2021-10-25
Mémoire de peur : les réseaux cérébraux se réorganisent au cours du temps
Les mémoires de peur sont particulièrement fortes et résistantes à l’oubli malgré le temps qui passe. Grâce à une méthode d’imagerie cérébrale initialement développée pour les études chez l’humain, les scientifiques ont recherché, sur un modèle animal, si les réseaux cérébraux servant de support aux mémoires de peur se réorganisent au cours du temps. Leurs résultats, publiés dans la revue Cerebral Cortex, montrent que si la mémoire récente active un réseau cérébral très étendu, celui activé par une mémoire de peur ancienne est limité au cortex sensoriel.
Les mémoires de peur sont particulièrement résistantes à l’oubli comme en témoignent actuellement les récits poignants des rescapés des attentats du 13 Novembre. Tous les indices sensoriels (les sons, les odeurs, les images…) liés à ce terrible traumatisme sont gravés dans leur mémoire et peuvent resurgir des années après, avec beaucoup de force et de précision. Ces souvenirs ont laissé une trace indélébile dans leur cerveau.
L’un des acteurs clé de la formation des mémoires de peur est l’amygdale, petite structure paire en forme d’amande nichée au cœur de notre cerveau. Lorsque notre organisme rencontre un danger, l’amygdale est mise en alerte et dialogue avec d’autres aires cérébrales telles que le cortex préfrontal, l’hippocampe et les cortex sensoriels, pour constituer le réseau qui va servir de support à l’impression du souvenir dans notre mémoire.
Si ce réseau est maintenant bien connu pour les mémoires de peur récentes, il n’en va pas de même pour celui qui prend en charge les souvenirs anciens. En effet, on sait que les réseaux de la mémoire à long-terme se réorganisent au cours du temps, un processus qui peut s’étendre sur des mois, voire des années. Ce processus connu sous le terme de consolidation des systèmes, a été mis en évidence pour des mémoires qui dépendent non pas de l’amygdale, mais plutôt de l’hippocampe, comme c’est le cas pour la mémoire spatiale ou encore la mémoire déclarative (celle des souvenirs d’évènements personnels ou de connaissances générales). Selon la théorie standard de la consolidation des systèmes, l’hippocampe se désengagerait progressivement de la trace mnésique au profit du néocortex, capable d’assurer à lui seul le stockage et le rappel d’une mémoire ancienne.
Les scientifiques ont recherché si, comme les mémoires hippocampo-dépendantes, les réseaux des mémoires de peur amygdalo-dépendantes, étaient eux aussi l’objet d’une réorganisation au cours du temps. Ils ont abordé cette question en utilisant un modèle de mémoire de peur très utilisé chez le rat, qui consiste à présenter à l’animal une odeur qui précède l’arrivée d’un stimulus apeurant. Après quelques essais de ce type, le rat montre une réponse de peur à l’odeur, même en l'absence du stimulus aversif.