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2024-02-22 

De nouvelles découvertes sur la sénescence cellulaire ouvrent des pistes thérapeutiques dans la lutte contre les maladies liées au vieillissement

La sénescence cellulaire est un processus physiologique qui a été associé dans de nombreux travaux aux maladies liées au vieillissement. Néanmoins, les mécanismes biologiques de la sénescence et la manière dont celle-ci pourrait constituer une cible thérapeutique d’intérêt pour lutter contre ces pathologies demeurent encore assez mal compris. Dans une nouvelle étude publiée dans Nature Metabolism, des scientifiques de l’Inserm, d’université Paris Cité et du CNRS au sein de l’Institut Necker Enfants Malades, ont identifié des changements métaboliques, c’est-à-dire des modifications de l’utilisation de l’énergie par les cellules, associés à la sénescence. Cette étude suggère aussi que ces changements métaboliques, qui entrainent l’accumulation de graisse dans la cellule, pourraient être une cible thérapeutique prometteuse dans les maladies liées au vieillissement.

La sénescence cellulaire est un processus physiologique qui entraîne une modification des fonctions de la cellule et un arrêt irréversible de ses divisions. Elle est induite par une exposition aiguë ou chronique de l’organisme à des signaux de stress physiologique (comme par exemple des dommages causés à l’ADN, le vieillissement, l’oncogénèse[1]…). Il est aujourd’hui bien établi que l’accumulation de cellules sénescentes dans l’organisme contribue aux maladies liées à l’âge, mais on ne comprend pas encore entièrement son rôle dans l’initiation de ces pathologies ni tous les mécanismes sous-jacents impliqués.

Pour accroitre les connaissances sur le sujet, le chercheur Inserm Mario Pende et ses collègues s’intéressent depuis plusieurs années, notamment dans le cadre du programme scientifique AgeMed (voir encadré), aux changements métaboliques qui s’opèrent au niveau des cellules lors du processus de sénescence.

En effet, la sénescence est caractérisée par une inflammation et une reprogrammation métabolique, c’est-à-dire par une modification de l'utilisation de l'énergie par les cellules. « Comprendre les changements métaboliques qui interviennent au niveau des cellules pendant le vieillissement est donc clé, car cela pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour cibler la sénescence et en retirer des avantages pour la santé » explique Mario Pende.

Dans leur nouvelle étude, les scientifiques ont d’abord eu recours à des approches de transcriptomique (l’analyse de l'ensemble des molécules d'ARN résultant de la transcription du génome) et de métabolomique (l’analyse des métabolites, petits composés organiques issus de l’organisme) pour étudier ces changements in vitro, dans des cellules sénescentes soumises à différents stress.

En combinant ces différentes méthodes, ils ont pu identifier une « signature » métabolique distincte associée à la sénescence. Dans les cellules sénescentes, ils ont en effet constaté qu’il y avait une accumulation de plusieurs métabolites : le lactate, l'alpha ketoglutarate, le glycérol-3-phosphate (G3P) et la phosphoéthanolamine (PEtn). Ces accumulations résultent de modifications dans l'activité de certaines enzymes (dont une enzyme appelée « glycérol kinase »). Ces résultats ont ensuite été confirmés dans d’autres types cellulaires et sur des modèles animaux. « En combinaison avec d’autres mesures, cette signature métabolique pourra être utilisée comme biomarqueur du vieillissement cellulaire et ainsi permettre son suivi pendant la vie d’un individu », souligne Mario Pende.

Dans la seconde partie de l’étude, les scientifiques ont aussi cherché à moduler les changements métaboliques qu’ils avaient observés, afin de voir s’ils pouvaient réduire les effets délétères de la sénescence sur la santé. En utilisant des molécules qui inhibent l’activité de l’enzyme glycérol kinase, ils ont constaté une réduction de l’inflammation liée à la sénescence tout en diminuant l’accumulation de graisses dans les cellules (les triglycérides).

