement pour un caractère phénotypique, est lié au sexe afin de faciliter le processus de triage. Certaines souches de sexage génétique peuvent comprendre plus d’un marqueur. La souche VIENNA 8 de la mouche méditerranéenne des fruits est porteuse de deux marqueurs sélectionnables : le gène de la pupe blanche (wp) et le gène thermosensible (tsl). Comme le gène wp, le gène tsl est un marqueur important, car il a permis d’associer la résistance à la température aux mâles et la sensibilité à la température aux femelles. Lorsque des embryons sont exposés à des températures élevées (34 ou 35 degrés Celsius), seuls les mâles survivent. « Dans cette souche de sexage génétique, le gène de la pupe blanche nous permet de veiller à la stabilité génétique du système de sexage en retirant tout « intrus », comme les individus qui ont la mauvaise couleur de pupe ou le mauvais profil tsl », explique Konstantinos Bourtzis. La souche de sexage génétique permet de n’élever et de ne lâcher que des mâles, ce qui est plus rentable dans le cadre des applications de la TIS, car les ressources ne servent alors pas à financer l’élevage et la stérilisation des femelles, qui doivent ensuite être écartées. L’élevage en masse et la mise en œuvre sur le terrain sont ainsi optimisés.
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