« Nous ne sommes pas parvenus à redémarrer le cycle cellulaire et à pousser les cellules sénescentes à se multiplier à nouveau. En revanche, nous avons pu observer clairement une diminution des marqueurs inflammatoires associés au processus de sénescence. Nos résultats indiquent donc globalement que réguler le changement métabolique observé dans les cellules sénescentes pourrait être une stratégie prometteuse pour cibler la sénescence cellulaire dans les maladies liées au vieillissement », conclut Mario Pende.

Ces travaux ont fait l’objet d’un dépôt de brevet par Inserm Transfert.

[1] La conversion d’une cellule normale en cellule cancéreuse

 
Le programme transversal AgeMed de l’Inserm

L’équipe dirigée par Mario Pende est membre actif du programme de recherche AgeMed, qui vise à décrypter les mécanismes cellulaires impliqués dans le processus de vieillissement. Les équipes de Eric Gilson, Oliver Bischof and Bertrand Friguet ont aussi participé à cette étude.
L’objectif est d’identifier des voies cellulaires et des cibles moléculaires qui permettront, dans un second temps, de développer des pratiques médicales innovantes pour prévenir et guérir les maladies liées à l’âge.
Plus d’informations sur inserm.fr : https://www.inserm.fr/nous-connaitre/programme-transversal-agemed/

 
Sources
A homoeostatic switch causing glycerol-3-phosphate and phosphoethanolamine accumulation triggers senescence by rewiring lipid metabolism

Khaled Tighanimine1, José Américo Nabuco Leva Ferreira Freitas 2,3,4,16, Ivan Nemazanyy 5,16, Alexia Bankolé 1, Delphine Benarroch-Popivker6, Susanne Brodesser 7, Gregory Doré 8, Lucas Robinson 9,10, Paule Benit 11, Sophia Ladraa 1, Yara Bou Saada 12, Bertrand Friguet 12, Philippe Bertolino 13, David Bernard 13, Guillaume Canaud 1,14, Pierre Rustin 11, Eric Gilson 6,15, Oliver Bischof 2 , Stefano Fumagalli 1 & Mario Pende 1

 
1 Institut Necker Enfants Malades (INEM), Universite Paris Cite, CNRS, Inserm, Paris, France.
2 IMRB, Mondor Institute for Biomedical Research, Inserm U955, Universite Paris Est Creteil, UPEC, Faculte de Medecine de Creteil 8, Creteil, France.
3 Biological Adaptation and Ageing B2A (IBPS), Sorbonne Universite, UMR 8256, Paris, France.
4 Inserm U1164, Paris, France.
5 Platform for Metabolic Analyses, Structure Federative de Recherche Necker, Inserm US24/CNRS, UAR, Paris, France.
6 Institute for Research on Cancer and Aging (IRCAN), Universite Cote d’Azur, Inserm, CNRS, Nice, France.
7 Cluster of Excellence Cellular
Stress Responses in Aging-associated Diseases (CECAD) at the University of Cologne, Faculty of Medicine, University Hospital of Cologne, Cologne, Germany.
8 Plasmodium RNA Biology Unit, Institut Pasteur, Paris, France.
9 Department of Cell Biology and Infection, Institut Pasteur, Paris, France.
10 Inserm, U993, Paris, France.
11 Neurodiderot, Universite Paris Cite, Inserm U1141, Paris, France.
12 Biological Adaptation and Ageing (B2A-IBPS), Sorbonne Universite, CNRS, Inserm, Institut de Biologie Paris Seine, Paris, France.
13 Equipe Labellisee la Ligue Contre le Cancer, Centre de Recherche en Cancerologie de Lyon, Inserm U1052, CNRS UMR 5286, Centre Leon Berard, Universite de Lyon, Lyon, France.
14 Unite de Medecine Translationnelle et Therapies Ciblees, Hopital Necker-Enfants Malades, AP-HP, Paris, France.
15 Department of Medical Genetics, University Hospital (CHU) of Nice, Nice, France.
16 These authors contributed equally: Jose Americo Nabuco Leva Ferreira Freitas, Ivan Nemazanyy.


Nature Metabolism, février 2024
DOI:10.1038/S42255-023-00972-Y


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